Conseils constitutionnels en Afrique : Ces machins du décor institutionnel
Partira, partira pas, Mme Manassa Daniako, présidente de la Cour constitutionnelle du Mali ? Après que 4 de ses pairs ont rendu le tablier, comme s’ils avaient des reproches à se faire dans l’exacerbation de la crise dans le pays, elle n’a plus de légitimité pour s’accrocher à son poste. Dur dur sera-t-il pour elle de résister aux pressions qui ne manquent pas, notamment celle de la rue. En effet, le Conseil national de la société civile du Mali, une composante du mouvement du 5-juin, a réitéré, lundi dernier, sa revendication d’une démission de la Cour constitutionnelle. Elle est accusée d’avoir mal géré le contentieux électoral né des législatives de mai 2020.
Loin du Mali, dans la partie australe du continent, les Malawites étaient appelés aux urnes, mardi 23 juin, pour la reprise de l’élection présidentielle, après celle annulée en mai 2019 par le Conseil constitutionnel. En cela, le Conseil constitutionnel malawite avait suivi la jurisprudence établie par la Cour suprême kenyane qui, en août 2017, avait invalidé l’élection d’Huru Kenyatta à la magistrature suprême.
Revenons en Afrique de l’Ouest, en Côte d’Ivoire, pour remonter le temps jusqu’en octobre 2010, quand le Conseil constitutionnel sous le magistère de son président d’alors, Paul Yao N’Dré, annulait tous les votes des circonscriptions électorales dans le nord du pays et déclarait Laurent Gbagbo vainqueur de la présidentielle. La suite on la connaît : il s’en est suivi une crise électorale qui fit près de 3000 morts à la suite de laquelle Laurent Gbagbo fut arrêté et expédié à la CPI. Alors, le même Paul Yao N’Dré, était revenu de son exil ghanéen proclamer, toute honte bue, la victoire d’Alassane Dramane Ouattara à cette élection.
On peut multiplier les exemples à souhait où les Cours ou Conseils constitutionnels, sous nos tropiques, n’ont pas eu le beau rôle dans la gestion des contentieux électoraux. Au contraire, dans un scénario à l’identique, ces institutions se sont illustrées la plupart du temps à épouser la raison du plus fort, celle des présidents sortants ou des partis au pouvoir, devant les recours pour fraudes aux élections de leurs adversaires. Certes, les récriminations des opposants ne sont pas toujours étayées par des preuves convaincantes mais beaucoup de nos juges suprêmes ne sont pas exempts de tout soupçon de corruption ou, à tout le moins, de partialité. Tout gardiens du temple des lois qu’ils sont, ces magistrats n’en demeurent pas moins des citoyens avec des inclinaisons politiques voire un devoir de gratitude à l’endroit de ceux qui ont favorisé leur ascension au sommet de la pyramide judiciaire.
Rien d’étonnant alors que ces hautes juridictions dont la grandeur et la noblesse du rôle n’échappent à personne, deviennent des machins du décor institutionnel de bien de pays. On y entre le plus souvent par copinage, plus pour les honneurs et les avantages pécuniaires de la fonction que pour les valeurs républicaines et morales liées à la charge. On désespère donc de voir la jurisprudence des Conseils constitutionnels kenyan et malawite faire tache d’huile sur le continent. Pourvu que très bientôt, l’histoire nous donne tort, ici et ailleurs !
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