Assassinat Thomas Sankara : « Blaise Compaoré a été la tête pensante », dixit le col-major Sanou
Capitaine en 1987, le colonel-major à la retraite, Blaise Sanou, était alors le commandant de l’Escadron de chasse au sein de l’armée de l’air. C’est sur ses instructions que deux avions devaient être armés pour réagir à l’assaut au Conseil de l’entente où Thomas Sankara et douze de ses compagnons ont été tués. Témoin dans le dossier sur l’assassinat du père de la Révolution, Blaise Sanou a comparu ce 15 décembre 2021 devant la chambre de première instance du tribunal militaire. L’intime conviction du témoin est que l’assassinat du président Sankara a été prémédité et que Blaise Compaoré en fut la tête pensante.
Le colonel-major à la retraite Blaise Sanou a aujourd’hui 65 ans. Sous la Révolution, il était déjà officier et commandait l’Escadron de chasse au sein de l’armée de l’air. Lorsqu’on lui demande de dire ce qu’il sait des évènements de la mi-octobre 1987, Blaise Sanou commence par une conviction personnelle : le coup d’Etat qui a emporté Thomas Sankara et douze de ses compagnons a été planifié. C’est du moins ce qu’il a indiqué dès l’entame de sa déposition devant la chambre de première instance du tribunal militaire.
Au matin du 15 octobre 1987, le capitaine Sanou, selon son récit, devait tenir à la base aérienne, une réunion avec les fournisseurs d’un nouvel armement à l’Escadron. Mais cette réunion a été reportée à 15 heures de la même journée. « C’est donc pendant la réunion avec les fournisseurs que j’ai entendu les premiers coups de feu. J’ai demandé à Dianda Tasséré de sortir voir ce qui se passait. Il est revenu me dire que les tirs viennent de la permanence du Conseil. Les tirs persistants, j’ai envoyé l’adjudant Kagoné Ousmane voir au Conseil, “mais il n’a pas pu avoir accès à ce lieu », se souvient l’officier à la retraite.
Les menaces du sergent Moussa Diallo
Par la suite, Blaise Sanou dit s’être retrouvé à l’intérieur de la base aérienne où il a donné instruction d’ouvrir le magasin d’armes afin que les hommes sur place puissent s’en munir et défendre éventuellement la caserne. Et après avoir découvert des armes sans percutions, le capitaine Sanou a instruit ses hommes de tout mettre en œuvre pour que l’armement soit complet. Chose faite. Le témoin aurait par ailleurs instruit que deux avions soient armés. Au moment où des hommes s’affairaient à exécuter ce dernier ordre, un sergent du nom de Diallo Moussa serait apparu, menaçant : « Il a dit aux éléments qu’il abattrait toute personne qu’il verrait entrain d’armer l’avion », a expliqué l’ex-commandant d’escadron.
Entretemps, Blaise Sanou dit avoir tenté de joindre les commandants de l’Escadron de transport et d’intervention rapide (ETIR) et le Bataillon d’intervention aéroportée (BIA) de Koudougou, respectivement, Michel Koama et Boukary Kaboré dit le Lion. Mais en vain car la ligne téléphonique était défectueuse . Selon le témoin, c’est aux environs de 20 heures qu’il apprendra que le président a été tué. « On ne savait plus quoi faire », se rappelle encore celui qui dit être resté à la base aérienne jusqu’à 3 heures du matin avant de se trouver un refuge dans la ville. Finalement, Blaise Sanou, selon son témoignage, a été arrêté le 4 novembre 1987, détenu à la gendarmerie avec d’autres personnes, avant d’être libéré 21 mois plus tard. Radié au moment de sa détention, il aurait réintégré l’armée en 1993.
Blaise, un assoiffé de pouvoir ?
Quand à l’argument selon lequel le coup d’Etat a été préparé, Blaise Sanou a estimé qu’il ne souffre d’aucun doute. Et d’énumérer des signes précurseurs qui ont alimenté les semaines et les jours d’avant l’assaut. Le témoin a notamment évoqué des tracts orduriers à l’encontre des leaders de la Révolution qu’il impute à Blaise Compaoré; le report d’un exercice de tirs à Dori auquel le président Thomas Sankara devait prendre part quelques jours avant le coup; des rumeurs faisant état d’une volonté d’assassiner le président de retour d’un déplacement à Tenkodogo le 2 octobre 87, … Sur ce dernier point, Blaise Sanou dit avoir alors convaincu Thomas Sankara de rentrer à Ouagadougou par avion.
Pour le témoin, Blaise Compaoré fut la tête pensante de la préparation du coup d’Etat contre Thomas Sankara. « La soif du pouvoir animait Blaise, la preuve est qu’il a été derrière l’élimination des deux autres leaders de la révolution, le commandant Jean-Baptiste Lingani et le capitaine Henri Zongo », a estimé l’ex-patron de l’Escadron de chasse. Commentant l’amitié qui liait Blaise Compaoré à Thomas Sankara, Blaise Sanou a dit être convaincu que l’un, Sankara, était sincère, mais pas l’autre. Le colonel-major retraité ne croit d’ailleurs pas que Blaise Compaoré était malade le 15 octobre 1987, comme l’ont indiqué certains accusés. Pour le témoin, la responsabilité du numéro 2 du CNR dans les évènements de mi-octobre 87 est bien établie. Il en veut pour preuve des déclarations faites par le mis en cause peu après le drame : « Dans son premier discours, Blaise a dit avoir perdu un ami mais a déclaré par la suite que c’était Sankara ou lui ».
Bernard Kaboré