Assassinat Thomas Sankara : « La chefferie traditionnelle a joué un rôle favorable », Bachirou Sanogo
Bassirou Sanogo, ambassadeur du Burkina en Algérie en 1987 est témoin dans le cadre du procès sur l’assassinat du président Thomas Sankara et de douze de ses compagnons. C’est à ce titre que l’ancien diplomate a comparu ce 22 décembre 2021 devant la Chambre de première instance du tribunal militaire. Pour le témoin, la chefferie traditionnelle a aidé au renversement de la Révolution par un soutien moral.
Deux jours avant le coup d’Etat du 15 octobre 1987, Bachirou Sanogo, alors ambassadeur du Burkina en Algérie, devait rentrer au bercail à la demande du président Sankara qui envisageait une visite de travail à Alger en novembre de cette année. C’est du moins la confession que l’ancien diplomate a fait devant la Chambre de première instance du tribunal militaire en qualité de témoin des évènements de la mi-octobre 87. N’ayant pu embarquer le 13 octobre, c’est finalement le 15 octobre que l’ambassadeur Sanogo s’est apprêté pour rentrer au Burkina. A l’aéroport il apprend l’assassinat du président Sankara. Le diplomate annule alors son voyage alors qu’il avait déjà embarqué dans l’avion qui devait le transporter.
Si Bachirou Sanogo n’a pas été témoin direct des évènements du 15 octobre, il en sait tout de même quelque chose, à écouter son témoignage. En effet, l’ex-diplomate est convaincu que le coup a été préparé avec minutie par Blaise Compaoré et ses alliés. Bachirou Sanogo croit savoir que « dès 1986, Blaise Compaoré avait commencé à préparer ses hommes ». Le témoin en veut pour preuve la création de l’Union des communistes burkinabè (UCB) qui regroupaient, selon lui, des hommes de celui qui succédera plus tard au président Sankara à la tête de l’Etat.
Pour Bachirou Sanogo, deux catégories de personnes ont aidé au renversement du président Sankara et à la consolidation du pouvoir de Blaise Compaoré : la bourgeoisie intellectuelle et la chefferie traditionnelle. « Je pense que la petite bourgeoisie intellectuelle a crié à la révolution sans vraiment adhérer à son contenu. Tant et si bien que pour certains camarades , après avoir consenti d’énormes sacrifices, il était temps de bouffer », a expliqué l’ex-ambassadeur à propos de la première catégorie ci-dessus évoquée. S’agissant de la chefferie traditionnelle, Bachirou Sanogo a estimé que celle-ci a fortement joué pour l’avènement du pouvoir de Blaise Compaoré qui se serait montré « plus accommodant », contrairement à Thomas Sankara qui a plutôt été « dure » envers les ‘’Naaba’’, selon le témoin. « A ce sujet, j’ai eu le courage de dire à Sankara, devant témoin, qu’on pouvait changer notre approche de la chefferie en prenant l’exemple du président Maurice Yaméogo qui avait réussi à neutraliser cette composante de la société par des mesures », se souvient l’ancien diplomate.
Terminant sa déposition par un point de vue personnel, l’ex-diplomate s’est érigé contre le titre de “roi” attribué à tort où à raison aux chefs traditionnels. Pour Bachirou Sanogo, la royauté n’a pas sa place dans une république.
Bernard Kaboré