Justice

15 octobre 87 : « J’ai vu un crâne humain dans le bureau de Hyacinthe Kafando”, adjudant-chef major Sawadogo Issouf

Le procès sur l’assassinat du président Thomas Sankara et de ses douze compagnons d’infortune a débuté ce mardi 7 décembre 2021, avec la suite de la déposition du témoin, Claude François Zidouemba. Soldat de première classe au moment des faits, il avait raconté dans l’après-midi du lundi 6 décembre, ce qu’il savait du coup d’Etat du 15 octobre 1987.

Photo d’illustration

Dans le récit qu’il a fait au tribunal le lundi 6 décembre 2021, Claude François Zidouemba a indiqué qu’il était au Conseil de l’entente le jour fatidique du 15 octobre 1987. Membre de la sécurité rapprochée du président Thomas Sankara, il est arrivé sur place aux environs de 15h30. Et alors qu’il était devant le bâtiment où se trouvait le leader de la révolution burkinabè avec un autre collègue, il a vu un véhicule entrer dans le couloir du secrétariat. C’est ainsi qu’il s’est précipité dans le bureau du président qui a voulu savoir de qui venaient les tirs. « Ce sont les éléments de la sécurité de Blaise Compaoré », avait-il répondu, d’autant plus qu’il avait reconnu le conducteur à savoir Yamba Elysée Ilboudo. Sommés par les assaillants de sortir, ils ont obéi. Mis à plat ventre aux côtés de Der Somda et de Wallilaye Ouédraogo, deux autres membres de la sécurité de Sankara, le témoin, originaire du même village que Hyacinthe Kafando, chef de la sécurité de Blaise Compaoré à l’époque, assistera à l’assassinat de ces deux soldats. Un acte perpétré selon lui par Arzouma Ouédarogo dit Otis. Ce dernier s’apprêtait à en finir avec lui aussi quand il a été arrêté par Hyacinthe Kafando. Poursuivant sa déposition, Claude François Zidouemba dira que pendant qu’il était à terre, le président Sankara est alors sorti les mains en l’air pour se rendre. Mais cela n’a pas empêché qu’on lui tire dessus.

Par la suite, le soldat de première classe qu’il était, sera emmené dans une première salle par Idrissa Sawadogo, l’un des accusés dans ce procès. Claude François Zidouemba , selon son témoignage, sera par la suite conduit dans une seconde salle où il a retrouvé Sow Drissa et Laurent Ilboudo, alors chef de la sécurité rapproché de Sankara .

Lors des questions posées par les différentes parties au procès, Me Kanyili Maria, avocate commise à la défense de Traoré Bossobè, a voulu savoir si avec les autres témoins ils se sont concertés. « Non », a-t-il répondu. « Maintenez-vous vos déclarations devant le juge d’instruction ? », a poursuivi l’avocate. Après que le témoin a répondu par l’affirmative, celle-ci attirera l’attention du tribunal sur le fait que Claude François Zidouemba n’est pas cohérent dans ses propos. « Dans ses auditions, il a évoqué, par deux fois, que Traoré Bossobè était de leur groupe ce jour-là alors qu’à la barre il a prétendu le contraire », a déclaré Me Kanyili, faisant observer que les témoins ne déposent pas sincèrement. C’est pourquoi, se basant sur l’article 120 du code de justice militaire, elle a demandé au président d’ordonner l’arrestation du témoin.

