Crise au CDP: « Que cela plaise ou non, Blaise Compaoré est l’âme du parti », (Sanou Kodari)
Dans la tribune ci-après, son auteur, Sanou Kodari, donne un point de vue sur la crise que traverse le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Alors que le 8e congrès qui devait se tenir en début du mois courant crée la discorde au sein du parti de l’épi et de la daba, l’auteur de la présente estime que Blaise Compaoré reste l’âme du parti et que le souhait du président d’honneur de voir suspendre la tenue du congrès ne peut être outrepassé, conformément aux statuts et règlements du parti. Lisez plutôt.
Le CDP fait face aujourd’hui à une crise majeure, qui touche à ses fondements historiques les plus sacrés et met en jeu son existence en tant qu’acteur essentiel de la vie politique au Burkina Faso.
A l’initiative du Président Blaise Compaoré, le parti a été créé en 1996 par la fusion de diverses formations politiques pour servir de vecteur de rassemblement et de mobilisation des couches les plus larges de la société burkinabè, en vue de guider et de promouvoir la marche du pays vers la démocratie et le progrès, au bénéfice du plus grand nombre de nos concitoyens et particulièrement des plus défavorisés. Jusqu’en 2014, le CDP s’est imposé comme le leader incontesté des partis politiques du Burkina, participant activement à la gestion du pays sous la direction du Président Blaise Compaoré. Il partage le bilan de ce dernier, avec ses succès et ses échecs. Il en est comptable.
A l’occasion de l’insurrection de 2014, les militants et les cadres dirigeants qui avaient refusé de déserter les rangs du parti devant la vague de contestation suscitée par le projet de modification de l’article 37 de la Constitution, ont payé un lourd tribut pour leur fidélité au CDP et pour leur loyauté envers son leader, le Président Blaise Compaoré. Les années qui suivirent ont été difficiles, autant pour le parti que pour ses membres. Mais il a survécu, grâce au courage et à l’endurance de ses membres, qui ont pris conscience que la lutte démocratique impliquait aussi la traversée du désert que peut constituer un passage dans l’opposition. Premier pas significatif sur le long et rude chemin de la renaissance, le CDP s’est imposé aux élections législatives de 202O comme le premier parti de l’opposition parlementaire. Ce qui vaut à son Président d’être le Chef de file de l’opposition.
Dans le même temps, la vie interne du CDP a été marquée par des luttes incessantes pour le choix de son président et pour la désignation de son candidat aux élections présidentielles. Inconnu dans le parti jusqu’en 2012, Eddie Komboïgo a réussi à préempter ces deux positions, usant largement de procédés de corruption électorale. Au fil des années, la futilité de son comportement et l’inanité de sa gestion ont éclaté aux yeux de la très grande majorité des cadres et militants du parti. Cela s’est traduit par des démissions en cascades au sommet comme à la base du parti.
Dernier épisode de sa gestion calamiteuse, sentant qu’il est sur le point d’être lâché par le Président d’honneur du CDP, le Président Blaise Compaoré, Eddie Komboïgo s’est engagé dans une lutte larvée avec ce dernier, ourdissant le projet funeste de l’écarter tout simplement des grandes décisions qui concernent la vie du parti.
Que cela plaise ou non, le Président Blaise Compaoré est l’âme du CDP. Non seulement il l’a fondé, mais il est resté le symbole de son unité, celui auquel se réfèrent les militants de base jusque dans les villages, pour justifier leur attachement au parti. Parce qu’ils ont le sentiment que, tout compte fait, les choses allaient mieux au Burkina sous sa direction.
Le pouvoir actuel du MPP et de ses alliés est conscient de cet état de fait, qui va de pair avec l’impopularité grandissante que lui valent sa mauvaise gouvernance et son incapacité à faire face au terrorisme. Donc ils sont acharnés à ternir son image, à défaut de le détruire. C’est ce qu’ils ont essayé de faire en lui faisant miroiter la promesse hypocrite d’un traitement digne s’il venait à Ouagadougou pour comparaître devant le tribunal militaire dans l’affaire de l’assassinat de Thomas Sankara. C’est ce qu’ils continuent de faire inlassablement depuis 2015, en profitant de la moindre occasion pour insinuer que c’est Blaise Compaoré qui est à l’origine des attaques terroristes que subit le pays et en refusant de voir leur propre responsabilité dans la dégradation de la situation sécuritaire. Il apparait clairement désormais, aux yeux des militants du CDP comme de tout le pays, qu’Eddie Komboïgo s’est mis à leur service dans cette œuvre de mystification.
Donc le temps des doutes, des tergiversations et de la manipulation est révolu.
Le congrès statutaire du CDP devait avoir lieu en cette année 2021, pour respecter à la fois les textes du parti et la réglementation en vigueur. Compte tenu de la situation délétère qui prévaut actuellement au sein du parti et de l’état de crise dans lequel se trouve le pays du fait du drame d’Inata et de l’ampleur des attaques terroristes, le Président d’honneur du CDP, agissant dans le cadre des prérogatives qui lui sont reconnues par nos textes, a donné comme directive que le congrès soit reporté à une date ultérieure.
Concernant l’opportunité de ce report :
En dehors de la crise interne qui sévit au CDP, qui peut contester que le pays traverse actuellement des circonstances exceptionnelles qui ne sont pas propices à la tenue d’un grand rassemblement politique à Ouagadougou ? Ce sont les mêmes circonstances qui ont conduit au changement inopiné du gouvernement (encore en cours), au report de la commémoration solennelle de l’Indépendance, à des manifestations diverses à travers le Burkina, à l’annonce de réformes importantes dans la gestion de la situation sécuritaire et de la gouvernance générale du pays. Comment imaginer que dans un tel contexte, un parti important comme le CDP n’ait pas d’autre priorité que d’organiser un grand rassemblement à Ouagadougou pour traiter de ses problèmes internes ?
