Santé

Renforcement du système de soins: le SYNTSHA appelle à des “mesures urgentes”

Dans un environnement sécuritaire dégradé, le système sanitaire est plus que jamais impacté et les agents de santé, eux, affectés: “Dépouillement de biens, enlèvements, séquestrations, prises d’otage, blessures, viols, disparitions, stress, dépression…” Bref, le Syndicat national des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA), lors d’une conférence de presse tenue le 7 juin 2022, a appelé à des “mesures urgentes”. Nous vous proposons de lire plutôt la déclaration liminaire des conférenciers.

Service d’urgences de l’hôpital Yalgado Ouédraogo (Ph. d’illustration)

Mesdames et messieurs de la presse,

Le Bureau National du SYNTSHA vous remercie de votre présence à la présente conférence de presse. Elle se tient dans un contexte international marqué par une exacerbation des tensions entre les grandes puissances impérialistes pour le repartage du monde avec notamment la guerre impérialiste en Ukraine qui impacte négativement les pays en développement.

Au plan national le contexte est marqué d’une part par l’aggravation de la crise sécuritaire à travers la multiplication des attaques terroristes avec leurs cortèges de morts, de blessés, de personnes déplacées internes, de poursuite de l’occupation du territoire, de fermeture d’écoles et de centres de santé et, d’autre part, par la dégradation sans précédent des conditions d’existence des travailleurs et des populations avec un renchérissement continu du coût de la vie et la baisse du pouvoir d’achat des travailleurs et des populations.

Dans ce contexte national difficile et plein d’incertitude, le BN présente ses condoléances aux familles éplorées et ses vœux de prompt rétablissement aux blessés, exprime sa solidarité avec les populations meurtries et adresse ses encouragements à l’ensemble des travailleurs et particulièrement aux travailleurs de la santé humaine et animale et plus spécifiquement ceux exerçant dans les zones à fort défi sécuritaire.   

Mesdames et messieurs de la presse,

Dans le secteur de la santé, la crise sécuritaire est venue aggraver l’état d’un système sanitaire déjà précaire. En fin mars 2022, 532 formations sanitaires étaient touchées par l’insécurité dont 179 formations sanitaires fermées et 353 autres formations sanitaires fonctionnant à minima. Toute chose qui prive plus de 2 millions de personnes de soins soit un burkinabé sur 10. L’évolution à ce jour est de mal en pis faisant craindre une crise humanitaire nationale d’où la nécessité pour le gouvernement de prendre des mesures urgentes pour renforcer le système de soins.  Les agents de santé exerçant dans les zones à fort défi sécuritaire sont durement éprouvés par le terrorisme : dépouillement de biens, destruction de biens, enlèvement, séquestration, prise d’otage, blessures, viol, disparitions, stress, dépression, décès… Mais ce qui est incompréhensible et scandaleux concernant ces agents, c’est qu’en plus d’être victime du terrorisme ils sont également victimes d’une gestion catastrophique par le ministère de la santé. En effet, la gestion des agents au niveau local et la prise en charge psycho sociale et l’accompagnement sont très insuffisants. Ces agents sont le plus souvent laissés à eux-mêmes.

La gestion au niveau national n’est guère reluisante avec une pression administrative terrible. A titre d’exemple, La Direction des ressources humaines(DRH) du ministère de la santé a organisé la suspension de salaire puis le positionnement des trop perçus sur les salaires de certains travailleurs en service actuellement au SOUM dont le seul tort a été de fuir les attaques terroristes à un moment donné pour sauver leur vie.

Pendant que certains ministères facilitent les dépôts des dossiers pour les affectations nationales de leurs agents, au ministère de la santé il est demandé à certains agents de santé ayant fui les attaques de se rendre à DJIBO (ville sous blocus des terroristes depuis des mois) pour déposer leurs demandes d’affectation. Une situation de deux poids deux mesures dans la même fonction publique. Tout burkinabè où qu’il soit a droit à des soins de qualité mais il importe que le gouvernement assure une gestion adéquate des agents de santé dans les zones à fort défi sécuritaire et veille à ce que la dispensation de ces soins ne se fasse pas au péril de la vie des soignants.

Hormis l’impact de l’insécurité, le système de santé est très précaire. Sur le plan des médicaments c’est l’aggravation de l’indisponibilité de médicament dans les dépôts de médicaments essentiels génériques (DMEG) du fait des retards et des insuffisances dans le remboursement de la gratuité par l’état, traduisant la mise en œuvre insuffisante de la gratuité des soins. Toute chose qui réduit globalement la qualité des soins. Selon les annuaires statistiques du ministère de la santé, de 2010 à 2014 en moyenne moins de 20% des DMEG ont connu une rupture en médicament traceur par an. Par contre de 2016 à 2020 (mise en œuvre de la gratuité) en moyenne plus de 80% des DMEG ont connu des ruptures en médicaments traceurs par an.

