Economie

Trading au Burkina : question orale d’un député sur les 20 milliards introuvables des investisseurs

Des membres du gouvernement ont été soumis à des questions orales de députés lors d’une séance plénière tenue à l’Assemblée législative de transition (ALT) ce mardi 18 avril 2023. Au nombre de ces questions, ce que compte faire le gouvernement au profit de plusieurs dizaines de milliers de Burkinabè qui ont investi plusieurs milliards de F CFA dans le trading Forex sans le moindre retour sur investissement depuis quatre ans.

Le ministre de l’Economie et des Finances, Aboubacar, Aboubacar Nacanabo

Il y a quelques années, le domaine du trading a été perçu comme une véritable opportunité d’affaires pour de nombreux Burkinabè qui s’y sont lancés. Parmi plusieurs types de trading, le Forex, qui consiste à l’achat et à la vente de devises, a particulièrement été attrayant. Dans différentes sociétés, des dizaines de milliers ont fait des placements avec des intérêts sur le capital de leurs investissements relativement assez élevés sur des périodes allant de trois à 12 mois. Un taux compris entre 3 et 3000% selon la durée de placement et les différentes offres des sociétés. Tout semblait bien fonctionner jusqu’en 2019 où l’Autorité des marchés financiers (AMF) de l’UEMOA, par un communiqué relatif aux placements à hauts risques, a mis en garde le public du Burkina Faso contre la récurrence des offres de placements élevés dans les sociétés de trading.

Suite au communiqué de l’AMF, le ministère burkinabè chargé des Finances a invité les structures concernées à cesser leurs « activités irrégulières entendez, la collecte de l’épargne publique en dehors des cadres prévus par la réglementation. Ensuite, une requête de la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF) a été présentée au Tribunal de grande instance de Ouagadougou aux fins de séquestre provisoire des comptes desdites sociétés. Après que le tribunal a accédé à cette requête et le séquestre des comptes prononcé, ce fut l’interruption des paiements aux investisseurs. En janvier 2020, le tribunal est revenu sur sa décision, en ordonnant le dégel des comptes dans l’optique de permettre les paiements. Mais, selon le député Daniel Zoungrana, « ce dégel n’a abouti au paiement d’aucun investisseur ». Cela a plutôt profité aux sociétés qui avaient encore des fonds disponibles sur la plateforme de procéder à des retraits. Depuis, c’est le désespoir pour ces milliers de souscripteurs. Certains d’entre eux se seraient donné la mort en signe de désespoir. Le préjudice subi par l’ensemble de ces investisseurs est estimé à environ 20 milliards de F CFA.

« Que compte faire le ministre des Finances, afin que les intérêts des dizaines de milliers de Burkinabè soient enfin restitués ? » Telle est la question posée par le député Daniel Zougrana. Répondant à la question orale, le ministre des Finances, Aboubacar Nacanabo, a évoqué « des activités exercées dans l’illégalité en violation de la législation en vigueur » en parlant des « opérations de collecte irrégulière de fonds, auprès du public, de placements financiers ou de crédits avec des promesses de hauts rendements ».

Du côté des souscripteurs, ont pointe du doigt la responsabilité de l’Etat pour « n’avoir pas pris suffisamment de mesures conservatoires ». Mais pour le gouvernement,  c’est plutôt parce que « l’Etat n’a pas été peut-être proactif » très tôt au début des activités des sociétés de trading. Pour le règlement de cette affaire, « la justice va situer les responsabilités, s’il y a lieu que l’Etat s’assume, il s’assumera », selon le ministre de l’Economie et des finances.

Le ministre de l’Economie est convaincu d’une chose : « Il serait judicieux que l’Etat s’implique » pour le désintéressement des victimes, car impossible de le faire en comptant sur le patrimoine des personnes poursuivies. En affirmant cela, le ministre des Finances s’appuie sans doute sur les résultats d’une étude française sur les traders particuliers sur le Forex. Cette étude réalisée par l’Autorité des marchés financiers française sur les activités des traders particuliers sur le Forex a révélé que 9 clients sur 10 sont perdants. Pire, plus les clients ont été actifs (mise importantes), plus leurs pertes ont été énormes. Selon l’étude, de 2009 à 2012, 13 224 clients ont perdu au total près de 175 millions d’euros, tandis que les 1575 clients restants ont gagné au total 13,8 millions d’euros.

Concernant particulièrement le volet judiciaire, le dossier suit son cours foi, du chef du département de l’Economie. Et d’expliquer que 9 personnes morales et 11 personnes physiques sont poursuivies, entre autres pour escroquerie aggravée, soustraction frauduleuse à l’impôt, blanchiment de capitaux, etc. par ailleurs, une expertise sur la plateforme du trading Forex a montré qu’une bonne partie des sommes collectées n’a pas été déposée sur ladite plateforme, ce qui laisse penser au ministre Nacanabo que les fonds non déposés sur la plateforme ont été utilisés à d’autres fins. Mais bien qu’elle suive son cours, la procédure judiciaire est suspendue à la demande d’une contre-expertise par des investisseurs et à des actions de coopération judiciaire qui devrait permettre d’extrader une des personnes poursuivies vers le Burkina. Comme prochaines actions, des investisseurs ayant misés de fortes sommes dont l’origine est douteuse pourraient également être mis en examen.

Bernard Kaboré

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page