Est du Burkina Faso: la région en détresse
Le Mouvement U Gulmu Fi a animé une conférence de presse ce jeudi 2 mars 2023 à Fada N’Grouma pour interpeller l’autorité sur la situation sécuritaire de plus en plus préoccupante dans la région de l’Est. Ci-dessous la déclaration liminaire que cette organisation de la société civile a lu à cette occasion.
Au nom de l’ensemble du Mouvement U Gulmu Fi, avant tout propos, je tiens à vous
traduire notre gratitude, pour votre constante disponibilité qui se manifeste encore par votre
présence au point de presse de ce jour.
La conférence de presse de ce jour se tient dans un contexte de dégradation continue de la
situation sécuritaire, dont l’un des derniers incidents en date est le drame de Partiaga. En
effet, le dimanche dernier (26 février), la commune de Partiaga dans la province de la
Tapoa, a été la cible d’une attaque horrible, qui a fait des dégâts matériels et surtout, des
pertes en vies humaines, contraignant les rescapés à l’exode. Comble de malheur, à ce jour,
les populations n’ont pas encore eu la possibilité de retourner à Partiaga, ne serait-ce que
pour inhumer les morts. Puisse leur âme reposer en paix. Du reste, aucun bilan officiel n’est
encore établi.
Malheureusement, au-delà de Partiaga, c’est toute la Région de l’Est qui vit une situation
sécuritaire très préoccupante. A ce jour, sur les cinq provinces de la région, une seule est
encore reliée à Fada N’Gourma, la capitale régionale. Depuis plus d’un an, la province de la
Kompienga vit, renfermée sur elle-même, sous blocus et sans réseau de communication, (si
ce n’est le réseau du voisin togolais, pour ceux qui ont pu se procurer la puce togolaise). Et
après le dépeuplement total de la commune de Madjoari, la province se résume
essentiellement aux villes de Kompienga et de Pama dont il est quasi impossible de
s’éloigner.
Quant à la province de la Tapoa sa situation est assez similaire à elle de la Kompienga, car
depuis cette année 2023, la Tapoa aussi est sous blocus, avec un seul réseau de
télécommunication pour les localités qui ont encore la chance de pouvoir communiquer.
Et avec le drame de Partiaga, seules deux communes, en l’occurrence Kantchari et Diapaga
enregistrent encore des traces de l’administration publique. Malheureusement, ces deux
communes aussi semblent quasiment cernées et subissent le harcèlement des hommes armés
non identifiés (HANI).
Dans la Komondjari, le tableau est encore similaire. Outre la localité de Tankoalou qui était
déjà sous blocus, depuis cette année 2023, c’est toute la province qui vit le blocus, avec
l’interdiction du trafic sur la ligne Fada- Gayeri. Cette ville de Gayeri qui connait encore une
certaine présence de l’administration est également sous pression des HANI, avec un seul
réseau de téléphonie.
Seule la province de la Gnagna reste encore connectée à Fada par la route, mais avec des
incursions régulières des HANI à Bilanga et à Piéla, et une présence presque permanente à
Botou. Dans cette province, seuls les départements de Bogandé et de Piela ont à ce jour des
écoles fonctionnelles. La province du Gourma (province du chef-lieu de la Région) connait
également des difficultés. A titre d’exemple, toute la commune de Yamba est sans
éducation. Et dans les autres communes, c’est principalement dans les grands centres des
chefs-lieux de département que l’école est encore fonctionnelle. Même l’Université de Fada
N’Gourma ne peut plus recevoir d’étudiants en son sein, parce que harcelé à plusieurs
reprises par des HANI.
Au total, sur le plan éducatif, à la date du 31 janvier 2023, on enregistrait 1 100
établissements solaires fermés contre 953 établissements au 28 février 2022. Et sur le
plan humanitaire, au 31 janvier 2023, la région comptait 209 053 PDI, contre 156 485
au 28 février 2022. Malheureusement, tous ces différents chiffres ne cessent de
croitre, sous la pression continue des HANI. En atteste l’exode des populations de
Yamba et de Tandjari ces jours-ci, après avoir reçu le weekend dernier, un
ultimatum de 72 heures pour déguerpir. Et beaucoup de ces PDI vivent assez
souvent dans des conditions extrêmes de logement et même d’alimentation. En
rappel, ici, il n’existe pas officiellement de camp de PDI, l’autorité ayant plutôt
décidé dans le sens des familles hôtes pour l’installation des PDI. Au passage,
nous formulons nos sincères remerciements à toutes ces familles hôtes qui
continuent à donner de l’hospitalité à ces personnes déplacées contre leur gré.
