Procès charbon fin : le contenu des conteneurs dévoilé
Le procès charbon fin s’est poursuivi le lundi 9 septembre 2023 au Tribunal de Grande instance de Ouagadougou. L’audience du jour a été largement consacrée au dévoilement des contenus de deux containeurs de « corps solides ». Briques réfractaires, scories, colmatés, …, les contenus dévoilés ont nourri les débats entre les différentes parties.
Ça y est. On sait maintenant un peu plus sur ce qu’il y a dans les conteneurs mises sous scellés dans le cadre du dossier dit charbon fin. Après le rendez-vous manqué lors de la dernière audience à cause d’une absence des clés, ces conteneurs ont finalement été ouverts lundi 9 octobre 2023.
Avant l’ouverture des conteneurs, d’abord quelques moments d’échanges sur la nécessité de rendre disponibles des équipements de protection pour les parties au procès. Selon les experts, pas de risque pour le reste de l’assistance. En blouses gris ou bleu, les visages barrés de masques et lunettes de protection , ce n’est pas seulement ce qu’il suffisait pour procéder au déballage des deux conteneurs, disposés tout juste près de la barre. En effet, il fallait aussi s’assurer de l’état des scellés et de cadenas apposés avec les soins d’un huissier de justice. Passée cette étape, on pouvait enfin passer les cisailles sur les scellées et sauter les verrous des conteneurs.
Dans son premier constat après l’ouverture d’un premier conteneur, l’huissier de justice qui a sorti des emballages en sachet a évoqué des « corps solides ». Le même constat a été fait par un homme désigné parmi l’assistance. Ce dernier, a dit avoir touché « des corps solides sous forme de cailloux ». Il s’est agi là de décrire l’échantillon de deux éléments prélevés du conteneur. Invité à se prêter à cet exercice, un métallurgiste représentant de la mine d’Essakane a, lui, employé des termes de « briques réfractaires » et de « scories ». Autre constat, celui du parquet, les deux éléments présentent des aspects différents.
Passés à la loupe, des éléments de ces corps solides qui ne ressemblent pas aux autres du charbon fin « attirent l’attention », selon les experts qui devraient pousser l’expertise. A une question du juge, Essakane, par la voix de son représentant a indiqué que dans les cargaisons de charbon fin, l’on retrouve habituellement les briques réfractaires sus-évoquées. Et pour connaitre la teneur en or de ces corps solides, il faut les broyer, foi du représentant de la mine.
Mais à quel stade du processus de traitement de l’or interviennent ces corps solides ? Le représentant d’Essakane a expliqué que ces éléments ont été récupérés en 2016 suite au dysfonctionnement d’un système d’incinération du charbon fin. Ce dysfonctionnement, suivant les explications du métallurgiste, a duré deux mois et les éléments qui en ont été récupérés ont été conservés jusqu’en 2018 avant d’être saisis par la douane.
Dans le deuxième conteneur ouvert devant la tribunal, il a été constaté deux sacs noués qui contenaient également d’autres matières solides. Il s’agit de colmatés, selon le métallurgiste d’Essakane, des scories contenant des grains d’or visibles à l’œil nu, selon les experts. Il n’a pas fallu plus que ce constat des experts pour que les différentes parties s’approchent au plus près du contenu déballé de ce deuxième conteneur pour s’en faire une idée.
Dans leurs observations, les différentes parties se sont attardées sur les composantes des corps solides exposés. Avant que le président du tribunal n’ordonne la remise sous scellés des conteneurs, la défense a notamment fait observer qu’il n’y a pas de lingots d’or sortis des conteneurs.
En rappel, cette affaire dit de charbon fin a débuté en décembre 2018 lorsque la douane a saisi des cargaisons de 32 conteneurs remplis de la matière éponyme. Il s’agissait ainsi d’empêcher une soustraction frauduleuse d’or car selon des informations, ce charbon fin aurait été enrichi de pépites du métal jaune. En clair, la teneur déclarée serait bien en deçà de la réalité, chose que conteste la société minière Essakane, l’une des 14 personnes physiques et morales poursuivies dans ce dossier. A l’audience de ce 9 octobre, les experts ont indiqué que sur les 32 conteneurs d’un total de 440 tonnes expertisées, 764 grammes d’or ont été retrouvés dans chaque tonne.
Au moment où nous quittions la salle d’audience, les débats sur le contenu des conteneurs était clos, pour faire place à la requête d’avocats de l’Etat sur la prise de mesures conservatoires contre la mine d’Essakane.
Bernard Kaboré