Marché de la glace : « Nous sommes pénalisés par les coupures de courant »
C’est sous un soleil de plomb que nous avons mis le cap vers le marché de Zabr-Daaga à Ouagadougou ce lundi 26 avril 2021.
Partie à moto, nous nous sommes finalement résolue à abandonner notre monture dans le premier parking que nous avons trouvé, espérant pouvoir nous déplacer plus facilement dans cette zone commerciale où les rues, très étroites d’ailleurs, sont parsemées de plusieurs sens interdits. Après quelques renseignements, nous voilà en face de marchands de glace installés depuis belle lurette en ces lieux. Assis près de leurs congélateurs qui ne sont plus flambants neufs, ils sont tous unanimes : « L’activité a perdu ses lettres de noblesse, elle semble être en plein déclin ».
Ousmane Sawadogo a commencé ce commerce depuis 1974. A l’époque, tout allait super bien pour lui. « Aujourd’hui, c’est devenu compliqué. Il y a le courant un peu partout dans le pays, les gens ont des moyens de s’offrir des frigos et de produire eux-mêmes leur glace », a expliqué cet homme du troisième âge qui arbore fièrement un chapeau de cowboy.
A l’en croire, certains clients délaissent les barres, qu’il vend à 800 francs CFA, au profit des sachets d’eau congelée que l’on trouve à 50 ou 100 F CFA. S’il reconnait vendre un peu plus avec le jeûne musulman, notre interlocuteur dit n’avoir rien écoulé de son stock de 10 barres de glace depuis près de 72 heures. « Par jour, si on a beaucoup vendu, c’est 6 », a-t-il déploré, surtout qu’avec le temps, la glace peut finir par fondre.
Installé à quelques mètre d’Ousmane Sawadogo, ce n’est pas Benjamin Tiendrébéogo qui dira le contraire. Lui aussi est un vieux de la vieille dans le commerce de glace. En effet, c’est en 1977 qu’il s’est lancé dans cette activité. A l’en croire, en son temps les affaires marchaient trois fois mieux qu’aujourd’hui. Peut-être parce qu’il n’y avait qu’une seule usine qui fabriquait de la glace. « A cette époque, il fallait commander à l’avance si on voulait être sûr d’avoir une boisson fraîche pour rompre le jeûne. Il arrivait même que les clients se battent sous nos yeux », a-t-il affirmé, l’air serein et le regard droit devant lui.
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Il se remémore certainement cette belle période au cours de laquelle sa marchandise était achetée pour être acheminée dans les quatre coins du pays. « Comme il n’y avait pas de courant dans la plupart des provinces, les populations venaient s’approvisionner dans la capitale », a expliqué Benjamin Tiendrébéogo. Et d’ajouter : « Avant, pour avoir un frigo comme ceux que j’ai, il fallait peut-être débourser 500 000 F CFA. Mais de nos jours, avec 200 000, tu as un bon congélateur qui te permet d’avoir de la glace à gogo pour mener tes activités. Alors plus besoin d’en acheter… » A l’en croire, c’est ceux qui n’ont pas de frigo ou qui ont une grande cérémonie qui ont besoin d’acheter leur marchandise.
Interrompu par deux clients arrivés pratiquement au même moment, le vieux n’a plus eu de temps à nous accorder. Il s’est d’abord avancé vers un véhicule occupé par deux passagers pour prendre leur commande qui tournait autour de 20 000 F CFA. Pendant ce temps, Théophile Ouédraogo, le deuxième client, nous a fait savoir qu’il comptait réserver 50 000 F CFA de glace pour les funérailles de sa grand-mère prévues pour le samedi à Yako, province du Passoré. « On voulait acheter sur place mais nous n’avons pas pu avoir la quantité dont nous avons besoin. C’est pourquoi on a commandé à plusieurs endroits soit 50 000 à Gourcy, 30 000 à Yako et 20 000 à Pissy avec les femmes », a déclaré le client du vieux Benjamin qui, entre temps, nous a faussé compagnie pour aller faire une livraison à la Zone du bois.
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Habitué du marché de glace de Zabr-Daaga, Louis Ouédraogo en est le principal fournisseur. Il s’est établi au secteur 24, non loin du marché tôles yaar, où il fabrique les barres de glace. Depuis 14 ans qu’il pratique ce métier, il est d’avis que le marché n’est plus ce qu’il était.
Louis Ouédraogo, fournisseur de glace
Cependant, il a avoué qu’en cette période de canicule, la demande est assez forte. Malheureusement, son usine, à l’instar de plusieurs autres structures, est pénalisée par les coupures d’électricité. « Souvent, on a des commandes mais par manque d’énergie, on ne peut rien faire. Je devais venir livrer ici très tôt ce matin mais il y a une coupure d’électricité au cours de la nuit et la glace n’a pas eu le temps de bien se former », a-t-il déclaré d’un air contrit, lui qui peut fabriquer entre 100 et 200 barres par jour, à raison de 600 F CFA l’unité. Pour pallier le manque de courant, Louis Ouédraogo essaie de travailler avec les groupes électrogènes même si le prix du gasoil n’est pas pour l’encourager sur cette voie.
Zalissa Soré