Colonisation et violation des droits humains : repentance sans réparation ?
Mieux vaut tard que jamais ! A l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance de la République démocratique du Congo (RDC), le roi de Belgique qui a aussi le statut du chef de l’Etat, a exprimé ses « profonds regrets » pour les « souffrances, humiliations, violences et cruautés » dont ont été victimes les populations de ce pays pendant la période coloniale (1885-1960).
C’est dans une lettre adressée au président Félix Tshisekedi que Philippe de Belgique a présenté ces regrets tout en affirmant que son pays avait un devoir de vérité sur son passé colonial en RDC. Des regrets aux accents de repentance dans un contexte mondial où le mouvement contre le racisme a repris du poil de la bête après la mort tragique du Noir américain, George Floyd. L’indignation planétaire née de ce drame a entraîné des vandalisations voire des déboulonnages de statues dont celles de Léopold II en Belgique. C’est connu, ce colonialiste bon teint figure en bonne place parmi les personnalités qui ont eu des rôles controversés dans l’épopée coloniale européenne. « Les profonds regrets » du roi belge, selon les analystes, ont été exprimés en accord avec le gouvernement et précédent d’ailleurs l’installation d’une commission parlementaire qui aura pour mission d’examiner le passé colonial du royaume.
Jusqu’où iront les propositions de cette commission parlementaire afin que l’engagement du roi Philippe à combattre toutes les formes de racisme se concrétise ? Sans devancer l’iguane dans l’eau, on ose espérer que dans la droite ligne de la repentance royale, la commission parlementaire envisagera des réparations à l’endroit des victimes de ces graves violations des droits humains pendant la période coloniale. En cela, les Africains, les populations congolaises ici en l’occurrence, ne demandent ni la charité ni la magnanime condescendance des anciennes métropoles mais une contrition morale et le franc symbolique de réparation. Cette réparation symbolique en ajouterait à la sincérité des « profonds regrets » et contribuerait sans doute à pacifier définitivement la mémoire du royaume comme souhaité par Philippe de Belgique dans sa missive à Félix Tshisekedi.
Au-delà de la RDC, c’est toute l’Afrique qui attend ce geste fort de la réparation symbolique des torts subis pendant la colonisation. Nous disons bien réparation symbolique car le préjudice en la matière est des plus colossaux. Quand on pense aux millions de pertes en vie humaine, à l’exploitation à grande échelle des ressources naturelles, aux travaux forcés, sans oublier les divers sévices corporels et autres brimades, la dette de la colonisation est difficilement évaluable en espèce sonnante et trébuchante. Il faut même dire que tout l’or du monde ne saurait compenser cet assujettissement des Africains, ravalés à des moins qu’humain pendant près de 100 ans et dont les stigmates sont encore visibles aujourd’hui dans les préjugés racistes qui les accablent encore en plein 21e siècle. Que dire alors de la traite négrière ?
Avant les « profonds regrets » de Philippe de Belgique, C’est le président français, Emmanuel Macron, qui en février 2017, alors qu’il n’était encore qu’un simple candidat à l’Elysée, déclarait à Alger que « la colonisation est un crime contre l’humanité ». 09 ans avant cette sortie d’Emmanuel Macron, c’est le président François Hollande qui, toujours lors d’une visite en Algérie, indexait la colonisation comme un « système profondément injuste et brutal ». Et puis plus rien, comme si les victimes devraient se contenter de ces mots de repentance voilée. Pour les réparations, il faudra repasser. Demain ou jamais ?
Lobspaalga