Defense & Sécurité

Disparition forcées de citoyens : Me   Arnaud Ouédraogo appelle « à la vigilance rouge » 

Me Arnaud Ouédraogo dans l’écrit ci-dessous interpelle les autorités politiques, militaires et judiciaires du Burkina Faso sur les enlèvements de citoyens dont celle de  Me Guy Hervé Kam. L’avocat précise que les disparitions forcées ont des « implications internationales, car elles peuvent virer aux crimes contre l’humanité, justiciables de la Cour Pénale Internationale ». 

Vigilance rouge !

Nous entrons dans le 110 jours de captivité de notre confrère Maître Hervé KAM du Barreau du Burkina Faso. 

Aussi longtemps qu’il était aux mains de la Police, on pouvait encore s’accrocher au mince espoir que les derniers lambeaux de la civilisation humaine serviraient de ligne rouge à ne pas franchir.

Maintenant que des informations font état de la dégradation de son état de santé et de son transfèrement vers un lieu inconnu, par des individus non identifiés, le désarroi est total. 

La justice du Burkina Faso a pourtant ordonné à plusieurs reprises sa libération immédiate. Décision non suivie d’effet.

Les démarches entreprises par le Barreau du Burkina Faso et par diverses personnes de bonne volonté auprès des autorités compétentes se sont heurtées à un mur. 

Maître KAM est ainsi retenu en captivité comme plusieurs civils et militaires, pour des raisons inconnues, par des personnes inconnues et dans des lieux inconnus. Le trou noir. 

Il y a une vingtaine d’années, mon chemin a croisé celui de Me Hervé KAM sur le champ de la lutte pour l’indépendance de la justice. Pour mieux porter le plaidoyer, nous avions créé le Centre pour l’Ethique Judiciaire. 

Grâce à l’engagement et au courage de gens plus valeureux que nous, le plaidoyer a aboli à un nouveau Statut de la Magistrature, cité comme une référence en Afrique. Mais ce bel édifice s’est effondré sous le poids des soubresauts politiques que le pays a connus.

Même dans les pires cauchemars, personne n’aurait imaginé qu’on parlerait un jour des escadrons de la mort au Burkina Faso. C’est dire que la vigilance doit être de tous les instants, et qu’aucun combat n’est gagné pour toujours. 

Je lance un appel à toute personne, agissant sous des ordres quelconques, qui participerait à la rétention de Maître Hervé KAM en quelque lieu que ce soit, de se désolidariser de l’ordre manifestement illicite.

J’attire l’attention des autorités politiques, militaires et judiciaires du Burkina Faso sur les conséquences particulièrement graves des enlèvements de citoyens, constitutifs de disparitions forcées.  

Je les renvoie à une lecture assidue des premiers articles de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées pour en mesurer la gravité. Il ne s’agit pas seulement d’une infraction par commission mais aussi d’une infraction par omission. Et pour les cas de disparitions forcées, la justice ne se périme pas aisément. C’est une question qui a des implications internationales, car les disparitions forcées peuvent virer au crimes contre l’humanité, justiciables de la Cour Pénale Internationale. 

CONVENTION INTERNATIONALE POUR LA PROTECTION DE TOUTES LES PERSONNES CONTRE LES DISPARITIONS FORCEES

Article premier

1. Nul ne sera soumis à une disparition forcée. 

2. Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la disparition forcée. 

Article 2. Aux fins de la présente Convention, on entend par « disparition forcée » l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi. 

Article 3. Tout État partie prend les mesures appropriées pour enquêter sur les agissements définis à l’article 2, qui sont l’ouvre de personnes ou de groupes de personnes agissant sans l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, et pour traduire les responsables en justice.

Article 4 Tout État partie prend les mesures nécessaires pour que la disparition forcée constitue une infraction au regard de son droit pénal.

Article 5. La pratique généralisée ou systématique de la disparition forcée constitue un crime contre l’humanité, tel qu’il est défini dans le droit international applicable, et entraîne les conséquences prévues par ce droit. 

[…]

Le Burkina Faso est Partie à la Convention et à même produit rapport à ce titre :

RAPPORT DU BURKINA FASO ELABORE CONFORMEMENT A L’ARTICLE 29 DE LA CONVENTION INTERNATIONALE POUR LA PROTECTION DE TOUTES LES PERSONNES CONTRE LES DISPARITIONS FORCEES

Demain, c’est à moi que vous ferez recours pour être défendus. Car je suis Avocat. Je vous demande donc de me faciliter la tâche : libérez Maître Hervé KAM et toutes les personnes arbitrairement retenues. 

J’appelle à la vigilance rouge !

Me Arnaud OUEDRAOGO 

Avocat

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