Assises criminelles : Yembi D. condamné à 5 ans ferme pour viol d’une fillette de 13 ans
Une nuit de fin novembre 2021, après une soirée festive, Yembi D. a eu un rapport sexuel avec Géneviève T. au domicile de monsieur T., à Toécé. Pour la petite Géneviève, 13 ans à l’époque selon ses proches, l’acte n’a pas fait l’objet de son consentement. Accusé de viol aggravé, Yembi, trentenaire, a comparu, mardi 29 novembre 2022, devant la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Ouagadougou siégeant au tribunal de grande instance Ouaga II. Reconnu coupable de l’infraction à lui reprochée, le mécanicien a été condamné à 10 ans de prison dont 5 ferme.
Que s’est-il réellement passé cette nuit du 24 au 25 novembre 2021 au domicile de Monsieur T. ? Yembi D., un mécanicien, est accusé d’y avoir violé une fillette de 13 ans, Géneviève T., la nièce du proprio de la cour. A l’ouverture du procès devant la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Ouagadougou, c’est la question à laquelle plus d’un dans l’assistance se posait encore, impatient d’en savoir davantage à travers les débats. Justement les débats, il a fallu au préalable discuter de l’opportunité de les rendre publics, d’autant plus qu’il s’agit là d’une mineure, quand bien même présumée, car ne disposant pas d’un acte de naissance pour l’attester au tribunal. Sollicité par la cour pour donner un avis, le parquet ne s’est pas opposé à un débat public. La partie civile non plus. Me Orokia Sawadogo, avocate de Généviève T. a invoqué le caractère pédagogique de ce type de procès. Ainsi donc, la déposition de l’accusé pouvait débuter, devant une assistance pas nombreuse mais toute ouïe.
Dans une chemise grisâtre et un pantalon noir, Yembi D., d’une mine à moitié sereine, est resté droit dans ses bottes : il a eu certes un rapport sexuel avec la petite Géneviève mais pas sans son consentement. Dans son récit, l’accusé a situé les faits en trois jours chrono dans le village de la victime, voisin au sien, où se déroulait une fête en fin novembre 2021. Il s’y est rendu trois jours à l’avance pour y vendre de la boisson. Avec la diligence d’un ami, Yacouba, parenté à Monsieur T., il installa ses pénates et ses marchandises au domicile de ce dernier qui est, au passage, l’oncle de la petite Géneviève. A partir du domicile de monsieur T., Yembi s’est fixé l’objectif de ravitailler les marchés des villages environnants en boisson durant son séjour.
La nuit du crime, le trentenaire l’a d’abord passé dans un maquis appartenant à monsieur T, endormi sur un banc. Quand il se réveille au petit matin, aux environs de 4h, pour se rendre au domicile de monsieur T. y récupérer sa moto et rentrer chez lui, il aperçut Généviève, accompagnée de sa cousine, Fadila, presqu’à l’entrée de la cour. « Généviève tenait une bouteille d’alcool. L’une des filles m’a dit qu’elles m’ont trouvé en train de dormir au maquis. Je suis rentré », a-t-il déclaré. Dans la cour, après une recherche infructueuse des clés de sa moto, Yembi s’assit dans un fauteuil au salon où venaient de lui rejoindre les deux filles. « L’une d’elle, (Fadila) a continué dans la chambre pour, dit-elle ressortir avec une natte à étaler au salon pour se coucher. L’autre, Géneviève, est venue à moi avec la bouteille d’alcool, me demandant de décapsuler et la partager avec elle, ce que j’ai refusé. Après cela, elle s’est assise à côté de moi sur le fauteuil, a passé une main sur mes cuisses. Je lui ai dit d’aller plutôt se coucher si elle a sommeil ; elle s’est lever comme pour partir avant de revenir s’assoir sur mes jambes. Je portais une chemise qu’elle a commencé à déboutonner. Là je n’ai pas pu me retenir, et nous avons passé à l’acte. C’est à peine nous l’avions fini que Fadila est ressortie de la chambre. Elle a crié au scandale, promettant d’informer monsieur T.», a relaté l’accusé qui dit n’avoir pas connu sa victime auparavant si ce n’est à l’occasion de la fête.
