Justice

Assassinat Thomas Sankara : « Je ne dirai pas comment Blaise a fui », Gilbert Diendéré

Le général Gilbert Diendéré

Après le parquet, c’était au tour des avocats de la partie civile, ce mercredi 10 novembre 2021, d’interroger Gilbert Dienderé sur sa présumée participation à l’assassinat de l’ex-président Thomas Sankara et de douze de ses compagnons le 15 octobre 1987. Pourquoi n’avoir pas sanctionné les membres du commando ayant perpétré le coup ? Une question parmi tant d’autres qui n’ont pas sorti l’ancien chef de la garde prétorienne de Blaise Compaoré de ses bottes, lui qui a nié toute responsabilité dans ces évènements qui ont emporté la Révolution burkinabè. Et à la question de savoir comment son co-accusé Blaise Compaoré a quitté le pays, l’ancien chef du RSP s’est gardé de détails.

Encore une journée d’audition du général Gilbert Dienderé et la Salle des banquets était une fois de plus bondée de monde. De quoi conforter l’avis de ceux qui considèrent l’ex-chef de la sécurité présidentielle comme l’accusé vedette de ce procès sur l’assassinat de Thomas Sankara, et cela, en l’absence de ses co-accusés, Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando qui sont hors du Burkina.  

L’audience a été reprise avec les questions et observations des avocats de la partie civile, notamment les conseils des ayants droit du défunt président du Conseil national de la Révolution. Tour à tour, les avocats Jean-Patrice Yameogo, Julien Lallogo, Ambroise Farama, Olivier Badolo, Ferdinand Nzépa et Prosper Farama ont chargé le général avec une série de questions, non sans assortir les unes et les autres d’observations.

Certains des avocats ci-dessus cités ont souhaité que le mis en cause revienne sur son agenda du 15 octobre 1987. Ce jour-là, celui qui n’avait alors que des galons de lieutenant et qui dirigeait la sécurité présidentielle aurait écourté, selon ses déclarations, un footing vers l’ENAM où il se rendait pour du sport et serait revenu au Conseil de l’entente d’où provenait des coups de feux.

« Nous aurions pu faire des choses qu’on n’a pas faites »

Un flashback sur la déposition de l’accusé qui a permis à Me Ambroise Farama de lui demander: « Vous avez dit que vous avez vu des corps lorsque vous êtes arrivé au Conseil, mais vous ne vous en êtes pas approché. Supposons que quelques-unes de  ces personnes que vous avez vues allongées étaient encore en vie est-ce que vous n’estimez pas que vous pouviez encore leur porter un secours d’urgence ? » Et l’accusé de répondre : « quand j’ai vu l’état dans lequel se trouvait les corps, je ne pouvais pas imaginer qu’il y avait encore parmi eux des vivants ».  Alors que l’avocat est revenu à la charge en faisant observer que le général aurait peu faire appel à l’infirmier en chef, la réponse du prévenu est sans appel : « Il faut se mettre dans la situation qui prévalait pour comprendre ; c’est vrai que nous aurions pu faire des choses qu’on n’a pas fait à cause du stress ».

Pour la partie civile, la responsabilité du général Dienderé dans les évènements du 15 octobre est à divers niveaux engagée tant et bien que les infractions de complicité d’assassinat et d’attentat à la sûreté de l’Etat qui pèsent sur lui sont suffisamment constituées. La partie demanderesse estime notamment que le général Dienderé, alors chef de la sécurité du Conseil de l’entente, aurait pu renforcer le dispositif sécuritaire à même d’éviter l’assaut. Mieux, selon certains avocats, des sanctions auraient pu être prises contre les hommes ayant perpétré le coup, notamment Nabié N’Soni et Arzouma Ouédraogo dit Otis, deux défunts membres de la garde rapprochée de Blaise Compaoré que Gilbert Diendéré dit avoir aperçus au Conseil après l’assassinat du président Sankara et douze de ses compagnons. Pour Me Olivier Badolo, le crime a simplement profité à celui qui a, plus tard accédé au commandement du Centre national d’entrainement commando (CENEC) après les évènements du 15 octobre.

« Une centaine d’hommes sécurisaient le Conseil »

A chacune de ces observations, l’accusé n’a pas manqué d’arguments pour finalement nier toute implication et tout avantage qu’il aurait tiré des évènements de de mi-octobre 87. Concernant la sécurité du Conseil, le général Gilbert Dienderé a reconnu qu’une centaine d’hommes y étaient commis non sans révéler que ces hommes n’occupaient que les postes de contrôle aux alentours et que leur mission était surtout de contrer toute attaque venant de l’extérieur du Conseil. De ce fait, a ajouté l’accusé, une riposte à l’assaut du commando devait venir de la garde rapprochée du chef de l’Etat.

Un fait sur lequel la partie civile s’est par ailleurs attardée pour démontrer que le général Dienderé a profité de l’assassinat du président et du renversement du Conseil national de la révolution (CNR), notamment par le biais des grades successifs dont  l’accusé a bénéficié et aussi sa grande proximité avec l’ex-président Blaise Compaoré.  Mais à en croire le mis en cause, seules ses compétences militaires lui ont valu ses montées en grade, « ni Thomas Sankara, ni Blaise Compaoré n’y sont pour quelque chose », a-t-il assuré.

Alors que l’accusé vedette, lors de sa déposition a expliqué les circonstances dans lesquelles son co-accusé, Hyacinthe Kafando a pu quitter le pays et se soustraire ainsi de la procédure,   Me Olivier Badolo espérait obtenir de Gilbert Dienderé des explications des circonstances de départ de Blaise Compaoré du Burkina. « Vous le savez déjà sans doute, je ne vous dirai pas comment cela s’est passé », a répondu l’ancien patron du Régiment de sécurité présidentielle.

Suspendue, l’audience reprend ce jeudi 11 novembre à 9 heures toujours dans la Salle des banquets de Ouaga 2000 avec les questions et observations des avocats de la défense.

Bernard Kaboré

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