Justice

Lutte contre le terrorisme : le troisième pouvoir appelé à la rescousse

L’année judiciaire  2021-2022 a été ouverte ce vendredi 1er octobre 2021 au détour d’une audience solennelle délocalisée à la Salle des banquets de Ouaga 2000. Cette rentrée judiciaire est placée sous le thème de la « contribution du pouvoir judiciaire à la lutte contre le terrorisme », le contexte national étant marquée par une dégradation de la situation sécuritaire.

Début de l’audience solennelle de rentrée

Ceux qui ont une mémoire d’éléphant et qui se rappellent encore l’audience solennelle de rentrée judiciaire de 2020 se demanderont sans doute pourquoi la présente, celle de 2021, se tient une fois de plus le premier jour du mois d’octobre. Non, ce n’est pas une coïncidence, c’est une disposition du statut de la magistrature (l’article 80)  qui le recommande. En effet, cette disposition fixe l’audience solennelle de rentrée judiciaire au 1er octobre de chaque année et à défaut, le premier jour ouvrable après cette date dans les conditions déterminées par une ordonnance conjointe des présidents des hautes juridictions que sont : le Conseil d’Etat, la Cour de cassation et celle des comptes.

Le commissaire adjoint du gouvernement, Jeanne Somda

Pour la circonstance, la Salle des banquets de Ouaga 2000, où cette audience a été délocalisée pour  la énième fois, a pris la configuration d’un tribunal avec les membres au grand complet. Ainsi, à la place des juges, il y avait les présidents des trois hautes juridictions ci-dessus citées,  des greffiers d’un côté et de l’autre, les commissaires du gouvernement à une place qu’aurait occupé le ministère public. Face à ce « tribunal », le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, et quelques membres du gouvernement mais aussi des avocats et des patrons d’institutions.

Un thème imposé par le contexte sécuritaire

Après l’ouverture de l’audience puis les conclusions préliminaires du commissaire gouvernemental ainsi que la lecture des textes afférents à la tenue de l’audience, place a été faite au développement du thème de la présente rentrée solennelle, intitulée : « la contribution du pouvoir judiciaire à la lutte contre le terrorisme ». C’est le commissaire adjoint du gouvernement, Jeanne Somda/Soulama qui a développé ce thème à travers la présentation d’un rapport.

Introduisant son discours, Jeanne Somda a souligné le caractère planétaire du terrorisme non sans esquissé des définitions du Mal et rappeler que son combat nécessite une synergie d’actions des trois pouvoirs républicains que sont l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Et si les actions de l’exécutif et du législatif  sont, dit-elle, plus visibles, respectivement à travers l’élaboration d’une stratégie nationale de lutte et l’adoption d’une législation propice, « celles du pouvoir judiciaires sont plutôt discrètes, quelques fois secrètes ». D’où l’importance de la présente thématique de rentrée, a indiqué l’adjointe au commissaire du gouvernement.

Roch Kaboré (premier plan) s’est engagé à la satisfaction des préoccupations exposées pour une meilleure contribution du pouvoir judiciaire à la lutte contre le terrorisme

Jeanne Somda a développé le thème autour de deux points majeurs à savoir : le dispositif juridique et institutionnel existant d’une part et d’autre part, les limites qui empêchent le pouvoir judiciaire de jouer efficacement sa partition dans la lutte contre le phénomène ainsi que les solutions envisageables.

Au titre du dispositif existant, Jeanne Somda a présenté un pouvoir judiciaire juridiquement renforcé ces dernières années dans la lutte contre le terrorisme. En témoigne « d’importantes mesures prises et donnant une base légale solide à la lutte contre le mal ». Au nombre de ces mesures, la création, l’organisation et le fonctionnement d’un pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes de terrorisme ainsi que la constitution  de la Brigade spéciale des investigations anti-terroriste et de lutte contre la criminalité organisée (BSIAT).

Une kyrielle d’obstacles

Quant aux limites auxquelles fait face le pouvoir judiciaire, elles sont aussi nombreuses que les acquis engrangés au cours des dernières années : insuffisance des ressources humaines, manque de moyens financiers, faible disponibilité du matériel de travail, sécurité peu renforcée pour les acteurs de la justice, limites inhérentes à la prise en charge des victimes, pour ne citer que celles-là.

https://soundcloud.com/lobs-numerique/me-niamba-les-actes-terroristes-ont-beau-semer-le-chaos-leur-repression-doit-etre-encadree?si=073bb296121348278fcc487c3f2b5e22

Jeanne Somda ne croit pas si bien dire. En effet, dans ses observations et plaidoiries, le bâtonnier de l’Ordre des avocats, Me Siaka Niamba, a fait savoir que des magistrats n’ont pas de bureaux et que certains d’entre eux demandent à quitter les juridictions eu égard à la morosité de leurs conditions de travail. C’est pour cela qu’au titre des solutions envisageables, le rapport lu par dame Somda recommande la création d’un fonds d’intervention au profit du Pôle judiciaire spécialisé, le recrutement de magistrats, la protection et l’appui aux acteurs du procès pénal. A cela devrait s’ajouter : la définition d’un meilleur statut des membres du Pôle spécialisé, l’institution de juges pour mineurs au sein dudit Pôle, l’acquisition d’une table d’écoute judiciaire, etc.

Des recommandations qui ne sont pas tombées dans l’oreille d’un sourd. En effet, le chef de l’Etat, Roch Kaboré, au sortir de cette audience solennelle, a dit avoir noté toutes les préoccupations égrenés et s’est engagé à faire en sorte qu’elles soient satisfaites.

Bernard Kaboré

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