Dissolution des conseils de collectivités : Un mal nécessaire?
Ceci est une tribune dans laquelle, Issa Sawadogo, expert en communication pour le développement, se prononce sur la dissolution des collectivités territoriales.
A travers un décret du 1er février 2022, le Président du Faso a mis fin aux mandats des conseils des collectivités territoriales. Dorénavant, ces territoires seront gérés par Délégations spéciales au cours de la transition. Ce serait donc l’occasion d’assainir les textes sur la décentralisation avant de parler des élections de proximité.
Le moins que l’on puisse dire est que le Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR) est bien sur la lancée. Déjà, les premières décisions prises par ces nouveaux dirigeants semblent aller dans le sens des aspirations du peuple burkinabè. Au cours sa rencontre avec les représentants des partis politiques, le Président du MPSR, Paul Henri Sandaogo Damiba, leur a clairement signifié qu’il souhaiterait travailler avec leurs idées et non pas avec eux-mêmes en tant que politiciens. En clair, ceux-là qui feront montre de compétences avérées pourront être sollicités pour accompagner le processus de construction du pays.
Deux jours après, il met aussi fin aux mandats des conseils des collectivités territoriales. Il n’en fallait pas plus pour voir les burkinabé saluer, avec ferveur, l’avènement de cette décision. Mais pourquoi les populations jubilent tant à l’annonce de cette information ?
A y voir de près, s’il y a une communauté qui est haïe des Burkinabè jusqu’aux os, c’est bien la communauté des exécutifs locaux, en particulier, les Maires. Mais qu’est-ce qui est à l’origine d’une telle haine vis-à-vis des exécutifs locaux ? En réalité, aussi paradoxal que cela puisse paraitre, la plupart des Maires et Présidents des conseils régionaux ont constitué, eux-mêmes, des freins au développement de leurs propres localités, depuis la mise en œuvre effective du Code du Général des Collectivités Territoriales (CGCT) en 2006.
Dans la plupart des cas, après leur accession au pouvoir, les élus tournent le dos à leurs populations, abandonnant celles-ci à leur propre sort. Point d’écoles promises, point de centres de santé promis, point d’assainissements, etc. Pire, l’on a parfois vu des élus locaux bloquer volontairement le fonctionnement de leurs Municipalités, rien qu’à cause de leurs seuls intérêts ou pour satisfaire au desideratas de leurs grands maitres. Ces élus à comportement atypique arrivent généralement à la tête des collectivités, imposés par les patrons des partis politiques ou par des hommes d’affaires tapis dans l’ombre, espérant tirant profit de leurs mises. C’est dire donc, en réalité, que ces hommes parachutent à la tête des communes, avec des projets autres que les projets pour lesquels ont été élus. Travailler à booster le développement de leurs territoires n’est plus leurs priorités. Pour tout dire, les élus locaux ont dévoué le sens premier de la décentralisation, une nouvelle approche qui, pourtant, était censée créer les conditions pour un développement endogène harmonieux.
C’est donc tout naturellement qu’en 2014, les populations avaient applaudi des deux mains, lorsque le Colonel Auguste BARRY, Ministre de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité en 2014-2015, avait procédé à l’arrestation de certains Maires pour la gestion chaotique de leurs communes.
Aujourd’hui, quand on fait une analyse de la situation, on se rend compte que les maires d’après insurrection n’ont pas tiré leçon des erreurs de leurs prédécesseurs. Le constat est que certains d’entre eux ont fait pire que ceux-là qui ont été balayés par les évènements des 30 et 31 octobre 2014. Néanmoins, on ne peut s’empêcher de féliciter quelques-uns d’entre d’eux. De passage, on peut citer la clairvoyance et la bonté d’un maire d’une commune rurale située dans la province du Kourritenga, qui est en train de transformer son village en centre urbain. Dans la même localité, un autre maire, à ce qu’on dit, n’hésitait pas à vendre ses récoltes pour assurer le bien-être des populations de son territoire. Dans le Kénédougou aussi, un bourgmestre était cité par les partenaires au développement comme étant un Maire qui fait bouger sa commune. Dans la commune de Bobo Dioulasso, des partenariats ont été conclus dans un arrondissement pour la réalisations d’infrastructures marchandes. (Source : enquêtes réalisées lors de la rédaction d’un mémoire sur les ressources des conseils des collectivités). C’est dire donc que tout le monde n’était pas mauvais, car certains étaient animés d’esprit de développement.
C’est pourquoi, au regard de nombreux échecs constatés dans la mise œuvre de la décentralisation, il est plus que nécessaire de prendre son temps pour bien relire le CGCT, ainsi que le code électoral et les textes d’application, avant tout transfert de pouvoir aux élus locaux.
SAWADOGO Issa,
Expert en communication pour le développement