Passation de charges CFOP : Eddie remue le couteau dans la plaie
Après les législatives du 22 novembre 2020 au Burkina, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) a obtenu 20 sièges à l’Assemblée nationale contre 12 pour l’UPC (Union pour le progrès et le changement). Ainsi, quelque quatre mois après les scrutins, l’ancien Chef de file de l’opposition politique, Zéphirin Diabré, président de l’UPC a passé la main au président du CDP Eddie Komboïgo. C’était dans la matinée du vendredi 5 mars 2021 à Ouagadougou.
Voies d’accès barrées de tous cotés, forte mobilisation des Forces de sécurité… cette cérémonie de passation de charges entre Chefs de file de l’opposition sortant et entrant, une « première dans l’histoire du Burkina », devrait connaître la présence d’invités de marque. En effet, personnalités politiques, présidents d’institution, ambassadeurs et acteurs de la société civile, pour ne citer que ceux-là, ont fortement répondu à l’invitation.
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Tout de blanc vêtu, le président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé occupait une place de choix, lui qui était installé au milieu des deux principaux protagonistes. Prenant la parole, il n’a pas manqué, toujours avec le même sens de l’humour qu’on lui connaît, de mettre les points sur les i. Il a expliqué que le Chef de file de l’opposition politique est une institution de l’Assemblée nationale. Raison pour laquelle c’est la Chambre des députés, par son bureau, qui prend une résolution nommant le CFOP à l’issue des élections. « Il est également bon de préciser que c’est l’Assemblée nationale qui met à la disposition de cet organe le budget pour son fonctionnement. Si nous sommes là, ce n’est donc pas pour faire des arrangements politiques. Nous sommes dans notre droit et c’est notre devoir de procéder ainsi », a-t-il déclaré. Bala Sakandé espère par ailleurs que le nouveau CFOP lui donnera l’occasion de remettre les pieds dans « cette maison » aussi bien sous cette législature que lors des législatures à venir. Une boutade qui aura eu le mérite de susciter des rires dans l’assistance.
Si Eddie Komboïgo est resté stoïque à cette déclaration, il n’a pas tardé à donner la réplique lors de son discours dans lequel il a d’abord tenu à remercier son prédécesseur pour les acquis engrangés. Tout en lui rendant hommage, il a indiqué que gérer l’opposition n’est pas chose facile. « La preuve est qu’il est aujourd’hui dans la majorité », a-t-il souligné. « En attendant que tu nous rejoignes », dixit Zéphirin Diabré. Mais pour le président du CDP, qu’adviendra-t-il de la démocratie si tout le monde allait à la majorité ?
Revenant sur les « irrégularités » relevées pendant les élections, il a déclaré que « les Burkinabè ont été désabusés par des résultats servis par une CENI consciente de transgresser allègrement le code électoral en proclamant des résultats provisoires sans compilation manuelle contrairement aux dispositions prévues ». Et d’ajouter : « J’ai encore en mémoire les déclarations des candidats de l’opposition issus de l’accord politique qui avaient suscité tant d’espoir par leur fermeté pour une correction des résultats. J’ai également en mémoire ces observateurs nationaux et internationaux contraints de courir dans les couloirs du CFOP, de l’APMP et de la CENI afin de faire accepter une victoire qui n’en est pas une ou une défaite qui se révèle être une victoire. Mais comme il fallait avaler la couleuvre pour préserver cette paix déjà mise à mal à cause des attaques terroristes… Puisqu’il en est ainsi, nous acceptons aujourd’hui, malgré tout, les responsabilités du chef de file de l’opposition politique en attendant que mon jeune frère (ndlr : en parlant de Bala Sakandé) qui est pressé de construire le siège de cette institution, nous remplace dans cinq ans ».
S’agissant des attaques terroristes, Eddie Komboïgo a invité l’exécutif à aller vers la solution intelligente de la diplomatie. « La première guerre mondiale a duré quatre ans mais on a fini par se retrouver autour de la table des négociations », a-t-il signifié.
Pour ce qui est de la création du ministère de la Réconciliation nationale, il est d’avis, en attendant d’échanger avec Zéphirin Diabré sur le sujet, qu’il est temps que les Burkinabè pansent leur plaie : « Nous devons apprendre à nous pardonner, à pardonner les actes que nos aînés ont posés ». Il s’est dit étonné de voir qu’un projet de loi portant ajournement des élections municipales a déjà été adopté par le Conseil des ministres. Tout en invitant le chef de l’Etat à suspendre le processus pour leur permettre de mettre en place un cadre de concertation, il a précisé que les textes de la CEDEAO interdisent de modifier quoique ce soit à six mois des scrutins.
Zalissa Soré