Hymnes à la paix dans le monde : « de vaines incantations sans respect des droits humains »
Le mardi 10 décembre 2024, la Déclaration universelle des droits de l’Homme a eu soixante-seize (76) ans. Cet anniversaire a été placé sous le thème « Nos droits, notre avenir, maintenant » par l’Organisation des Nations-Unies (ONU). Au Burkina Faso, l’évènement sera commémoré le jeudi 12 décembre 2024 au Centre national Paul-Zoungranapar la Commission nationale des droits humains (CNDH) en collaboration avec le bureau national du Haut-commissariat des Nations-Unies aux droits de l’Homme (HCDH) au Burkina Faso et la Délégation de l’Union européenne. Cette commémoration « vise à souligner l’importance des droits de l’homme et la protection de l’espace civique afin de contribuer à la construction d’un avenir meilleur. » Il nous a donc semblé opportun d’apporter notre part decompréhension et de conviction sur ce que les différents sujets du droit international devraient adopter comme position et comportement en vue d’un exercice effectif des droits humains par tous pour un monde pacifique, prélude à un monde paisible.
Printemps des extrêmes au sein des politiques et des religieux à l’échelle mondiale, impuissance des organisations internationales et régionales à faire appliquer par les Etats les règles de droit qu’ils ont souverainement adoptées, exacerbation des tensions commerciales et diplomatiques entre les différences puissances mondiales, velléités hégémoniques des puissances régionales, résistances des pays dits en développement face à la volonté (affirmée ou subtile) de domination des puissantes entités politiques de rang planétaire, etc. C’est hélas un des visages que présente le monde en cette troisième décennie du 3e millénaire.
Dans un tel contexte, les valeurs fondatrices des Nations-Unies que sont la paix, la justice, le respect, les droits humains, la tolérance et la solidarité et que les Etats membres disent épouser sont ou omises, ou ignorées, ou enfin à géométrie variable en fonction des intérêts des Etats ou des gouvernements du moment qui représentent ces Etats.
La légalité et la légitimité, deux concepts à ne pas confondre !
De ce contexte découle la conception erronée qui fait, dans bien des cas, de la légalité un mot synonyme de la légitimité. Or, la légalité est un concept aux contours sémantiques bien plus restreints et plus étroits que la légitimité en ce qu’ellecaractérise ce qui est seulement conforme à la loi ; tandis que la légitimité inclut dans son domaine de définition la justesse, la justice sociale, l’équité ou l’égalité. Plus simplement, on peut dire que la légalité renvoie au droit écrit, au droit positif et la légitimité est arrimée à la qualité de ce qui est juste et moral. Il convient de relever également que la légalité est le reflet des rapports de forces dans l’arène sociale oùs’empoignent les individus et les groupes d’individus. Les textes législatifs, règlementaires et administratifs qui régissent la vie des sociétés sont l’expression de ces forces. C’est pourquoi ils sont temporellement déterminés : soit parce que la collectivité a subi des mutations et il devient impératif de les adapter aux nouvelles réalités sociales ou de les abroger purement et simplement ; soit du fait des changements de grande ampleur au niveau institutionnel des Etats. Par contre l’est moins la légitimité qui est arrimée aux valeurs morales (d’équité, d’égalité, de justesse) moins sujettes aux conséquences des vicissitudes de la vie sociale.
Rapporté à la conjoncture mondiale actuelle, le constat est que si certains peuples ont fait le choix des extrêmes en élisant en conséquence des dirigeants susceptibles d’incarner leur vision du monde et de répondre à leurs besoins existentiels, d’autres ont adoubé des gouvernants de fait ayant plus ou moins (et parfois plus que moins) ce type d’orientation politique et diplomatique. Une telle donne déroute les autres sujets du droit international que sont les organisations internationales (ou intergouvernementales) dont l’ONU est la tête de proue. De même, le respect des droits humains est à maints égards dans le creux de la vague.