Concernant les pouvoirs du Président d’honneur :
Statuts du CDP
Le titre de Président d’honneur et sa position « hors hiérarchie » sont institués par les articles 77 et 78 des Statuts du CDP. L’article 79 indique que les attributions du Président d’honneur sont précisées par une résolution du Congrès. L’article 80 dispose que : « En tout état de cause lorsque le Président d’honneur estime que l’intérêt supérieur du parti l’exige, il convoque toute instance qu’il souhaite réunir, fixe l’ordre du jour et les modalités pratiques de sa tenue. »
Règlement Intérieur
L’article 15 du Règlement Intérieur rappelle que « …les attributions du Président d’honneur sont fixées par la résolution du congrès y relative.»
Résolution portant attribution du titre de Président d’honneur au Président Blaise Compaoré, adoptée le 6 mai 2018 par le 7è congrès ordinaire du CDP
Les attributions du Président d’honneur sont précisées à l’article 2 de la résolution ainsi qu’il suit : « Il est garant de l’unité et de l’orientation politique du parti. A ce titre, il fixe les grandes orientations et les options stratégiques du parti ;arbitre, en dernier ressort, les différends nés dans la gestion du parti ;formule des orientations et valide le choix du candidat du parti à l’élection du Président du Faso ;formule des orientations et valide le choix du Président du parti ;valide les propositions de collaboration ou de fusion du Congrès pour la Démocratie et le Progrès avec d’autres partis ou formations politiques tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Burkina Faso ; convoque tous les organes et toutes les instances qu’il souhaite réunir lorsqu’il estime que l’intérêt supérieur du parti l’exige ; il en fixe l’ordre du jour et précise les modalités pratiques d’organisation. En outre, le Président d’honneur … peut :être saisi de toutes questions d’intérêt majeur pour le parti ou la Nation par le Président du parti ;se saisir de toute question qu’il juge d’intérêt majeur pour le parti ou pour la Nation.
Il est clair ainsi que le Président d’honneur dispose des pouvoirs les plus larges pour intervenir dans la vie du CDP lorsque la gravité ou l’urgence des sujets l’exige. Il a usé de ce pouvoir avec parcimonie et mesure, préférant laisser à la direction exécutive du parti la latitude d’exercer la plénitude de ses attributions, aussi longtemps que cette gestion ne mettait pas en cause l’unité et la cohésion du CDP.
Le fait que les attributions du Président d’honneur soient explicitées par une résolution du congrès plutôt que par les Statuts du parti n’atténue en rien le caractère obligatoire de ces dispositions pour les organes statutaires et les militants du CDP. L’article 84 des Statuts du CDP stipule clairement que : « les décisions du Congrès sont exécutoires et ne peuvent être révoquées que par un autre Congrès. »
Concernant les implications éventuelles du report du congrès en 2022
Toutes les principales instances du CDP se sont ralliées à la recommandation du Président d’honneur sur le report du congrès parce qu’elles en reconnaissent le bienfondé et par respect pour l’autorité morale qu’il incarne au sein du parti. Il en est ainsi pour la totalité des Vice-Présidents, la nette majorité du Bureau Exécutif National et du Bureau Politique National, l’ensemble des membres de la Commission de Contrôle et de Vérification (qui est l’organe de règlement des litiges et de gestion de la discipline interne), la quasi-totalité des membres du Haut Conseil, la quasi-unanimité des députés, etc. Seul Eddie Komboïgo, suivi par un quarteron de comparses, choisit de s’opposer frontalement à cette directive, au point d’engager une bataille judiciaire pour parvenir à ses fins, grâce à ses accointances pernicieuses avec le pouvoir.
Pour justifier son entêtement à organiser le congrès en ce mois de décembre 2021, envers et contre tous les avis, il prétend avoir approché le ministère de l’administration territoriale qui lui aurait laissé entendre que le CDP se verrait infliger une suspension s’il ne tenait pas son congrès avant la fin de l’année. Cette affirmation est fausse ou à tout le moins guidée par une mauvaise foi manifeste. Cette question relève de l’application de la Loi du 29 novembre 2001, portant Charte des partis et formations politiques au Burkina Faso, que tout le monde sait lire. C’est vrai, les partis ont l’obligation de se conformer à leurs dispositions statutaires et donc au calendrier de la tenue de leurs instances, sous peine de sanctions éventuelles. Mais nous sommes fondés à considérer que les circonstances exceptionnelles qui justifient le report du congrès du CDP sont dignes d’être prises en considération. S’il était de bonne foi, Eddie Komboïgo devrait militer dans ce sens, au besoin en ralliant les autres partis de l’opposition à cette démarche, dans le cadre du CFOP.
A supposer que le Ministère de l’administration territoriale choisisse de profiter de cette circonstance pour prendre une sanction à l’égard du CDP, l’article 28 de la loi susvisée prévoit une gamme de mesures qui vont de l’avertissement, à la suspension puis à la dissolution. L’article 29 précise à ce sujet que :
« Lorsque le parti ou la formation politique ne respecte plus ses propres statuts relatifs à son fonctionnement régulier, le Ministre chargé des libertés publiques peut lui adresser un avertissement lui enjoignant de respecter se statuts. » Voilà ce que risque le CDP dans le pire des cas s’il ne tient pas son congrès en 2021 : un avertissement.
Que le Président du CDP, alors qu’il est désavoué par toute la direction du parti, en vienne à défier le Président d’honneur et à user de subterfuges puérils pour tenter de tromper des gens pétris d’expérience, en dit long sur sa moralité. Reportons le congrès et mettons fin au règne ubuesque de cet énergumène sur notre parti.
Sanou Kadari