Un seul tour de scrutin et c’est plié. Roch Marc Christian Kaboré a repris sa chose. Il a gardé son naam (pouvoir) comme qui dirait en langage populaire. Tous ceux qui rêvaient de second tour, de « vrai changement » ou de « retour triomphal au pouvoir par les urnes » n’ont plus qu’à aller se rhabiller. Les uns et les autres peuvent remballer leurs programmes et leurs ambitions. Faire contre mauvaise fortune bon cœur. Examiner de près les stratégies électorales adoptées pour voir ce qui n’a pas marché. Tâcher de survivre politiquement à la défaite et mieux se préparer pour la prochaine fois. Sait-on jamais ? Pour le gagnant, c’est maintenant que tout commence. Observations citoyennes et conseils gratuits à un homme d’Etat avisé pour un second et dernier mandat à la magistrature suprême.
Qui peut le plus peut le moins
Parlant du tempérament avec lequel celui-ci a mené la barque Burkina lors de son premier mandat, notamment sous une tempête sécuritaire, sociale et sanitaire, le doyen Edouard Ouédraogo du journal L’Observateur Paalga a dit de Roch Marc Christian Kaboré qu’il est «un héros tragique ». Pour signifier qu’il a su tenir debout là où personne n’aurait pu lui reprocher de s’être écroulé. Serrer les dents et avancer. Garder le cap et se concentrer sur l’essentiel. Ce sont certainement les armes secrètes de la réussite de cet homme politique insaisissable, dont l’apparente bonhommie cache les mystères d’une surprenante capacité à se mettre au-dessus des contingences pour dominer et maîtriser les évènements.
C’est cette force de caractère sans aucun doute qui a permis à Roch Marc Christian Kaboré et à son pouvoir de surmonter les montagnes de difficultés et d’échapper à toutes les chausse-trappes tendues lors du premier mandat. Mieux que de survivre, ils se sont même payé le luxe de plusieurs réalisations marquantes et de décisions plus que courageuses. Au-delà de toute considération, c’est probablement là que se trouve la clé des 57,87% et la cause de la débâcle d’une opposition timorée et trop arc-boutée sur crise sécuritaire et ses conséquences humanitaires. Celle-ci est certes encore présente et prégnante au Nord, à l’Est et dans le Sahel principalement. Mais, à l’approche de son second et dernier mandat, Roch Marc Christian Kaboré doit également continuer à gouverner pour le quotidien, comme il a su si bien le faire lors du premier mandat. Il doit aussi, plus que jamais, chercher à rassembler la nation. Car seule une nation unie et forte peut venir véritablement à bout du péril sécuritaire que nous vivons.
Renforcer la gouvernance inclusive
L’une des caractéristiques principales de la gouvernance sous le premier mandat de Roch Marc Christian Kaboré a été cette ouverture remarquable à la société civile. Va-t-on poursuivre sur cette lancée lors du second mandat ? Nul ne peut le prédire. Il y a toutefois vivement lieu de l’espérer. Le MPP regorge certes de cadres compétents et il se manifeste dans ses rangs beaucoup d’appétits légitimes. Ce serait cependant une grossière erreur, semble-t-il, que, alors qu’il entame son ultime mandat et qu’il a besoin de gouverner pour rassurer et rassembler, le Président KABORE s’enferme dans le nombrilisme étriqué d’une gouvernance partisane et/ou de récompense. Nul ne peut reprocher au MPP de n’avoir pas pris une part très active à la réélection de son champion. Il demeure toutefois évident que c’est le bilan et les résultats du programme présidentiel que les Burkinabè ont plébiscités dans les urnes le 22 novembre. Il faut donc avoir l’intelligence politique de préserver ces petites mains extérieures qui ont si grandement contribué à l’ouvrage.
Certes, le second mandat ne signifie pas une espèce de dernier souper, ni une sorte de viande d’éléphant dont on convie tout le monde à la dégustation. Mais du côté des opposants défaits et forcément déçus, il y a aussi sans doute quelques courtisans, qui ne se feraient pas prier pour ravaler leurs critiques ainsi que leurs injures et apporter plutôt leur petite pierre à la reconstruction de l’unité nationale. La dialectique ici est que la réconciliation nationale ne porte pas uniquement sur la question du retour des exilés, aussi prestigieux qu’ils soient. Face à un ennemi commun qui nous menace à l’intérieur même de nos frontières, elle commence plutôt logiquement par une main fraternelle et agissante tendue à quelques leaders domestiques qui veulent et qui peuvent prendre une part significative à l’apaisement social.
