Session extraordinaire du Parlement : Bonjour le nouveau code électoral, exit les espoirs d’un lenga pour les députés !
La troisième session extraordinaire de l’année de l’Assemblée nationale a pris fin ce 25 août avec l’examen et l’adoption d’un projet de loi. Il s’agit de celui portant modification de la loi N° O14-2001/AN du 03 juillet 2001 concernant le code électoral. Ce projet de loi a été adopté à la majorité de 107 voix sur 120 votants. Pour l’occupant du perchoir, Alassane Bala Sakandé, ce vote vient taire les rumeurs qui prêtent aux députés l’intention d’un bonus sur leur mandat.
Pour le vote d’un code électoral révisé à quelque trois mois des consultations électorales, il va sans dire que les élus nationaux avaient du grain à moudre à cette dernière plénière de la troisième session extraordinaire de l’année. Entre les parlementaires et le gouvernement, représenté par le ministre de l’Administration territoriale, Siméon Sawadogo et son collègue de la Communication, Remis Fulgance Dandjinou, il fallait s’attendre à des appréciations diverses du sujet qui a déjà fait l’objet d’un dialogue au sein de la classe politique.
A l’origine, l’introduction d’un projet de loi modifiant le code électoral est justifiée par une paralysie du processus électoral du fait de la survenue de la pandémie de la covid 19, laquelle a notamment contraint à une suspension des opérations d’enrôlement biométriques. Mais il n’y a pas que cela. Cette modification a également été demandée par le gouvernement au regard de la situation sécuritaire dégradée dans une bonne partie du territoire, et qui impose une prise en compte des cas de forces majeures dans l’organisation. C’est justement ce dernier argument qui a cristallisé les débats avant le vote de la loi. En effet, même si l’ensemble des commissions ont émis un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi qui modifie 23 points, les inquiétudes ont fusé de toute part dans l’hémicycle, notamment du côté des élus de l’opposition politique. Pour ces derniers qui prennent à contre-pied la Commission des affaires générales, institutionnelles et des droits humains (CAGIDH), l’argument selon lequel l’adoption du projet de loi permettra de mettre en œuvre une révision a minima du code électoral et que les obstacles juridiques au processus électoral seront levés ne tient pas la route.
Parmi ceux qui ont émis des réserves face au vote de la loi, il y a le député Zilma François Bacyé du groupe parlementaire paix, justice et réconciliation nationale (PJRN). Les enjeux n’ont pas suffisamment été analysés, a-t-il estimé. Pour cet élu, « la situation est assez critique et présente des risques de crises post-électorales », estimant qu’il y a une forme d’exclusion dans le processus révisé, d’autant que « des personnes dans des zones à risque ne pourront pas voter quand ce n’est pas des candidats qui ne pourront pas y battre campagne ».
La sécurisation des élections, l’assurance de Siméon Sawadogo
Yahaya Zoungrana du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) embouchera presque la même trompette : « il faut que les responsabilités soient d’ores et déjà situées(…), des candidats risquent de sauter sur des mines », dit-il. Pour sa part, Alexandre Sankara croit savoir que « ce code électoral donne raison aux terroristes ». Et si le député Karim Ouédraogo, se demande comment les personnes déplacées internes (PDI) voteront dans ce contexte d’insécurité, Aziz Diallo, lui, a dit son « refus » de se « rendre complice d’un attentat contre la démocratie et la cohésion sociale » qu’est l’adoption de la présente loi.
Mais répondant aux préoccupations des parlementaires, le ministre de l’Administration territoriale, Siméon Sawadogo s’est voulu rassurant, faisant savoir que la question de la sécurisation des élections est prise à bras le corps par le gouvernement qui doit tout de même se garder de dévoiler les stratégies mises en place. Du vote des PDI, celles-ci voteront dans les sites d’accueil, a rassuré le représentant du gouvernement. Ainsi, ni la voix des réticents, encore moins l’abstention des indécis n’ont empêché l’examen et l’adoption de l’ensemble du projet de loi par 107 députés sur 120 votants du jour.
Pour le président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé, le vote du code électoral révisé vient redorer le blason des élus. Car, explique-t-il, le rapport qui a découlé des tournées de parlementaires quelques mois plus tôt dans les régions frappées par l’insécurité avait fait de gorges chaudes, en ce sens que la représentation nationale avait suggéré un découplage et un report partiel du double scrutin (présidentielle et législatives). « Des oiseaux de mauvaises augures ont vite fait de dire que les députés veulent s’octroyer un lenga (bonus en langue mooré) mais ceci est la preuve qu’il n’en n’est rien, nous n’avons fait que jouer notre rôle », a clamé l’occupant du perchoir.
Bernard Kaboré