« Là, j’ai vu un crâne humain avec de la cendre. Ils ont cassé un œuf mettre à l’intérieur »

Adjudant-chef major à la retraite, Sawadogo Pengdwendé Issouf est le 27e témoin sur la liste des 111. Il a été entendu aujourd’hui après Claude François Zidouemba. Militaire du CNEC, détaché au Conseil de l’entente, le sergent-chef qu’il était en son temps est arrivé sur les lieux après 15h. Il travaillait au niveau du secrétariat. Pendant qu’il était dans son bureau, il a entendu des tirs qui ont brisé sa fenêtre. Quand il a ouï l’ordre de sortir des assaillants, il a obéi et il est passé par le couloir pour se retrouver dehors. C’est alors qu’il a aperçu le président Sankara qui, lui aussi, est sorti les mains en l’air. « Nabié N’Sonia a tiré sur sa tête et Maïga Hamidou sur son thorax. Quand le président est tombé, ils ont pris son arme et moi j’ai fui. Dans ma fuite, j’ai croisé Hyacinthe Kafando vers le côté Ouest, j’ai donc pris le chemin opposé », a-t-il déclaré. Il sera finalement rattrapé et conduit dans le bureau de Hyacinthe Kafando. « Là, j’ai vu un crâne humain avec de la cendre. Ils ont cassé un œuf mettre à l’intérieur », a poursuivi le témoin âgé de 67 ans. Selon son récit, il a été brutalisé et menacé d’être tué par Hyacinthe Kafando qui n’a pas apprécié sa façon de le regarder et par Arzouma Ouédraogo dit Otis qui lui a mis un coup de poing dans le ventre. Jusqu’au lendemain, il vomissait du sang. Libéré avec d’autres personnes, il est rentré chez lui où la gendarmerie est allée faire une perquisition quelques jours plus tard.

Après avoir voulu en savoir davantage sur les identités des personnes présentes dans le bureau de Hyacinthe, le parquet s’est intéressé à la somme de 7 millions F CFA qui était au secrétariat du Conseil et consacré aux dépenses ordinaires. Le témoin a confirmé qu’elle a été emportée par les assaillants mais qu’il ne saurait dire à quoi elle a servi.

« J’ai enfourché ma moto et je suis parti. C’était la débandade »

Dans sa déposition, Bamouni Boubié, 65 ans et caporal à la retraite, a indiqué que le 15 octobre, il s’est rendu au Conseil de l’entente pour voir le président Sankara. Devant le bâtiment qui faisait face au secrétariat, il attendait la fin de sa réunion lorsqu’il a vu une 205 freiner devant lui. « Un pied à terre et un autre dans le véhicule, Hyacinthe Kafando et Otis ont tiré sur les gardes du président et sur le bâtiment. Le chef de l’Etat ainsi qu’une autre personne sont sortis. Ils ont tiré sur eux. C’est alors que j’ai fui, j’ai enfourché ma moto et je suis parti. C’était la débandade, j’ai quitté les lieux sans problème », a confié Bamouni Boubié.

« J’ai fui en abandonnant ma moto derrière moi »

Quant à Hien Sansan, il a expliqué à la cour qu’en 1987, il était en service à Pô et qu’il est arrivé à Ouagadougou le 15 octobre aux environs de 15h. Quelque trente minutes après, l’adjudant-chef major à la retraite, âgé aujourd’hui de 66 ans, s’est retrouvé au Conseil de l’entente. Il discutait avec des collègues quand il a entendu les tirs. « J’ai tenté de prendre ma moto pour partir mais c’était trop compliqué. Je suis donc parti à pied et sur la route du ministère des Finances, j’ai attendu que ça se calme pour repartir sur les lieux », a-t-il déclaré. De retour sur place, il a assisté au rassemblement où on leur a dit de rejoindre chacun son poste. Selon Hien Sansan, il s’apprêtait à partir quand le lieutenant Gilbert Diendéré lui a demandé de partir avec son chauffeur et de faire le tour des garnisons pour dire aux éléments de rester en alerte et d’attendre les instructions. Ce qu’il a fait mais sans se rendre à l’ETIR puisqu’il en avait été dissuadé par le chauffeur. Plus tard, le lieutenant Diendéré lui dira qu’il a bien fait.

Aux environs de 11h, le président du tribunal, Urbain Méda, a suspendu l’audience pour une durée de dix minutes.

Zalissa Soré

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