Préparer le Burkina du futur
Dans ses propos d’avant-campagne, Roch Marc Christian Kaboré a pris clairement date pour un certain nombre d’initiatives fortes visant à jeter les bases d’une réconciliation nationale et la refondation d’un espoir pour les générations futures. Il est temps, dans cette même dynamique, de se défaire de tous les boulets. Rompre avec les liaisons « naturelles » ou préconçues, dont certaines peuvent s’avérer politiquement dangereuses et objectivement inopérantes, dans un contexte de gestion des affaires de l’Etat. Quand elles ne sont pas tout simplement encombrantes et compromettantes, face à d’autres alternatives existantes, pour l’œuvre et la haute mission du moment.
L’analyse des résultats des élections législatives du 22 novembre est édifiante de ce point de vue. Là où, agglutinée dans les principaux « grands partis » politiques, la vieille garde politique a continué à se battre et à s’entre-déchirer pour un leadership dépassé, égoïste et méprisant, les jeunes ont su prendre activement et intelligemment toute leur part naturelle dans la compétition.
En terrassant ici et là quelques vieux « baobabs », ils ont su prendre la place qui leur revient avec peu de moyens et beaucoup d’ambition. Dans ce registre, les quelques jeunes qui, depuis 5 ans, ont été appelés au gouvernement sont loin d’avoir été ridicules. Bien au contraire. Quelques-uns symbolisent et trustent littéralement à eux seuls une grande part de la réussite du programme présidentiel, par la performance et les résultats des départements ministériels qui leur ont été confiés. Comme on le dit au rugby, il faut à présent transformer l’essai. Donner à cette jeunesse volontariste davantage l’opportunité de servir la nation, en mettant ses connaissances acérées et son enthousiasme avéré au service d’une action gouvernementale beaucoup plus en phase avec les évolutions technologiques du moment ; une gouvernance plus vivace et plus dynamique, pour un Burkina de demain incontestablement meilleur et prospère.
Le mandat de tous les défis
Roch Marc Christian Kaboré le sait sans doute mieux que quiconque. Ce second mandat est celui de tous les défis. En l’adoubant largement le 22 novembre dans les urnes, le peuple burkinabè a démontré qu’il lui fait pleinement confiance. Confiance, malgré le contexte difficile, pour ramener la paix et la sécurité au Burkina Faso. Confiance en ses qualités d’homme de foi et de pardon pour présider la réconciliation, la cohésion sociale et l’unité nationale. Confiance en sa vision pour faire en sorte que la transition vers une nouvelle génération d’acteurs politiques puisse se faire dans la douceur et avec intelligence. En le réélisant le 22 novembre, les Burkinabè n’ont pas seulement voulu confier à Roch Marc Christian Kaboré la responsabilité historique de présider à leurs destinées pendant 5 années supplémentaires. Ils ont prouvé leur confiance en l’homme pour tenir la barre quelles que soient les difficultés.
Nul besoin d’être un devin pour penser et dire que dans 5 ans (Dieu lui prête vie, santé et force), le président Roch Marc Christian Kaboré aura à cœur de passer le témoin à un successeur élu, dans un Burkina Faso de paix, d’union et en développement continu. C’est aujourd’hui que commencent le long parcours et le vaste chantier qui doivent nous mener à cette perspective porteuse d’espérance pour notre chère patrie.
La page des élections est désormais tournée. Que ceux qui ont voté pour lui arrêtent de jubiler et pensent à ce qu’ils peuvent faire, chacun au plus petit niveau qu’il croit se trouver, pour aider le chef de l’Etat à réussir la noble mais délicate et difficile mission qu’ils lui ont confiée. Que ceux qui ont concouru avec lui et à qui sont allées les voix de nombreux autres compatriotes ne lui tournent pas le dos. En se disant avec amertume qu’après tout, c’est Roch Marc Christian Kaboré qui a gagné et que celui-ci n’a qu’à se débrouiller avec son mandat. Enfin, que tous ceux qui ont des critiques objectives à formuler et des conseils (aussi naïfs et novices soient-ils) à donner ne se taisent pas. C’est ainsi et ensemble que nous allons construire le Burkina. Bon vent, Excellence Monsieur le Président réélu, et que Dieu bénisse toujours le Burkina Faso !
Sidzabda Damien Ouédraogo