L’ONU, fruit des leçons tirées de la 2de guerre mondiale
En effet, tirant les leçons des causes et des conséquences de la 2de guerre mondiale, le préambule de la charte de l’ONU adoptée le 26 juin 1945 souligne que les Etats membres sont « Résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances, à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites, à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international, à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande. »
A cette fin, les Etats membres s’engagent « à pratiquer la tolérance, à vivre en paix l’un avec l’autre dans un esprit de bon voisinage, à unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales, à accepter des principes et instituer des méthodes garantissant qu’il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l’intérêt commun, à recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et social de tous les peuples. »
Des résolutions toujours pertinentes mais foulées royalement au pied par les Etats
Aujourd’hui plus qu’hier ces résolutions et ces engagements sont d’une pertinence indiscutable. Mais suffisent-ils aux textes d’être bien à propos pour produire des effets positifs dans les faits ? Evidemment que non puisque la condition sine qua non est qu’ils soient appliqués ! Et encore faut-il que les gouvernants et les peuples qu’ils représentent veuillent bien le faire. Ce n’est pas le cas de nos jours où nombre de ces derniers sont plus dans la logique des casus belli (cas de guerre) que dans celle des casus pacis (chance ou cas de paix). En ayant ainsi peu d’égards pour les chartes, les conventions, les traités et autres pactes qu’ils ont eux-mêmes approuvéssans contrainte, les peuples et leurs dirigeants contribuent ainsi à faire de sorte que les droits humains et les relations internationales sont de plus en plus régies par des décisions de fait et non par le droit international.
La question qui en découle est la suivante : les humains sont-ils réellement dans une perspective de construction de la paix qui ne soit pas celle du plus fort mais la résultante de l’acceptation et de la mise en œuvre par tous les Etats des règles de droit internationales ? Assurément non ! Pourtant, que d’éloges, de cantiques et d’odes à la paix qui, cependant, ne peut être effective sans le respect du droit international, des droits humains et de certaines valeurs humaines atemporellescomme le bien, le vrai, l’équitable…
Des refus délibérés de respecter ou de faire respecter le droit international
Tout se passe comme si les peuples et leurs dirigeants se mentaient à eux-mêmes et qu’ils n’ont pas suffisamment tiré leçon des errements qui ont conduit leurs devanciers et les populations du globe dans les horreurs innommables des 1re et 2de guerres mondiales. Même les Romains qui vouaient un culte divin à la force à travers les excursions guerrières de grande ampleur disaient ceci : « Fortitudo pacis in soliditatenexuum cum lege consistit ». Autrement dit, « La force de la paix réside dans la solidité de ses liens avec le droit ».
C’est dire qu’à moins de vouloir imposer une paix à géométrie variable au service de motivations contraires à celles de l’humanité dans son ensemble, les dirigeants du monde, à commencer par les plus puissants, qui se plaisent à dispenser çà et là des leçons en matière de respect des droits humains, doivent apporter la preuve que leur observation de ces droits n’est pas tributaire de leurs intérêts exclusifs nationaux ou particuliers mais s’inscrit dans l’impératif d’apporter un supplément d’âme dans la vie d’un monde sujet à une croissance tendancielle accélérée de la loi de la force au détriment de la force de la loi ; qu’en plus de cela, ils s’interdisent de protéger des Etats ou des gouvernants ayant peu de considération pour le droit international et/ou leurs propres législations nationales.
L’exemplarité doit venir d’abord des plus vieux Etats-nations démocratiques occidentaux
En cela, l’exemple devrait d’abord venir des vieilles démocraties occidentales à travers les corrections des injustices criardes dont regorge la gestion des affaires de ce monde : iniquité des termes de l’échange, quasi-asservissement de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) par quelques pays, non-respect des résolutions de l’ONU et des autres règles de droit international ; lesquellesrègles ont pourtant un caractère général, abstrait et obligatoireet une finalité sociale reconnus par tous les Etats et indiquentce qui doit être fait dans telle ou telle situation donnée. Cela n’est qu’un ordre de préséance qui ne signifie pas que les autres pays en sont dispensés puisqu’eux aussi peuvent, conformément à l’adage selon lequel pour les âmes bien néesla valeur n’attend point le nombre des années, être des spécimens respectables sur le plan de la gouvernance démocratique de leurs peuples.
C’est pourquoi, même les plus optimistes des analystes semblent désespérer de cet état de fait en attendant que l’avenir démontre le contraire. Autant la paix est une nécessité pour l’humanité, autant elle ne peut pas faire bon ménage avec les libertés que certains pays, certaines firmes internationales, certaines organisations internationales et certains gouvernants prennent vis-à-vis des règles du droit international. Le degré d’adéquation entre ce que disent les textes auxquels on a souscrit et/ou les valeurs sociétales d’une part et d’autre part ce que l’on fait dans la pratique nous semble être le seul élément révélateur de la sincérité des dirigeants et des peuples concernant leur volonté réelle d’œuvrer pour la consolidationde la paix sans laquelle tôt ou tard nous périrons tous et sans exception !
Les discours de célébration de l’importance des droits humains et de la paix sont, par voie de conséquence, autant d’inutiles divagations intellectuelles si les valeurs humaines que sont censées charrier ou renfermer les règles (internationales ou nationales) de droit ne sont pas traduites dans les faits.
Dawelg Naaba Boalga
Issaka SOURWEMA