Concernant les intrants, la situation est similaire à celle des médicaments. Les mesures de gratuité pour les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes bien que salutaires, voient leurs impacts considérablement réduits du fait des retards et des insuffisances de remboursement par l’Etat. Des mesures urgentes doivent être prises pour améliorer le remboursement de la gratuité. Concernant le matériel de radio diagnostic, Les pannes de scanner, de radiographie standard et d’IRM sont devenues la règle dans nos hôpitaux. Malheureusement l’exception c’est quand ces appareils fonctionnent normalement pendant quelque mois.A ces conditions matérielles difficiles s’ajoutent une insuffisance quantitative et qualitative des ressources humaines. Bien que les normes minimales actuelles en personnels ne soient pas un gage de continuité des soins, l’annuaire statistique 2020 indique qu’un CSPS sur 7 ne répond pas aux normes minimales en personnels.

Face à la précarité généralisée du système de soins, le peu de fonctionnement que l’on observe dans les formations sanitaires est lié à l’audace de la grande majorité des agents de santé qui se surpassent tous les jours au prix de moult sacrifices pour donner des soins aux populations dans des centres de santé qui manquent de tout. Le BN salue cette audace et invite les agents à demeurer toujours professionnel et à faire de leur mieux pour apporter des soins aux populations.

C’est dans ces conditions déplorables de travail que les agents de santé exercent leur profession. Lesdites conditions de vie et de travail sont caractérisées par :

-le non-respect des engagements pris par le gouvernement dans le protocole d’accord du 13 mars 2017 ; 

-la prise en otage de la carrière des agents par le gouvernement depuis des années : retards d’avancement, de reclassement, de reconstitution de carrière, l’inorganisation des examens professionnels…. 

-la non restitution des sommes illégalement et abusivement retenues pour fait de grève à la fin des mois d’octobre et de novembre 2019 en application des conclusions de la rencontre gouvernement-SYNTSHA du 20 décembre 2019 ; 

-des décrets de la FPH réduisant les agents de santé à l’esclavage avec des horaires de travail pouvant atteindre 56H par semaine au mépris des normes nationales et internationales ;

-la non prise en compte des observations du SYNTSHA sur le décret portant statut particulier du métier santé humaine et animale ; 

-le non-paiement des salaires et /ou des arriérés d’indemnités dus aux agents de santé relevant de l’Agence Nationale de gestion des soins de santé primaire (AGSP) soit plus de 80 % des agents de santé du pays ;

-Le non rétablissement des décorations arbitrairement retirées pour fait de grève aux travailleurs méritants ;

-la non déclaration de tous les contractuels des services  de santé aux caisses d’assurances sociales conformément au protocole d’accord du 13 mars 2017 ;

-Le non octroi de l’indemnité de risque aux agents de la santé animale conformément au protocole du 13 mars 2017 ;

-la non adoption du décret fixant modalités de gestion des logements administratifs dévolus aux communes dans le domaine de la santé. -etc.

C’est dans le souci d’une offre de soins de qualité aux populations à travers l’amélioration des conditions de vie et de travail des agents de la santé humaine et animale que le SYNTSHA a transmis le 11 avril 2022 ses préoccupations urgentes au gouvernement du pouvoir de transition mis en place après le coup d’Etat du 24 janvier 2022, à travers les ministres en charge de la santé et celui en charge de la fonction publique.

Le point concernant la précarité des formations sanitaires fait partie de ces préoccupations urgentes. D’ailleurs, ces préoccupations urgentes essentiellement en lien avec le protocole du 13 mars 2017, sont très bien connues du gouvernement. Après la transmission des préoccupations urgentes, au cours d’une rencontre le même jour, le ministre de la santé et de l’hygiène publique et le ministre de la fonction publique ont pris l’engagement d’examiner diligemment les préoccupations et nous revenir avec des propositions. Pour le SYNSTHA, il ne faut pas trop abuser de la patience des travailleurs de la santé humaine et animale qui attendent la satisfaction de ces préoccupations depuis des années. 

Constatant l’absence de réaction du gouvernement et ce malgré la promesse tenue par le premier ministre de respecter les protocoles d’accords signés, le 12 mai 2022, soit un mois après le dépôt des préoccupations urgentes, le SYNTSHA a adressé des lettres de relance aux Ministre de la santé et à celui de la fonction publique. En réponse à ces lettres de relance, Ces ministres disent toujours être en train de s’activer pour rencontrer diligemment le SYNTSHA. A ce jour, malgré toutes ces promesses de disponibilité au dialogue constructif, le SYNTSHA est toujours dans l’attente pendant que les conditions de vie et de travail ne font que se dégrader de jour en jour.

Face à cette situation le Bureau National du SYNTSHA :

Prend l’opinion publique à témoin ; Interpelle le gouvernement sur la nécessité de prendre des mesures diligentes pour un fonctionnement optimum des formations sanitaires et vétérinaires du pays ; 

Interpelle le gouvernement en particulier le ministre de la santé et le Ministre de la fonction publique à un examen diligent des préoccupations urgentes ;

Appelle les travailleurs de la santé humaine et animale à rester mobilisés et déterminés pour la défense conséquente de leurs intérêts matériels et moraux en lien avec ceux de notre peuple.

                                                                                     Ouagadougou, le 7 juin 2022 


                                                     Bernard SANON

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