Burkina Faso : l’ancien président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé poursuivi par la justice
Le Procureur du Faso près le tribunal de Grande instance Ouaga 1 a animé une conférence de presse ce vendredi 10 janvier 25 portant sur plusieurs dossiers. L’ancien président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé est poursuivi pour détournement de deniers publics, enrichissement illicite etc. L’intégralité de la déclaration dans le document ci-dessous.
À l’entame de cette nouvelle année, je présente mes meilleurs vœux à chacun de vous et à l’ensemble du peuple burkinabè. Que la grâce et la bénédiction de Dieu demeurent sur vous et vos proches tout au long de cette nouvelle année. Que Dieu vous garde et vous protège. Que sa paix, son amour et sa joie demeurent en nous.
Le 08 novembre 2024, je vous avais conviés dans cette même salle pour vous entretenir sur deux affaires en cours, en l’occurrence les affaires TIEGNAN Amidou et autres et KINDA. Par cette même occasion, je vous annonçais la tenue de session de jugement du pôle économique et financier de notre tribunal.
Ledit pôle a effectivement tenu deux sessions de jugement d’affaires relevant de sa compétence courant les mois de novembre et décembre 2024 au cours desquelles vingt-deux (22) dossiers ont été inscrits au rôle et impliquant cent dix-sept (117) prévenus.
A l’issue de ces sessions, le tribunal a pu juger cinquante-trois (53) personnes impliquées dans douze (12) dossiers, pour les infractions de détournement de deniers publics, d’enrichissement illicite, de faux et d’usage de faux en écriture publique, de blanchiment de capitaux, d’acceptation de cadeau indu, de surfacturation, de favoritisme, d’abus de fonction, de corruption dans la commande publique, de fraude douanière et fiscale, d’escroquerie, d’abus de confiance, de trafic de stupéfiant. Les autres dossiers ayant été renvoyés pour divers motifs.
Les peines d’emprisonnement prononcées au cours de ces sessions vont de douze (12) mois assortis de sursis à quinze (15) ans fermes. