Politique

Roch ministre de la Défense : « Cette nomination prouve une fois de plus qu’il ne fait pas confiance aux militaires »

A la suite du réajustement ministériel du 30 juin 2021 qui a vu le président du Faso reprendre sous sa coupe le portefeuille de la Défense, l’on constate que les avis au sein de la population burkinabè sont partagés. Pour Me Ambroise Farama, président de l’Organisation des peuples africains-Burkina Faso (OPA-BF), à qui nous avons tendu notre micro, cette décision est malheureuse et prouve une fois de plus que le chef de l’Etat ne fait pas confiance aux militaires. Lisez plutôt !

Me Ambroise Farama, président de l’Organisation des peuples africains-Burkina Faso (OPA-BF)

Le président du Faso a repris à son compte le portefeuille de la Défense. Est-ce une décision pertinente selon vous ?

De mon point de vue, cette nomination est malheureuse, c’est une nomination hasardeuse pour trois raisons. La première est que dans le premier gouvernement du président Roch Marc Christian Kaboré, c’est lui-même qui était le ministre de la Défense. Mais, après un bout de temps, il a fini par lâcher en nommant Seydou Bouda comme ministre de la Défense. Pourquoi avait-il abandonner ? Est-ce parce qu’il s’est rendu compte que lui-même en tant que président de la République déjà, il ne pouvait pas assumer conjointement ces deux fonctions ? Qu’est-ce qui a changé dans la situation pour qu’aujourd’hui il pense qu’il peut de nouveau assumer cette responsabilité, surtout que la situation sécuritaire est en train de se dégrader davantage ? Donc lui-même il a été ministre, ça n’a pas apporté de solution et revenir encore à ce poste n’est pas, selon moi, la solution.

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Deuxièmement,  il se trouve que le président Kaboré est le chef suprême des armées, il est donc au dessus du ministre. S’il va assumer lui-même cette responsabilité, qui va lui donner les instructions ? Je pense donc que manifestement, c’est un mauvais calcul de penser qu’il doit assumer lui-même cette fonction surtout que ce qu’on lui reproche, c’est sa lenteur dans les prises de décision. Et s’il ajoute des pouvoirs à ceux qu’il a déjà, cela signifie qu’il sera deux fois plus lent. D’autres présidents de la République l’ont fait. C’est le cas par exemple du président Blaise Compaoré qui était un officier supérieur de l’armée. Il avait donc une bonne connaissance du domaine ainsi qu’une bonne connaissance du terrain, il était suffisamment outillé pour le faire. Au regard de tout cela, je pense que c’est une mauvaise solution que le président Kaboré a trouvée.

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Enfin, il vient ainsi de creuser davantage le fossé qui existe entre les civils et les militaires. En refusant qu’un militaire soit un ministre de la Défense, c’est en quelque sorte reconnaître qu’il y a un manque de confiance vis-à-vis des militaires, un manque de confiance qui ne fait que se renforcer. Vous êtes en situation de difficulté et malgré tout vous refusez d’appeler un militaire aux fonctions de ministre de la Défense pour finalement nommer un ministre délégué qui, naturellement, sera dépourvu de tout pouvoir. Aussi, pourquoi nommer un ministre délégué si on pense pouvoir être soi-même ministre de la Défense ? Je ne pense pas que cela va contribuer à rassurer et à donner confiance aux militaires pour qu’ils aillent au combat. Bien au contraire, cette nomination du président Roch prouve une fois de plus qu’il ne fait pas confiance à l’armée, qu’il ne fait pas confiance aux militaires. Comment peut-on gagner cette guerre si on ne fait pas confiance à sa propre armée ? Pour moi, la première solution pour gagner cette guerre, c’est de faire confiance à notre armée. Et tant qu’on ne le fera, on n’aura pas de solution et je pense que c’est une erreur monumentale.

Quelles solutions préconisez-vous à Roch Marc Christian Kaboré pour vaincre le terrorisme dans notre pays ?

La première proposition c’est, comme je l’ai dit, de refaire confiance à notre armée, à nos militaires pour qu’eux même puissent avoir suffisamment confiance pour aller au combat. Il faut commencer par là en leur donnant la gestion du ministère de la Défense.

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La deuxième solution c’est que, pour gagner ce combat-là, tout le peuple burkinabè doit se sentir concerné, engagé et intéressé par cette lutte. Pour cela, il faut un discours fort, un dialogue fort qui implique toutes les composantes de la nation. Nous proposons à cet effet qu’il ait des assises nationales sur la sécurité nationale. Elles vont permettre d’entendre toutes les couches sociales. Chaque niveau va formuler des solutions et je suis convaincu que les suggestions qui seront faites à l’Est ne sont pas les mêmes qui vont réussir à l’Ouest ou au Nord. Il faut donc faire en sorte que toutes les couches sociales soient impliquées et que ce ne soit pas seulement les politiques qui se réunissent pour décider de la question de la sécurité de notre pays. Il faut une certaine ouverture ainsi qu’un discours et un comportement rassembleurs qui fait en sorte que tout le monde se sent engagé par ce combat et que tout le monde se mette sous le drapeau pour défendre la République.

Propos retranscrits par Zalissa Soré

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