Sauf que cette version ne concorde pas avec celle de Fadila, qui a comparu à titre de témoin. Selon ses déclarations à la barre, la scène débute au milieu de la nuit. Oui, elles avaient quitté le maquis après avoir aidé leur mère à vendre du riz. Mais elles ont plutôt eu l’impression d’être poursuivies par Yembi, quand autour de minuit, elles rentraient à la maison, loin du maquis d’un jet de pierre. « Une fois à la maison, j’ai continué dans la chambre me coucher avec ma grand-mère qui loge dans la cour. Vers 4h, j’ai eu l’envie de me soulager. Au moment d’ouvrir donc la porte de la chambre, j’ai entendu les cris de Geneviève, que j’ai trouvé sous son bourreau mais hors de la maison et dans une natte en bois », a-t-elle relaté. Selon la jeune fille, l’accusé a par la suite pris la poudre d’escampette. Monsieur T. Qui a lui aussi comparu, a confirmé cette thèse. « La famille s’est réunie et a décidé de partir à la recherche de Yembi. Nous l’avons retrouvé à Ouagadougou. Quand il m’a vu il a commencé par demandé pardon en reconnaissant qu’il s’est mis dans des problèmes et demandant un règlement à l’amiable. J’ai refusé le pardon en lui disant qu’il n’aurait pas fui s’il voulait un règlement à l’amiable », a expliqué l’oncle de Géneviève, détaillant au passage qu’une robe que portait sa nièce le jour fatidique a été retrouvée tachetée de sang.
Yembi a réfuté une bonne partie des différents témoignages. « Si sa victime avait été forcé, ses cris auraient réveillé tout le voisinage », a-t-il argué. Sauf qu’il a vite été rattrapé par ses déclarations lors de sa première comparution devant le juge. Le mis en cause aurait alors reconnu un rapport sexuel forcé. « Mais que l’acte ait eu lieu sous la contrainte ou pas, il n’y a pas de consentement qui vaille pour une fille de 13 ans », a martelé le juge entre deux questions. Au sujet de la minorité, l’accusé a voulu se dédouaner quand il lui a été demandé s’il n’a pas eu l’impression de voler à la jeune fille sa virginité lors de la pénétration. « Non, j’ai senti que ce n’était pas son premier rapport sexuel avec un homme », a répondu sèchement celui qui, devant les enquêteurs, a estimé à 14 ans l’âge de la victime.
Avant de passer outre des réclamations financières qui, « ne permettraient pas à sa cliente de retrouver ce qui lui a été volée », Me Orokia Sawadogo a plaidé pour une condamnation pénale exemplaire pour l’accusé. L’avocat avait au préalable déploré une absence de regret du mis en cause, au vu de son comportement à la barre, Yembi D. ayant par moments esquissé un sourire face à des questions et observations.
La défense s’est sans surprise opposée à la thèse de l’accusation : « Il y a eu pénétration mais pas de viol », a soutenu le conseil de Yembi, Me Saïdou Traoré, qui renvoie la chambre à l’argument selon lequel son client a été aguiché.
Pour sa part, l’avocat général, a déploré des « faiblesses juridiques » de ce dossier, tant le lieu exact du crime n’est pas clairement établi. Tant aussi, les témoignages reçus à la barre ne découlent pas de prestations de serment ; mais aussi la minorité de la victime peut être remise en cause en l’absence de document. « La minorité de se présume pas, l’infraction de viol est établie mais pas les circonstances aggravantes », a indiqué le parquet qui note comme « seul dénominateur commun dans ce dossier la reconnaissance d’un coït interrompu ». Et le ministère public de requérir une peine d’emprisonnement de 7 ans et une amende de 600 000 F, le tout assorti de sursis.
« Yembi est-il finalement coupable de viol aggravé ? Existe-t-il des circonstances atténuantes ». En répondant à ces questions qu’elle s’est elle-même posées, la chambre a tranché. L’accusé est coupable, et ses actes lui valent 10 ans de prison dont 5 ferme ainsi qu’une amende d’un million de F CFA.
Bernard Kaboré