Au-delà de tous ces aspects, la situation sécuritaire est aussi caractérisée par les
assassinats, les enlèvements et les disparitions. C’est le cas de la vingtaine de
jeunes gens de la Tapoa enlevés en novembre 2022, et dont les proches sont
toujours sans nouvelles jusqu’à présent. Il y’a aussi le cas des tueries enregistrées
dans le sillage du convoi de la mine de Boungou (de Piéga à l’entrée de la ville de
Diapaga), pour lesquelles, l’autorité avait promis de faire la lumière, mais qui sont
restées sans suite jusqu’à nos jours.
D’autre part, il n’existe plus d’évacuation sanitaire dans la région de l’Est, et nous
enregistrons désormais la fermeture de centres de santé périphérique, et les
Centres médicaux avec antennes chirurgicales ne fonctionnent qu’à minima. Dans
une communication faite par la Direction régionale de la santé (DRS) de l’Est, il était
ressorti en fin 2022, que la région enregistrait la fermeture de 17 formations
sanitaires (FS), et que 122 FS fonctionnaient désormais à minima. Cela prive de
fait, 127 699 personnes, de soins. Les districts sanitaires de Pama, Diapaga, Gayéri
et de Fada sont les plus touchés. Pama et Diapaga étant en plus très difficiles
d’accès à ce jour. Et partout dans la région, excepté Fada N’Gourma, les institutions financières sont toutes fermées. Outre Pama et Tankoalou qui connaissaient des ruptures de denrées de
première nécessité, il faudra bientôt ajouter et toute la province de la Komondjari, et toute la
province de la Tapoa, si une solution n’est pas trouvée.
Outre la question sécuritaire, les autres points de la plateforme revendicative, c’est le
désenclavement, l’accroissement de l’offre sanitaire et la mise en valeur accrue du
phosphate de Kotchari. Ces questions au moins connaissent de l’avancée avec les
améliorations en cours au niveau du CHR actuel ; la relance du marché du lot 1(Gounghin-
Fada) des travaux de réhabilitation et de renforcement de la RN4 ; et le projet de nouveau
CHR et la question du phosphate font leur petit bonhomme de chemin.
En somme, la situation sécuritaire est très, très préoccupante, rythmée par les enlèvements,
les pertes en vies humaines et les pertes de biens matériels, le nombre croissant de PDI, le
nombre croissant d’écoles fermées, le nombre croissant de localités sous blocus, la baisse
continue de la couverture téléphonique…
Face à cette situation, le Mouvement U Gulmu Fi appelle l’Etat à :
- Garantir effectivement la sécurité des personnes et des biens
- Créer les conditions pour les populations de Partiaga puissent enterrer dignement
leurs morts. - Prendre les mesures urgentes et idoines pour lever les blocus sur les communes de la
région de l’Est ; - Créer des couloirs humanitaires pour permettre l’approvisionnement des zones sous
blocus, et aux populations assiégées de pouvoir rallier des zones plus sécurisées ; - Assurer une prise en charge adéquate des PDI.
Par ailleurs, le Mouvement félicite la coordination provinciale des OSC de Diapaga et les
populations de Diapaga, pour leur mobilisation spontanée, massive et multiforme suite au
drame de Partiaga. De façon générale, il félicite encore les familles-hôtes ainsi que toutes les
personnes physiques et morales qui contribuent à la prise en charge des PDI et appelle à
davantage de solidarité envers ces derniers. En ce sens, au-delà de ce qui se fait déjà, le
Mouvement lance une campagne spéciale de collecte et de souscription au profit des PDI.
Nous reviendrons avec plus de précisions sur les modalités de cette collecte. Notre ambition
étant de mobiliser la solidarité envers cette population en détresse !
Ensemble, levons-nous et bâtissons