Société

Burkina Faso : Luc Marius Ibriga n’est plus

L’ancien contrôleur général d’état, et enseignant de Droit à l’université de Ouagadougou, Luc Marius Ibriga, est est décédé ce 25 décembre 2022. L’homme de droit qui était admis à la retraite a été de tous les combattants pour le respect de la liberté. C’est un fervent défenseur de la bonne gouvernance qui a rendu l’âme en ce jour de la nativité.

W. Harold Alex Kaboré


Portrait IBRIGA, émission Tapis d’honneur de Radio Burkina le 20 février 2021

Affectivement surnommé « Monsieur anti-corruption » par une partie de la presse burkinabè, Luc Marius Ibriga est un homme engagé qui va s’illustrer pendant la période de la transition par ses prises de position publiques et ses analyses politiques. Celui qui n’hésite pas à prendre position pour défendre ses convictions se démarque notamment par sa probité morale et sa rigueur professionnelle, des qualités qui ont sans doute guidé des autorités de la transition, dans le choix sa personne pour conduire aux destinées de l’Autorité Supérieure de Contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption. Ses convictions et son militantisme, il les a développés au fil d’un riche parcours. 

Les salles de classe du petit séminaire de Pabré, de l’inter-séminaire de Kossoghin et du Lycée Zinda ont vu évoluer celui qui allait devenir un acteur de premier plan dans la vie socio-politique du Burkina. Son baccalauréat en poche, Luc Marius Ibriga intègre en 1976 l’Université de Pau et des Pays de l’Adour puis celle de Nancy 2 en France où il valide successivement une maitrise et un DEA en droit. Son cursus universitaire sera couronné en 1991 par une thèse de doctorat en droit public, soutenue sous le thème, « L’évolution des systèmes d’intégration économique en Afrique occidentale francophone : le cas de la C-E-A-O ». Ce doctorat lui ouvre la voie pour la fonction d’enseignant chercheur à l’université de Ouaga 2, où il dispense des cours en droit constitutionnel, droit international public et en relations internationales entre autres. 

Les étudiants de l’UFR Sciences juridiques et politiques ne seront pas les seuls à bénéficier de son encadrement. Luc Marius Ibriga est aussi sollicité par des universités au Benin, en Côte d’Ivoire, au Mali, au Niger, au Sénégal, au Togo et en Belgique pour dispenser des cours, animer des séminaires et conférences thématiques au profit des étudiants.

Plusieurs ouvrages seront publiés afin de capitaliser le savoir acquis au cours de sa carrière et éclairer la conscience et les choix des citoyens. On retient de ces ouvrages le Précis de droit constitutionnel et d’institutions politiques, rédigé en collaboration avec le Pr. Augustin LOADA et publié en mars 2007. 

Expert-juriste confirmé, Luc Marius Ibriga va accompagner plusieurs institutions nationales, africaines et internationales, dans l’élaboration de textes juridiques, la conduite d’audits et d’études ainsi que l’appui-conseil. Il a notamment piloté en 2012 la rédaction de l’avant-projet de traité révisé de la CEN-SAD, la Communauté des États sahélo-sahariens. En 2009, le Ministère de la Promotion des Droits Humains bénéficie de son éclairage dans la conduite d’une étude sur la mise en conformité de la législation et la réglementation burkinabé aux normes internationales relatives aux droits civils et politiques. La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), le Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP), la Commission de l’UEMOA et l’Union Africaine, pour ne citer que cela, ont fait appel à lui pour divers travaux.

C’est donc en expert des questions juridiques et en fin connaisseur de l’univers politique national et international que l’enseignant de droit s’invite sur la scène politique burkinabè en défenseur des droits de l’Homme et de la bonne gouvernance. Ses prises de positions, ses analyses et éclairages le positionnent comme un leader de la société civile. C’est un leader écouté et admiré qui défend avec ardeur la démocratie burkinabè, en prenant notamment position contre la modification de l’article 37 de la constitution. 

Membres du FOCAL, le Forum de Citoyennes et Citoyens de l’Alternance, Porte-parole du Front de la Résistance citoyenne, il est résolument engagé aux côtés de la société civile aux premières heures du mouvement social qui va conduire à l’insurrection populaires au Burkina Faso. Constitutionnaliste chevronné, Ibriga fera partie du comité de rédaction de la Charte de la transition et du Conseil national chargé de désigner le président de la transition. Après avoir refusé d’entrer au gouvernement, il accepte finalement en septembre 2015 de diriger l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat, une institution dont la mission est de contribuer au renforcement de la bonne gouvernance. Cela passe par le contrôle de l’observation des textes qui régissent l’Administration, la lutte contre la corruption, le suivi de la mise en œuvre des recommandations des corps de contrôle de l’Etat et enfin la saisine de la justice des cas de malversations.

L’éducation et l’éveil des consciences particulièrement celles des jeunes est une priorité pour Luc Marius Ibriga. Pour pérenniser les acquis et les leçons de l’insurrection et de la transition, Luc Marius Ibriga fonde en 2016 l’association « Mémoire et Conscience » dont l’un des combats est d’ériger l’ancien siège de l’Assemblée nationale en Musée de l’insurrection.


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