Ceci est une tribune du journaliste et écrivain Sayouba Traoré sur des questions d’actualité comme la refondation de l’Etat, les élections et la gouvernance au Burkina Faso.
cet écrit ne vise pas à critiquer une personne ou un groupe de personnes. Son but n’est pas non plus de défendre une personne ou un groupe de personnes. Il s’agit d’initier une discussion entre compatriotes, et qui ont les mêmes préoccupations.
Aujourd’hui, le Burkina Faso et les Burkinabè, nous sommes rendus à une situation critique. Faut-il organiser des élections? Quand faut-il organiser ces élections? Par ailleurs, l’actualité bruisse des échos des audits et des sommes faramineuses détournées. Comment faire cesser ces pillages? En filigrane, nous avons cette question vertigineuse. Notre avenir commun, c’est quoi? Il y a plus urgent: vaincre le terrorisme. Mais, après cette victoire, quel vivre-ensemble?Je n’hésite pas à dire que nous sommes rattrapés par nos propres manquements.
Nous n’avons pas construit un Etat. Comment je peux dire cela? C’est bien simple. Elections ou coup d’Etat, chaque président vient avec son équipe, défait ce que son prédécesseur a fait, et installe ce qui lui convient. Si vous êtes honnête, regardez rétrospectivement la liste de nos chefs d’Etat! C’est ce fonctionnement incertain, au gré des humeurs et des inspirations. Disons-le tout net! Une juxtaposition d’institutions, ça ne fait pas un Etat. On fait juste semblant.Pour être sûr de ce que nous disons, il nous faut voir ce qui caractérise un Etat. Un Etat, ça relève tout à la fois de l’histoire et de l’idéologie. La réalité et le rêve, quoi! On ne va donc pas se lancer dans des trucs juridiques qui risquent de nous égarer. L’Etat, c’est l’exercice de la souveraineté. C’est de lui qui dérivent tous les autres pouvoirs. Pour aller vite, on va dire qu’à l’intérieur du territoire, l’Etat édicte des normes (lois et règlements), la sanction pour ceux qui enfreignent ces lois par le biais de la police et de la justice. En dehors des frontières nationales, l’Etat est chargé de la diplomatie et des forces armées.
Pour faire tout ça, l’Etat doit pouvoir disposer de ressources qui sont prélevées sur la collectivité nationale par le biais des l’impôt et des contributions diverses. Collectivité nationale ici s’entend les hommes et les entreprises.Considérons cette définition sommaire! Si le gouvernement décide de donner des engrais aux agriculteurs, il doit fixer des règles de répartition de cet engrais. De même, si le gouvernement veut distribuer des denrées alimentaires aux PDI, il doit dire qui a droit à quoi, et selon quels critères. Cela, c’est pour les normes. Elles doivent être applicables à tous les 22 millions de Burkinabè. Mais ces normes ne suffisent pas. L’Etat doit s’assurer que ce qu’il a décidé est réellement exécuté sur le terrain. Et s’il y a tricherie, l’Etat doit retrouver les fautifs et leurs complices et les sanctionner. Ça ne suffit toujours pas. Il faut que les agriculteurs ou les PDI qui ont été spoliés bénéficient de ce que le gouvernement a décidé. Ils ont subi un tort qui doit être réparé.Dans la réalité, qu’est-ce que nous voyons? Le premier à enfreindre les lois, c’est l’Etat lui-même. Les gros détournements, les affaires douteuses, les trucages éhontés, les chantiers mal exécutés, ou pas exécutés mais facturés, les commandes surfacturées, c’est bien les premiers responsables de l’Etat qui en sont les auteurs. Je ne calomnie personne. Il suffit de suivre l’actualité nationale. Et ça descend jusqu’au niveau du petit fonctionnaire de brousse. Dans ce telles conditions, comment l’Etat peut-il sanctionner des fautes dont il est lui-même auteur ou complice?
Aujourd’hui, on entend une chanson curieuse. Si on organise les élections, les politiciens vont revenir, et les pillages vont recommencer. Il y a tellement de choses à dire. Restons sobres! Depuis 1960, nous avons eu 11 années de pouvoir civil. Comptez les présidents qui se sont succédés et vous verrez! Après ce décompte, comment peut-on conclure que les militaires sont plus vertueux? Puisque ces militaires sont justement responsables de la plus grosse part de nos malheurs! D’abord, un militaire respectueux de son serment ne fait pas de coup d’Etat. Regardez, c’est écrit dans nos textes! Ensuite, un soldat au pouvoir n’a pas de compte à rendre. En tout cas, personne n’est assez audacieux pour aller au camp pour le questionner.C’est pour toutes ces raisons que nous devons construire un Etat. Parce que l’Etat, c’est d’abord et surtout nous-mêmes.
Tout le monde parle du peuple. Eh bien, ce peuple, c’est toute la population. Les bons et les mauvais. Les croyants et les crapules. Il nous faut apprendre à travailler pour le bien de tous. Ce qui suppose édicter des règles, et s’obliger à les respecter. Aujourd’hui, ne pas organiser des élections, c’est retirer la parole à ce peuple que tout le monde dit aimer. Et puis, si je suis militaire, et on me dit que je reste au pouvoir tant que la guerre n’est pas finie, pourquoi je vais finir cette guerre?Il faut qu’on arrête de prendre toutes ces libertés avec la chose publique. Cette pagaille doit cesser. Et en cette matière, la discipline est personnelle. Chacun crie contre les détourneurs. Et dans son cœur, il a espoir de pouvoir détourner à son tour. Comment voulez-vous que ça marche? Chacun se lève, il réunit ses partisans, et il décide que c’est lui le peuple.
Ces entourloupes doivent cesser. Enlevez le volant de votre voiture, ou le guidon de votre moto! On verra comment vous allez pouvoir circuler. Or, c’est très précisément ce que nous tentons de faire depuis 1960. A un moment ou à un autre, il faut que cette mauvaise plaisanterie cesse. C’est au début que le fou du quartier amuse les gens. Après, il devient emmerdant.Je répète. Et j’insiste. Cet écrit a pour unique but d’impulser la discussion et la réflexion. Celle ou celui qui a des relents partisans ou des arrière-pensées, prière passer son chemin. Sur internet, les endroits où chacun peut déverser sa bile ne manquent pas.
Sayouba Traoré