Santé

Lutte contre la covid19 : « Nous, du personnel soignant, n’avons pas peur, nous sommes la riposte à cette pandémie », Dr Vincent Saré

Le personnel soignant est l’un des importants maillons de la chaîne qui a occupé et qui occupe encore les premiers rangs dans la lutte  contre la covid19.  Nous avons rencontré  l’un de ces combattants pour la santé des populations burkinabè, le Dr Vincent Saré. Ce dernier avait été testé positif au coronavirus. Aujourd’hui totalement guéri, il a accepté de nous parler, portant témoignage sur les risques et le courage du personnel soignant dans la lutte contre cette pandémie. Pour ce médecin généraliste, au CHU de Tengandogo, lui et ses collaborateurs sont la riposte vivante à cette maladie au Burkina. Il n’a d’ailleurs pas eu peur, dès sa guérison de retourner s’occuper de ses patients. « J’ai prêté serment pour cela », affirme-t-il consciencieusement.

Dr Saré au début de la pandémie au Burkina, vous étiez au-devant de la lutte.  En quoi a consisté votre travail ?

Au début de la pandémie nous étions effectivement au-devant de la lutte au CHU de Tengandogo. Nous y sommes allés en renfort et y avons trouvé des collaborateurs dynamiques. Notre travail à consister en la prise en charge des patients suspects ou confirmés d’infection au coronavirus. Dans cette tâche, il y a d’abord le checking. Quand le patient arrive à l’accueil de l’hôpital, on recherche  de la  comorbidité, c’est-à-dire des facteurs de prédisposition au diagnostic ou d’aggravation de la maladie à coronavirus. Ensuite, on lui fait faire le test. Que le patient soit positif ou négatif la prise en charge était la même s’il présente des signes d’atteintes respiratoires. Il est alors traité en fonction des symptômes qu’il présente. Enfin les cas positifs au coronavirus sont dirigés vers un bâtiment spécifique pour favoriser leur confinement et leur prise en charge.

Beaucoup de malades et/ou de parents de malades se sont plaints de  la prise en charge au début de la pandémie. Avec le recul, quelles sont les insuffisances qui ont limité votre travail ?

Insuffisances au niveau de la communication notamment avec des propos incohérents en rapport avec la riposte et le dispositif mis en place. C’était une nouvelle maladie qui nécessitait de nouvelles mesures. C’était difficile pour les gens, les malades, ceux qui les accompagnent, le personnel soignant. Les populations ont l’habitude d’être en contact avec leurs patients alors que dans le cas de la covid-19, il fallait stopper cela et gérer les sentiments de frustrations, les injures, sans oublier les contre-vérités qui fusaient de partout. Mais, au niveau du personnel de santé, on communiquait assez peu avec les accompagnants sur l’état de santé de leurs parents.

La covid-19 vous a empêché de travailler durant combien de temps ? Parlez-nous de cette expérience,  quand celui qui est censé apporter les soins est lui-même alité.

Apparemment, l’une des insuffisances dans cette riposte a été la protection du personnel soignant…

Effectivement la protection du personnel soignant a posé problème entre temps. Au niveau mondial, les masques, les combinaisons étaient en rupture à un certain moment. Le Burkina  Faso n’était donc pas le seul pays à en souffrir.  Les pays occidentaux ont même bénéficié de l’aide de la Chine. Par ailleurs, le personnel soignant était insuffisant au début de la pandémie et même jusqu’à présent. A Tengandogo on est 20 et à Bogodogo où je vais à mes temps libres, on est 4 au niveau de notre section (prise en charge spécifique covid-19) qui est un démembrement des urgences médicales.

Avez-vous pris des mesures au niveau familial pour protéger les vôtres quand vous avez été testé positif ?

Pas en dehors des mesures barrières recommandées. Quand j’étais confiné,  avec ma famille et les relations de voisinage, j’ai gardé le contact au téléphone. Je leur ai expliqué que j’ai été testé positif et qu’il devait renforcer les mesures barrières chez eux. J’étais confiné à domicile, attendant les deux  contrôles négatifs pour reprendre mes activités. On a fait le plein du frigidaire  avec des vivres. J’ai fait quelques jours de confinement puisse que mes deux tests négatifs sont arrivés très vite. J’étais surement en période de fin de forte virulence et je n’ai pas souffert vraiment.

Après votre maladie, est- ce que vous avez été redéployé à votre lieu de  travail initial ?

Oui. Il  n’y a pas eu de réaménagement dans mon travail. J’ai gardé le même poste à l’hôpital de Tengandogo. L’effectif du personnel soignant variait selon la disponibilité des infirmiers surtout quand des hygiénistes ont été infectés par le coronavirus. Plus tard, il y a eu du renfort parce que certains qui étaient en congé ont été réquisitionnés.

Le débat sur le traitement des malades avec la chloroquine est-il maintenant dépassé ? Plus précisément avec quoi traite-t-on les malades de la covid 19 au Burkina Faso ?

Lire aussi : Etude CHLORAZ contre la Covid 19 au Burkina : « Les données préliminaires indiquent un bénéfice de traitement », selon le Pr Halidou Tinto, investigateur principal

Pensez-vous que le Burkina doit envisager dans le court terme la vaccination de sa population contre cette pandémie ? A- t-il les moyens pour cela ?

Si le ministère prend la résolution de négocier le vaccin pour la population,  c’est une action à saluer. Si les vaccins en cours d’utilisation sont efficaces, on peut les administrer aux Burkinabè puisqu’on recherche une solution définitive à ce mal qui fait tant souffrir les populations.

Avez-vous des conseils à donner aux anciens malades ? ont-ils des raisons de s’inquiéter face à la 2e vague qui débute ?

Docteur, peut-on affirmer aujourd’hui que dans notre pays le pire de cette pandémie est derrière nous ?

On ne peut pas encore l’affirmer. Ce qu’il faut faire, c’est renforcer les mesures de communication, notamment à travers la presse. Elle doit faire passer  le bon message en boucle. La répétition va aider les gens à prendre des mesures inconsciemment. Les populations doivent continuer à respecter les mesures barrières.

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Quand les patients sont satisfaits de la prise en charge, on garde le contact à travers des appels

Ces derniers jours on assiste à une augmentation du nombre de cas positifs à la covid-19 au Burkina.  A votre avis, qu’est ce qui explique cela ?

Ce n’est pas un fait du hasard, cette augmentation du nombre de cas positifs. Les gens n’observaient plus les mesures et se disaient que la pandémie était passée et qu’il fallait passer à autre chose. Avec l’histoire politique récente de notre pays, où on a entrepris de faire des rassemblements sans mesures de protection c’était évident que la pandémie connaîtrait une recrudescence.  Comme on le dit souvent, le poisson pourri par la tête. Si les décideurs ne prennent pas de mesures vigoureuses, le peuple à a la base se dit qu’on l’avait flatté sur cette maladie qui n’est finalement pas réelle.  Actuellement, les tests indiquent qu’il y a une véritable flambée de cas de covid 19. Mais les chiffres ne traduisent pas la réalité, parce qu’il y a de nombreux cas positifs et beaucoup de malades ne se font pas dépistés. Si on pouvait faire au moins 1000 tests par jour vous verriez que la situation est plus critique.  

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                                                                         W . Harold Alex Kaboré

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