Terrorisme au Burkina : la pieuvre reprend du poil de la bête
C’est un début de semaine bien éprouvant que vient de vivre le pays des Hommes intègres en matière d’attaques terroristes. Les régions de l’Est et du Sahel, bien connues pour être le ventre mou du pays en matière de sécurité et d’inviolabilité des frontières, ont été le théâtre de plusieurs attaques meurtrières attribuées à des terroristes. Ces attaques et/ou incursions meurtrières non encore revendiquées portent néanmoins les marques des agressions du GSIM et de l’EIGS.
En effet, dans la journée du 26 avril dernier, une unité anti-braconnage est tombée sur des individus armés identifiés à des islamistes, dans la localité de Pama , à l’est du Burkina, à la frontière avec le Niger. Les combats ont faits 6 blessés et 4 portés disparus : 1 soldat burkinabè, 1 écologiste irlandais et 2 journalistes espagnols. Le lendemain, les corps de l’Irlandais et des journalistes espagnols étaient retrouvés criblés de balles. Le soldat burkinabè, 48 heures après l’attaque, a été retrouvé. Nul doute que son témoignage donnera à comprendre davantage ce qui s’est passé.
Ce même lundi 26 avril, selon un communiqué du ministre porte-parole du gouvernement burkinabè en date du 27 avril, le pays a subi les « incursions d’individus armés dans plusieurs localités du Sahel : Sofokel, Yatakou, Tao et Seytenga dans la province du Seno (Dori). Les terroristes ont posé des actes d’intimidation, de pillages et d’assassinats sur des populations civiles. Le bilan fait état de plus d’une dizaine de morts ». Un communiqué du gouverneur de la région du Sahel donne un bilan provisoire de 18 morts et d’1 blessé grave avec un déplacement massif des populations vers Dori, la capitale régionale ou Seytenga, le chef-lieu de cette commune, frontalière elle-aussi du Niger.
Ces attaques interviennent après près de 3 mois d’accalmie consécutive aux élections législatives et présidentielle de fin novembre 2020 au Burkina. En effet, depuis le mois de mars 2021, les agressions terroristes ont repris de plus belle. Avec les assassinats de lundi et mardi derniers, pas moins de 40 Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), des soldats et des civils ont été victimes de cette recrudescence de l’insécurité au Burkina.
Par ailleurs, il est bon de signaler que l’assassinat du président Deby a entrainé un repli des troupes tchadiennes qui étaient prévues pour être déployées dans la zone des 3 frontières du Mali, du Niger et du Burkina, là où justement ces incursions et attaques ont eu lieu. Des observateurs ont ainsi noté que des soldats tchadiens qui étaient pré positionnés à Dori ont plié bagages quelques jours après l’annonce du décès d’Idriss Deby. Cela explique-t-il cette incursion des djihadistes dans une zone que ces soldats tchadiens étaient venus protéger ? Difficile de répondre à cette question même si la proximité des deux événements ne peut qu’intriguer. Idem pour la présence de ce camp de « terroristes très nombreux et très équipés » dans la zone frontalière de Pama .
Qu’ils soient liés ou non au sursis du déploiement de contingents tchadiens au Burkina, sursis lui-même lié à la mort brutale du président Deby, ces assassinats et pillages sont une douloureuse piqûre de rappel de ce que la lutte contre le terrorisme est loin d’être gagnée au Burkina. L’armée burkinabè a encore du pain sur la planche. Une stratégie cohérente de riposte renforcerait davantage la résilience des populations qui, à travers les VDP, font montre de leur disponibilité à épauler les forces de l’ordre dans cette guerre asymétrique.
C’est pourquoi on tombe des nues que des VDP aient des arriérés de « soldes » malgré le lourd tribut qu’ils paient dans cette guerre. De même, on ne saisit pas bien cette ambiguïté de la démarche gouvernementale qui dit ne pas négocier avec le GSIM ou l’EIGS mais discute avec les fils du terroir qui ont pris les armes contre leur pays. Est-ce la bonne stratégie que de vouloir tuer la pieuvre en ne lui coupant que des tentacules ? Non, quand on sait qu’elle a la faculté de les régénérer ! La recrudescence des attaques n’est-elle pas la preuve qu’elle reprend du poil de la bête ?
Zéphirin Kpoda