Média: “la presse tire sa force de l’opinion publique” Norbert Zongo
Que représente l’opinion publique pour la presse? De tous les cieux la presse tire sa force que de cette opinion publique selon Norbert Zongo. Lisez plutôt.
Presse burkinabè cherche opinion publique 1
N’est-il pas excessif de parler d’opinion publique pour la presse au Burkina Faso ? Les plus
optimistes pensent qu’elle est entrain de naitre cette opinion publique de la presse burkinabè.
Pour les autres – y compris des hommes de média – elle est inexistante. Pourtant la presse pour
tous les cieux ne tire sa force que de cette opinion publique. C’est elle qui la supporte
lorsqu’elle se heurte à la force politique. C’est elle qui oblige les journalistes à se surpasser dans
l’exercice de leur métier, tout en recommandant aux communicateurs le strict respect de la
déontologie et des règles morales majeures de la société.
L’opinion publique est à la presse ce que la sève est à l’arbre. Leur complémentarité les hisse au
rang de complices indispensables l’une à l’autre.
Si la presse fait et défait les régimes et les hommes politiques en Occident, ce n’est ni par
simple « poids de mots » ni le « choc des photos », selon la formule de Paris Match. La presse
est considérée comme la voix de l’opinion publique, le surveillant que cette dernière a engagé
pour observer le système politique et ses hommes.
Mais l’opinion publique naissante de la presse burkinabè ne reconnaît à la presse que de
nombreux devoirs sans pour autant lui assurer son droit au soutien. Par exemple après avoir
déplié ce qu’il est convenu d’appeler le catalogue des défauts des journalistes (pauvreté,
infidélité, opportunisme, alcoolisme, griotisme…), l’opinion publique exige du journaliste
burkinabè la droiture, la rectitude morale, l’amour de la vérité ; autant de qualité qui font
honneur au métier du journaliste.
Seulement là où notre opinion publique ne joue pas son rôle jusqu’au bout, c’est sa réaction
devant les révélations ou les dénonciations de la presse. L’opinion publique se contente parfois
de dire : « C’est vrai ce que le journaliste a dit : il y a vol, corruption, détournement de fonds,
etc. ». Entre ces déclarations, on soulève un verre de bière, pour tirer ensuite sur un long
bâtonnet de brochettes pimentées. On avale le tout avec la vérité des journalistes.
Pour caractériser l’attitude de l’opinion publique burkinabè vis-à-vis de sa presse, on pourrait
utiliser l’image suivante : un fin gourmet qui exigerait des plats succulents tout juste pour les
admirer et les ranger.
La liberté de la presse aura peu d’influence positive sur le processus démocratique sans une
réelle participation de l’opinion publique. Sans sève pas d’arbre.
L’Indépendant n°3 du 17 août 1993