Editorial

Burkina Faso : réconciliation nationale, quand tu nous manques !

 Ce début du mois d’août 2020 est marqué au Burkina par deux manifestations qui mettent en exergue l’impérieux besoin de réconciliation nationale.

Dossier Thomas Sankara en souffrance à la justice, Blaise Compaoré en exil prolongé, 2 cas emblématiques de l’impérieux besoin de réconciliation nationale au Burkina

En effet, le 4 août, à Ouagadougou, pendant que des activistes du sankarisme se réunissaient au siège du Conseil de l’Entente, autour du monument de leur idole, pour commémorer le 37e anniversaire du déclenchement de la Révolution démocratique et populaire (RDP), des partisans de son tombeur, Blaise Compaoré, appelaient à une rencontre de plaidoyer  à la Maison du peuple, le samedi 8 août, en faveur d’un retour d’exil de ce dernier. Entre le 4 et le 8 août, c’est tout le Burkina qui a soufflé les 60 bougies de la proclamation de son indépendance, le 5 août.  Mais, c’est connu, pour des raisons de commodités climatiques, la célébration de  cet anniversaire se fait depuis belle lurette le 11 décembre, date commémorative de la proclamation de la République autonome de Haute-Volta, en 1958, au sein de la Communauté française.

 C’est donc sans les flonflons habituels d’une fête nationale que les 5-Août se suivent et se ressemblent, marqués néanmoins du sceau de la journée fériée. Par contre, ce 4 août, au Conseil de l’Entente, les nostalgiques de la RDP n’ont pas tari d’élégies en souvenir de l’icône burkinabè du panafricanisme ; tout comme ils ont voué aux gémonies ses assassins et ceux qui, selon eux, veulent falsifier l’histoire. Que diront ce 8 août les partisans de Blaise Compaoré qui voient en lui le père de la renaissance démocratique du Burkina ? Ils vont sans doute égrener un chapelet de doléances au pouvoir actuel, qui, en matière de réconciliation nationale, n’en fait pas assez pour que les victimes de l’insurrection populaire, particulièrement ceux en exil, recouvrent leurs droits.

C’est dommage que plus de 30 ans après la tragique disparition du président Thomas Sankara, toute la vérité ne soit pas connue sur son assassinat et que le dossier soit toujours en souffrance dans les méandres des structures et des procédures judiciaires. Ce n’est pas acceptable, ce déni de justice, pour un ancien chef d’Etat, élevé au rang d’héros national. Idem pour Blaise Compaoré qui, quels qu’aient pu être ses erreurs, méritent mieux que le déshonneur d’un exil qui perdure. Ces deux cas emblématiques sont syntagmatiques de ce que la réconciliation nationale au Burkina est un véritable serpent de mer : tout le monde en parle et personne ne la voit… se matérialiser.

 Que faire pour en accélérer le processus ? Depuis bientôt 5 ans que le Haut conseil  pour la réconciliation  et l’unité nationale (HCRUN) est en place, le résultat de son action est inversement proportionnel aux aspirations des victimes de la violence en politique qui, plus que les autres citoyens, attendent la réalisation de ses objectifs. On se souvient que le dialogue politique qui s’est tenu du 15 au 22 juillet 2019 n’a pas occulté cette question. Les participants avaient fait 2 recommandations et pris une résolution avec le triptyque  vérité, justice et réconciliation, comme fondement du renforcement de l’édifice de l’unité nationale. Ce n’est pas demain la veille que cet objectif sera atteint quand on lit ou entend les invectives partisanes qui fusent de partout. Quand s’y ajoutent les problèmes de stigmatisation ou de replis identitaires engendrés par la crise sécuritaire persistante, on ne peut qu’être perplexe sur le ciment du vivre-ensemble burkinabè.

Zéphirin Kpoda   

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page