Assassinat Thomas Sankara : « Qui connait Hyacinthe Kafando sait qu’il ne badine pas, il tue », Kouma Kaboré
Kouma Kaboré fut le chauffeur de Thomas Sankara. Le 15 octobre 1987, il reçoit l’ordre de conduire l’aide de camp du président, Etienne Zongo, à Fada N’Gourma. Témoin dans le cadre du dossier sur l’assassinat du père de la Révolution, le sergent retraité a comparu ce 20 décembre 2021 devant la Chambre de première instance du Tribunal militaire de Ouagadougou. Kouma Kaboré a témoigné avoir été menacé de mort par Hyacinthe Kafando qui l’a accusé d’avoir caché Etienne Zongo les jours suivant l’assaut au Conseil.
Soldat sous la Révolution, Kouma Kaboré, 63 ans, a terminé sa carrière militaire comme sergent. En 1987, ce militaire retraité était l’un des chauffeurs du président Thomas Sankara. De par sa proximité avec le chef de l’Etat, il aurait été au plus proche des évènements du 15 octobre s’il n’avait pas été, ce jour-là, envoyé en mission à Fada N’Gourma. « Thomas Sankara m’a dit de conduire son aide de camp, Etienne Zongo, à Fada pour rendre une visite au directeur des travaux publics (TP) d’alors, Jean-Baptiste Ouédraogo qui était souffrant », a témoigné Kouma Kaboré devant la Chambre de première instance du tribunal militaire.
De retour de Fada, les deux hommes, à bord de leur véhicule, auraient été confrontés à une situation confuse. « Arrivé à Koupéla, on a croisé des gens, des civils comme des militaires, qui fuyaient. Il était environ 17 heures. On ne savait pas ce qui se passait. Un char barrait la route. Nous avons donc bifurqué pour rouler sur le bas-côté de la route en direction de Sapaga », se souvient le témoin. Arrivé à Sapaga, l’aide de camp eut l’idée de faire mettre la radio en marche. Sur les ondes de Radio France internationale, nous avons appris que le président était mort. Etienne a crié d’étonnement », a relaté celui qui avait alors été détaché de l’Escadron de transport et d’intervention rapide (ETIR).
Une fois à Ouagadougou, Kouka Kaboré dit avoir continué à la présidence avec l’aide de camp. Il faisait déjà nuit. Chacun des deux hommes a alors regagné son domicile par la suite.
« Bossobè, il ne faut pas politiser »
Au terme de son récit, Kouma Kaboré s’est vu adressé des questions de précision de la part du parquet qui a notamment voulu savoir l’heure exacte du retour à la présidence et si le soldat Bossobè Traoré s’y trouvait. Car ce dernier, accusé dans le dossier a déclaré maintes fois avoir aperçu le chauffeur Kouma à la présidence aux environs de 15h, soit avant les coups de feu au Conseil. « Non, je ne pouvais être ce jour à la présidence à cette heure-là, je n’y ai d’ailleurs pas vu Bossobè », a soutenu le témoin. Appelé à la barre pour une confrontation, Bossobè Traoré est resté droit dans ses bottes, maintenant ses déclarations. De quoi amener le témoin à s’adresser à l’accusé en ces termes : « Bossobè, de grâce, il ne faut pas politiser », des propos qui ont fait jaser l’assistance.
Un autre point non moins important pour le parquet militaire, Kouma Kaboré a été invité à plus de détails sur des menaces de mort qu’il aurait reçu de l’adjudant-chef Hyacinthe Kafando, quelques temps après l’assassinat du président. Le témoin a expliqué que de retour de la mission de Fada, l’ex-chef de la sécurité rapprochée de Blaise Compaoré était à la recherche d’Etienne Zongo qui était introuvable. « Hyacinthe m’a accusé d’avoir caché l’aide de camp et m’a sommé de le trouver sinon j’allais être tué. Ceux qui connaissent Hyacinthe savent qu’il ne badine pas, il tue effectivement », a fait savoir l’ex-détaché de l’ETIR. Suite à cette menace, Kouma Kaboré dit avoir rencontré Gilbert Diendéré qui l’aurait rassuré qu’il ne serait pas tué. « Pourquoi avez-vous cherché à rencontrer Diendéré et non personne d’autre pour cela ? » A cette question de Me Latif Dabo, avocat de Diendéré, le témoin à expliquer que seul Diendéré pouvait avoir une maîtrise sur les hommes du Centre national d’entraînement commando (CNEC) dont il était le chef de corps adjoint et dont Hyacinthe Kafando relevait.
Bernard Kaboré