Société

Médias: “Il n’y aura jamais une presse indépendante sans un public désireux de l’aider…” Norbert Zongo

Nous vous proposons l’éditorial du 28 décembre 1993 de Norbert Zongo, fondateur du journal L’Indépendant, assassiné le13 décembre 1998 sur l’indépendance de la presse.

En toute indépendance 1

« Nous voulons une Presse plus responsable ! ». Une si honorable quête. Mais qu’est-ce qu’une
presse responsable dans nos pays ?
Il y a sans doute plusieurs réponses à cette question. Selon la sensibilité des uns et des autres.
Selon leur degré de compréhension, selon leur culture, leur option politique.
Qu’est-ce qu’une Presse responsable si son public ne lui reconnaît aucune responsabilité ; pire,
si son public lui-même ne veut assumer aucune responsabilité ? La Presse tire sa force, sa
responsabilité, sa respectabilité, du public, nous ne cesserons jamais de le répéter. Ce n’est pas
le Washington Post qui a fait démissionner le président Nixon, mais la réprobation de son
public à la publication des malversations et des fraudes commises par le président. La Presse
n’a de pouvoir que celui que lui confère son public.
La Presse de nos Etats, à l’heure des processus démocratiques, ne souffre pas seulement du
manque de soutien de la part du public – elle pourrait même s’en passer – mais surtout de
l’indifférence de ce public par rapport aux questions abordées. Vouloir donc une Presse plus
responsable, c’est vouloir un public plus responsable, avec une conscience collective plus aiguë,
plus prononcée.
Sinon à quoi lui servirait la responsabilité de la Presse ? Qu’apporterait-elle à la société ?
La Presse sous tous les cieux, est un faiseur d’opinions. Mais une fois ces opinions faites, à quoi
servent-elles, dans un pays comme le Burkina ? Parfois à alimenter des commentaires dans des
débits de boisson. Car très souvent, pour être optimiste, le public ne tient aucunement compte
de l’opinion qu’il s’est fait à la lecture des journaux.
Par exemple : la Presse – responsable – dénonce les magouilles ou les détournements d’un
responsable politique. La réprobation du public est du bout des lèvres. C’est avec le journal en
poche que certains aborderont cet homme pour le complimenter et même prendre à partie le «
torchon » ou le « tract » du vulgaire scribouillard qu’est le journaliste.
Au seuil de cette année, qui annonce sans doute de rudes batailles pour la Presse,
L’Indépendant formule le vœu d’avoir un public plus responsable, capable de galvaniser ses
efforts et de soutenir ses faiblesses.
Il n’y aura jamais une presse indépendante sans un public désireux de l’aider à faire changer les
choses.


Nous réitérons notre serment : L’Indépendant sera indépendant ou ne sera pas.

L’Indépendant n°22 du 28 décembre 1993

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