Education nationale : « Si le gouvernement voulait contingenter l’accès à l’université, il ne se cacherait pas derrière l’organisation du bac », le DG des examens et concours
Deux morts d’élèves à Kongoussi et à Ouagadougou, des saccages de biens matériels au lycée Zinda, c’est le triste bilan des manifestations des scolaires au Burkina Faso depuis quelques semaines. Pour ces derniers, la réforme des examens scolaires entreprise par le ministère de l’Education nationale viserait à la suppression des sujets aux choix et du second tour. Dans le souci de mieux comprendre cette nouvelle donne, nous sommes allé à la rencontre du directeur général des examens et concours, le Dr Prosper Bambara, le 24 mai 2021. Pour lui, il ne s’agit pas de reformes mais plutôt d’aménagements pédagogiques.
Lobspaalga : On assiste à un levé de bouclier des élèves au sujet de la reforme des examens, d’où est venue la nécessité de l’entreprendre ?
Pourquoi doit-on supprimer les sujets aux choix?
Prosper Bambara (PB) : De prime abord, les examens ont toujours fait l’objet d’ajustements perpétuels. Lorsqu’on prend la situation des examens tels qu’ils se déroulent aujourd’hui ça n’a pas été toujours comme cela. Quand je passais le BEPC, j’ai subi l’épreuve d’histoire et de géographie à l’oral et c’est depuis 1984 que cela se fait à l’écrit. Les examens évoluent avec le temps, avec l’évolution des sciences, notre société ne peut rester en marge de l’évolution des sciences. Ainsi, c’est naturel et normal qu’un ministère qui s’occupe des examens et concours initie les réformes nécessaires pour garder la crédibilité et la pertinence des différents diplômes qu’il délivre par rapport à ces examens. Au regard de la démarche-évaluation, une science récente comparée à d’autres plus anciennes, régulièrement on ajuste le système éducatif, le système d’organisation des examens, en fonction des connaissances nouvelles qui apparaissent. Il ne s’agit pas de reformes mais plutôt d’aménagements pédagogiques. Au niveau du Burkina nous sommes en retard par rapport à un certain nombre de choses et il est normal qu’on mette à niveau le système d’organisation des examens au fur et à mesure qu’on avance. Si nous ne le faisons pas, ceux qui viendront après nous vont le faire.
Lobspaalga : qu’est ce qui va changer concrètement avec ces réformes ?
PB : Il y a 7 textes qui ont été pris dernièrement et beaucoup sont en faveur des élèves. De ces textes les parties querellées sont celles dont nous venons de parler. Je rectifie toute suite. Le second tour n’est pas supprimé, le calendrier est déjà disponible. Maintenant, il faut dire une chose, ce sont des procès d’intention qu’on fait au gouvernement. Si le gouvernement voulait contingenter l’accès à l’université, le gouvernement n’a pas besoin de se cacher derrière l’organisation du bac. Il suffisait qu’il prenne un décret pour le contingenter. Le fait de confier l’organisation du BAC au ministère de l’Education n’a rien à voir avec l’accès dans les universités au Burkina Faso. J’en veux pour preuve, l’organisation du bac dans d’autres pays comme la Côte d’Ivoire par le ministère de l’Education nationale. Alors que quand nos compatriotes viennent pour s’inscrire dans les universités, il n’y a aucun droit de restriction. Donc où est le problème ?
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Lobspaalga : Vous ne pensez pas que c’était judicieux d’impliquer les élèves au processus ?
PB : Depuis quand on associe l’apprenant aux programmes d’enseignement d’apprentissages ? C’est le programme d’enseignement qui dit voilà ce qui doit être enseigné dans telle ou telle classe. Dans ce qui doit être enseigné, l’évaluation est intégrée. Ceux qui travaillent sur cela, ce sont des gens qui ont été formées sur de longues années. Ce sont les encadreurs pédagogiques qui élaborent les programmes d’enseignements, même les professeurs on les invite à une deuxième étape pour la validation. Est-ce qu’on peut appeler un élève pour venir discuter de programmes avec quelqu’un qui a bac+10 ? SVP. Même dans les universités il y a le conseil scientifique qui élaborent les programmes, dans ce conseil il n’y a pas de représentant d’étudiant. Pourtant c’est ce conseil qui détermine les contenus.
Faut-il oui ou non abandonner les reformes ?
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Propos recueillis par Camille Baki