Saccage Institut français de Ouaga : des artistes burkinabè en font les frais
Saccagé lors du coup d’Etat du 30 septembre dernier, l’Institut français de Ouagadougou qui a depuis lors fermé ses portes, les a rouvertes à la presse ce mercredi 12 octobre 2022. Le moins que l’on puisse dire, c’est que presque rien n’a été épargné par les vandales, de la cafeteria à la bibliothèque, en passant par les salles de projection. Des Burkinabè, notamment des artistes, rencontrés sur place déplorent ces actes de violences, et évoquent un « lourd impact » sur leurs activités.
En ne s’arrêtant qu’à l’entrée de l’Institut français de Ouagadougou, on passerait à côté d’une évaluation des actes de saccage que ce haut lieu des événements culturels a subis dans la nuit du 1er octobre à la faveur du récent coup d’Etat. Et pour cause, seule la perforation et les fissures des vitres blindées de la devanture sont remarquables. Mais à l’intérieur, la scène est plus saisissante, dès la guérite d’ailleurs qui a vu ses cloisons vitrés partir en fumée, faisant place à des débris de verres et à de la cendre.
La partie la plus endommagée reste la bibliothèque réservée aux adultes, selon le directeur de l’Institut, Pierre Muller, dans un briefing aux dizaines de journalistes. En effet, les nombreux livres s’y sont retrouvés au sol, sens dessus, sens dessous. On n’y compte pas les morceaux et accessoires d’appareils numériques brisés quand ils n’ont pas été emportés par les manifestants. De part et d’autres, dans la pièce, une épaisse cendre noirâtre qui couvre les débris laisse également imaginer l’intensité des flammes. Ce que confirme des agents de l’Institut, témoins des scènes de violence. Dans le reste de l’infrastructure, le même décor s’offre à la vue : la médiathèque enfants mise à sac, les dossiers d’étudiants consumés à Campus France, les salles d’exposition, de ciné et de spectacles transformées en bazars…Bref, rien ne semble avoir été épargné par les vandales qui ont même vidé la cafeteria de son menu du jour.
Gérant de la cafeteria, Clément Bandao, revient sur cette soirée de violences : « Quand il y a eu intrusion dans l’institut, mon téléphone a sonné parce que la caméra avait détecté des personnes étrangères dans la cafeteria. J’ai commencé à regarder, je voyais des inconnus en train de saccager, piller, brûler des choses. Il y a eu pas mal d’incendies qui ne sont pas allés loin heureusement, sinon tout l’Institut aurait pris feu. Parmi les vandales, certains avaient des bidons d’essence. Il y en a qui ont même déféqué ici. » Mais comment les manifestants ont pu accéder à l’intérieur de l’Institut, pourtant réputé être un lieu hautement sécurisé ? Le gérant de la cafterai, Clément Bandao, raconte : « Après le visionnage des différents films des caméras on s’est rendu compte qu’ils sont passés par l’arrière de l’institut en escaladant le mur d’un cimetière. Une fois à l’intérieur, il n’y avait personne pour les stopper parce que les vigiles ont été menacés ».
En attendant une réouverture peu probable dans un court délai, des Burkinabè, particulièrement des acteurs culturels, font les frais de ce saccage de l’Institut français. Le musicien Kantala ne dit pas le contraire : « J’avais des projets en collaboration avec l’Institut tout comme d’autres artistes burkinabè. Mais avec ces événements qu’on a connu, ces projets sont au point mort. Il faudra leur trouver d’autres partenaires. Dans l’année, les statistiques montre que la plupart des artistes qui font des prestations ou qui tiennent des expositions dans cet institut sont des Burkinabè. Pour tout dire, l’Institut français c’est aussi pour nous, quand bien même il ne porte pas un nom burkinabè », regrette celui qui comptait organiser un festival, la « Voix de la kora » au sein même de cet institut. Et d’inviter ses compatriotes à toujours faire le distinguo entre « antipolitique française et anti-français ».
Bernard Kaboré