Handicap de Soulé : le quotidien d’un couple malvoyant
Après quelques heures passées à leurs côtés courant février, nous pouvons affirmer qu’entre Souleymane Ouédraogo et sa femme, ce n’est pas seulement un mariage de raison. Au contraire, c’est un amour de longue date qui s’est construit sur des bases solides.
Arrivée un peu vers 17h dans ce petit nid d’amour, sise au quartier Gounghin de Ouagadougou, nous avons trouvé une maison impeccablement tenue par une mère de famille, elle aussi handicapée visuelle. Mais comme son époux, rien dans son apparence ne l’indique de prime abord. Véritable reine de beauté, surtout dans cette robe dentelle qui lui va à ravir, Safiatou Compaoré essaie de répondre aux caprices de son deuxième enfant, Chérif Mohammed Bayane, âgé de trois ans. Lorsque dame Ouédraogo obtient finalement un moment de répit, elle nous explique avec plaisir comment elle a rencontré son homme, devenu officiellement son époux le 27 février 2016.
Pour la petite histoire, les deux tourtereaux se sont connus à l’ABPAM. En son temps, monsieur était déjà au lycée et madame en CM (cour moyen). « Je l’accompagnais un peu avec des cours d’appui à domicile et c’est de cette manière que nous avons appris à nous connaître, à nous comprendre et à nous aimer », précise le chef de famille. C’est à partir de 2009, avec la naissance de leur première fille, Leila Ouédraogo, que les amoureux décident de s’installer ensemble et de construire cette famille qui ne semble pas si différente des autres.
Si certains ont tendance à ne voir que les difficultés, les conjoints, eux, assurent qu’ils se comprennent mieux que s’il s’était agi d’une personne valide qui vit avec une personne handicapée visuelle car cela aurait demandé un moment d’adaptation ou alors l’un aurait eu tendance à trop compter sur l’assistance de l’autre. Pourtant, dans leur cas, madame qui est aussi assistante sociale à l’ABPAM, est assez libre. En dehors du marché qu’elle ne peut pas faire, elle accomplit certaines tâches elle-même : « J’ai toujours préparé les biberons de mes enfants, je cuisine très bien et c’est délicieux… » Elle n’a pas le temps d’achever sa phrase que monsieur la coupe, sur un ton taquin : « laisse-moi en juger ». Il ne tardera pas à ajouter : « C’est vrai, elle prépare très bien, elle a imaginé des astuces pour mesurer les quantités qu’il faut (huile, sel, cuisson de la viande, etc.). Je peux même faire la différence entre sa cuisine et celle d’autrui ».
Pour l’éducation des enfants qui sont tous deux nés sans aucun handicap, le couple a développé aussi des méthodes. D’abord, les parents veulent faire comprendre à leurs progénitures qu’ils auront besoin de leur soutien pour les éduquer comme il faut. La formation d’assistante sociale de la mère lui permet d’échanger beaucoup avec sa fille, déjà suffisamment grande, pour qu’elle comprenne leur handicap, qu’elle l’accepte et en fasse un élément de son existence. « Elle est assistée par des maîtres de maison mais moi-même je l’aide à réviser. Comme je ne vois pas, je lui demande d’abord de lire sa leçon que j’enregistre sur mon téléphone. J’écoute le son à un autre moment et quelques jours plus tard, je lui pose des questions sur le cours », explique le père de famille pour qui toute la maisonnée semble vouer un amour et un respect inconditionnels. Ce qui est certain, c’est que sa compagne est vraiment fière de lui, non seulement pour le mari et père qu’il est mais aussi pour son engagement auprès des personnes vivant avec un handicap. Ce qu’elle déplore, ce sont ses absences compte tenu du fait qu’il est très sollicité. « Je sens un peu le vide à la maison. S’il sort le matin, c’est pratiquement la nuit qu’il rentre, même le week-end. Il voyage beaucoup et je suis souvent seule avec les enfants », une déclaration qui sonne comme un cri de cœur lancé à son homme qui semble en avoir pris bonne note.
Pour Souleymane Ouédraogo, cette vie de famille qu’ils apprécient tous demande beaucoup de moyens. Il a fallu par exemple acheter une voiture et recruter un chauffeur pour les déplacements. Il y a une aide-ménagère pour madame, un assistant pour accompagner monsieur et il faut compter sur l’aide des proches pour la lecture de certains documents. « Il faut trouver quelque chose pour motiver les uns et les autres », confie le couple dont la détermination a permis à d’autres personnes vivant avec le même handicap d’oser franchir le pas.
Zalissa Soré
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