« Le fils du riche » : leçon de vie du rappeur Abdoul Kaboré alias Kayawoto
S’il y a une chanson en vogue ces derniers temps dans l’univers musical burkinabè, c’est bien « Rankanra biiga » du jeune rappeur Abdoul Kaboré alias Kayawoto. En un mois, le clip a été visionné près de 400 000 fois sur la plateforme Youtube, et a suscité des dizaines de « covers ». Pourtant, il est sujet à polémique, tant du point de vue de la mise en scène que du texte. Contenu obscène pour certains, paroles grossières pour d’autres… Des amateurs aux critiques avisés, la polémique ne s’estompe pas au sein des mélomanes. Le 21 juillet à Ouagadougou, nous avons rencontré l’artiste qui nous éclaire davantage sur son œuvre, sa carrière, ses ambitions…
Il y a à peine quelques mois, Abdoul Kaboré alias Kayawoto était encore un inconnu du public. Plus maintenant avec la sortie de la chanson ‘’Rakanra biiga’’, traduisez, « le fils du riche » dans la langue de Molière. Ce single a vite placé sous les feux des projecteurs l’auteur de Wagdré et de Tabi Yonsé. Ils sont sans doute nombreux les mélomanes qui ont écouté et réécouté la chanson ou qui ont visionné et ré-visionné le clip qui va avec.
Dans une mise-en scène d’environ quatre minutes, l’artiste fraîchement sortie de l’ombre du showbiz y met en exergue une vie de débauche dont il est l’acteur principal. Une vie dans laquelle font bon ménage villas et voitures de luxe, liasses de billets de banques et champagne à flots. Et comme pour ne rien omettre afin de faire un parfait clip à l’américaine, certaines séquences présentent l’autre moitié du ciel se trémoussant dans des tenues légères.
Le texte, en mooré, traduit presque parfaitement les images du clip. Morceaux choisis : « j’ai un compte bancaire depuis l’âge d’un an parce que mon père est riche » ; « les téléphones de dernière génération j’en ai pour distribuer aux filles, parce que mon père est riche » ; « le DJ du maquis me fait des louanges parce qu’il sait que je peux lui tendre des sous » ; « je n’empoche pas du jeton, papa m’a dit que ça troue les poches ; « qu’on me serve le champagne au lieu de la bière qui est sources de maladies » ; « je sors me chercher des problèmes et c’est pour que papa vienne gérer » ; « sa richesse est si abondante qu’elle peut taire le juge » ; …
« Certains ont sans doute interprété mal le clip»
Si l’œuvre artistique est perçue comme assez osée par certains mélomanes qui n’ont d’ailleurs pas manqué de commentaires sur les réseaux sociaux, l’artiste lui, semble ne pas être sur la même longueur. Il pense plutôt être un incompris, car le single, annonciateur d’un prochain album (Maouland), se veut porteur d’un message de combativité à l’endroit de la jeunesse mais aussi une volonté de présenter une autre image du pays, et au-delà, de l’Afrique : « Je suis parti du constat selon lequel on a longtemps présenté à travers la musique la misère de nos populations. Je me suis dit pourquoi ne pas sortir une chanson qui va faire rêver la jeunesse, lui montrer que tout est possible en Afrique? », S’interroge le jeune rappeur. Pour lui, le rap est un genre musical de choix pour faire passer le message d’une manière indirecte, et c’est bien le cas dans « Le fils du riche ». « Dans ce clip, par exemple, je dis quelque part : je vis la belle vie’’. C’est une manière indirecte de montrer à celui qui dort la nuit pour se réveiller le lendemain à 10h qu’il ne réalisera pas ses rêves », soutient le jeune rappeur. Outre cette explication, « Rakanra biiga », selon son compositeur, est en partie teinté d’autobiographie. « En réalité, je suis né dans une famille aisée», confie-t-il à ce sujet.
« Cette chanson a beaucoup changé ma vie »
Aux critiques de ceux qui trouvent à redire sur la chanson, son auteur répond sans étonnement dans un français approximatif : « C’est normal que des gens m’opposent certaines critiques. La musique comme toute œuvre d’art a d’ailleurs besoin de ça. Quand c’est tout le temps que le public vous jette des fleurs, cela ne vous incite pas à faire autrement et à aller de l’avant. En outre, ces critiques participent à l’expression de la liberté d’opinion garantie par démocratie ».
Malgré les critiques ce sigle d’Abdoul Kaboré, d’une manière générale, a été bien accueilli par le public. C’est du moins l’avis du rappeur qui nous déclare : « Je puis dire que cette chanson a beaucoup changé ma vie. En quelques semaines elle m’a rapporté gros, pas forcément en termes d’argent mais en notoriété. Sur les réseaux sociaux, par exemple, je suis tombé plusieurs fois sur des parodies de la chanson. C’est une preuve qu’elle est bien appréciée et il n’y a pas meilleur motif de satisfaction pour un artiste.» Et ce n’est pas tout. Entre plateaux de tournage et concerts, Kayawoto est de plus en plus sollicité par des promoteurs de marque pour jouer dans des publicités.
De quoi voir grand celui qui dit avoir quitté très tôt les bancs de l’école pour le milieu artistique. A 25 ans, Abdoul Kaboré rêve en effet d’une suite de sa carrière faite de grands concerts qu’il donnerait dans de grands espaces de spectacles aussi bien au Burkina qu’à l’international. Il se dit déterminé pour y arriver. Il ne voit aucun obstacle sur ce chemin, même pas la barrière linguistique, lui qui se dit plus inspiré à composer les chansons en langue mooré. Son producteur, San Rémy Traoré, est aussi confiant, convaincu des talents du jeune artiste avec qui il entretient une bonne collaboration depuis maintenant trois bonnes années.
Bernard Kaboré
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