Massacre de Karma: le collectif des journalistes, activistes et leaders d’opinion victimes de menaces au Burkina exige la lumière sur ce drame
Ceci est une déclaration du collectif des journalistes, activistes et leaders d’opinion victimes de menaces au Burkina Faso, relative au massacre de civils à Karma dans le Nord du pays.
À Karma, village situé à 15 km de Ouahigouya dans la région du Nord, des habitants, tous civils, ont subi le jeudi 20 avril 2023 une attaque d’une barbarie inouïe qui a fait 60 morts selon un bilan provisoire du procureur du Faso près le TGI de Ouahigouya et plus de 150 morts selon les chiffres communiqués par des médias et des sources indépendantes.
Ce massacre dont les images sont propagées sur les réseaux sociaux portent l’horreur à son comble. La nation se sent affligée et toutes les consciences sont sous le choc car rien ne saurait justifier une telle barbarie sans qualificatif. En effet, des femmes et des enfants, certains au dos de leur mère, ont été exécutés froidement par leurs bourreaux armés et en tenue militaire burkinabè. Ces actes nient totalement la dignité humaine.
Cette énième hécatombe dans le cadre de la guerre anti terroriste, est de trop que l’état de guerre ne pourrait jamais suffire à la justifier ; peu importe qui est l’auteur, qu’il s’agisse des terroristes, ces gens sans foi ni loi, encore moins de l’armée nationale, notre fierté. Il y a eu de graves et abondantes atteintes à la dignité et à la vie humaine, du reste sacrée, mais aussi la violation des droits élémentaires de la guerre tels que définis par le droit international humanitaire.
Le Collectif s’insurge contre cette tuerie de masse violant les droits de l’homme et constituant manifestement un crime de guerre et un crime contre l’humanité.
Nous tenons à mettre ce drame sur le compte de l’absence d’alerte et d’information, occasionnée par la stratégie liberticide mise en place par les autorités ; stratégie contreproductive de musèlement et de répression des journalistes, activistes et lanceurs d’alerte. Ces populations auraient été secourues à temps et les dégâts limités si des alertes avaient pu être lancées publiquement de façon urgente. C’est le lieu d’affirmer et faire comprendre une fois de plus que la liberté d’expression et d’opinion est un outil indispensable pour une meilleure sécurité des personnes et des biens et plus particulièrement dans ce contexte de guerre. Cette politique de bâillonnement des voix et ses contraintes injustes ne permettant pas la collecte et la diffusion de l’information sécuritaire par les journalistes et les activistes sont également de nature à compliquer la manifestation de la vérité des faits dans certaines situations données. D’où le doute et la confusion persistants sur l’identité réelle des auteurs des atrocités commises à Karma. Il est de notoriété que le silence des médias et l’absence de parole a toujours permis la préparation et la mise en œuvre des grands drames humains. C’est ce qui justifie le combat de notre Collectif pour le respect et la protection de la liberté d’expression et d’opinion dans notre pays face aux menaces et autres formes de violence contre les leaders d’opinion.
Au regard de ce qui précède, le Collectif voudrait :
- exprimer toute sa solidarité et toute sa compassion aux victimes et aux familles de Karma affligées par cette barbarie ignoble et odieuse en particulier, mais également à toutes les victimes et à toutes les familles qui subissent les affres de l’ignominie ;
- exiger toute la lumière sur ce drame ainsi que sur les commanditaires et les exécutants dans le cadre d’une enquête indépendante à travers la mise en place d’une commission d’enquête indépendante ;
- apporter son soutien indéfectible aux forces de défense et de sécurité et aux volontaires pour la défense de la patrie dignes, intègres et courageux qui se battent sur les différents fronts en les exhortant d’éviter tout arbitraire et tout acte contraire à la dignité humaine ;
- interpeller les autorités de la transition quant à leur responsabilité entière dans cette politique de musèlement, de répression et de restriction des libertés notamment de la liberté d’expression et d’information qui a cours au Burkina Faso.
Fait à Ouagadougou le 27 avril 2023
Pour le Collectif
Le porte-parole
Dr Arouna Louré