Justice

Procès Dabo Boukary : 20 ans ferme pour Diendéré, 10 ans pour Mamadou Bamba

20 ans de prison ferme et une amende de un million de F CFA ; 10 ans ferme et une amende de un million ; 30 ans ferme et une amende de 5 millions : respectivement, telles sont les peines prononcées par la chambre criminelle de la cour d’appel de Ouagadougou contre Gilbert Diendéré, Mamadou Bamba et Magloire Yougbaré au terme de trois jours d’instruction marathon du dossier dit Dabo Boukary. L’épilogue d’un feuilleton judiciaire de plus de deux décennies.

Après deux premiers jours servis à l’interrogatoire des accusés et à l’audition des témoins, la troisième journée d’instruction à la barre de l’emblématique dossier Dabo Boukary s’annonçait longue dès la reprise de l’audience. Adviendra que pourra, « il faut évacuer l’affaire et passer à une autre le lendemain », suivant en tout cas le chronogramme des assises criminelles en faveur desquelles le dossier est inscrit au rôle de l’audience.

Il faut dire qu’en trois jours, la mobilisation n’a pas faibli. A peine la salle a contenu son auditoire qui n’a cessé d’avoir tous les yeux braqués sur la cour. Car pour l’histoire, pas question de rater le moindre détail d’une affaire qui remonte à plus de trois décennies. Ce fut en effet en mai 1990. Un mouvement de contestation né d’une exclusion d’étudiants de l’université de Ouagadougou a été violemment réprimée, occasionnant la mort d’un étudiant en 7e année de médecine : Dabo Boukary. L’accusation a indexé des militaires du Centre national d’entrainement commando avec alors à a tête le capitaine Gilbert Diendéré devenu plus tard général. Parmi ces militaires, Magloire Yougbaré et d’autres aujourd’hui décédés dont Gaspard Somé et Amadou Maïga. Et pas que, des mains de civils ont servi à indiquer des étudiants pour être arrêtés selon le parquet qui a présenté le médecin militaire Bamba Mamadou, alors étudiant, délégué du Comité révolutionnaire de l’université de Ouagadougou, une structure politique de soutien au pouvoir de Blaise Compaoré. Contre les mis en cause, le parquet a retenu les infractions de complicité d’arrestation illégale et de séquestration aggravée, complicité de coups et blessures volontaires ayant conduit à la mort sans intention de la donner et recel de cadavre.

Trois jours durant, les arguments de l’accusation ont été battus en brèche par les accusés et leurs conseils. En l’absence de Magloire Yougbaré qui est jugé par défaut, Gilbert Diendéré et Mamadou Bamba ont nié toute responsabilité des évènements de mai 90. L’un, Mamadou Bamba, a refusé d’avoir joué l’indic, reconnaissant comme seul péché sa responsabilité de délégué CR et la lecture d’une déclaration de l’Union nationale de la jeunesse du Burkina (UNJB), parrain politique de la structure estudiantine qu’il dirigeait. L’autre, Gilbert Diendéré, dit n’avoir obéit qu’à des ordres venues notamment du cabinet du chef de l’Etat alors dirigé par Feu Salifou Diallo. Il a soutenu avoir été mis devant le fait accompli quand des étudiants ont été arrêtés et gardé dans les locaux du Conseil de l’entente, ou environ 200 militaires détachés du CNEC étaient en service.

Des témoins à charge et à décharge se sont succédé à la barre. Les uns confirmant des tortures subies, leur déportation hors de Ouagadougou et leur « enrôlement de force » dans l’armée. Les autres ont reconnu une difficulté à porter la responsabilité des évènements de mai 90 à certains accusés, comme Gilbert Diendéré qui n’avait pas, selon certains témoins, le plein contrôle de ses hommes.

Dans ses réquisitions, le ministère public a  abandonné ses poursuites quant aux infractions de complicité de recel de cadavre et coups et blessures volontaires du fait de la prescription de ces délits. Et de retenir la complicité d’arrestation illégale et de séquestration aggravée pour requérir que Magloire Yougbaré et Mamadou Bamba soient respectivement condamnés à la perpétuité et à 10 ans de prison. Quant au général Diendéré, l’infraction de complicité de séquestration aggravée à lui reprochée a été requalifiée par le parquet en séquestration aggravée, du fait qu’il aurait conduit lui-même la déportation d’étudiants du Conseil vers Pô et d’autres villes du pays. Ce qui doit lui valoir, aux yeux du procureur général, une condamnation à 7 ans d’emprisonnement.

Dans sa décision, la cour n’a pas suivi les réquisitions du parquet général. Pour le moins que l’on puisse dire, elle a été plus sévère en condamnant Gilbert Diendéré à 20 ans de prison ferme et une amende de un million de F CFA, 10 ans ferme et une amende de un million contre Mamadou Bamba et  30 ans ferme et une amende de 5 millions contre Magloire Yougbaré.

Les trois condamnées feront-ils appel de cette décision ? A cette question posée à un avocat de la défense, Me Latif Dabo, au sortir de l’audience n’a répondu ni par l’affirmative ni par la négative : « Nous allons débriefer et voir ce qu’il y a lieu de faire dans l’intérêt exclusif du client », a répondu le conseil.

Plus que les condamnations,  Me Prosper Farama, avocat de la partie civile, se dit pour sa part satisfait de la tenue même du procès. « Pour nous la justice c’était déjà que le procès se tienne un jour. Parce que quand il est arrivé que quelqu’un a été assassiné en ayant été porté disparu l’Etat ait mis des années pour reconnaitre même qu’il était mort, déporté à Pô et enterré, excusez-moi de l’expression, comme un chien à peine à quelques mètres sous le sol », a déclaré l’avocat.

Bernard Kaboré

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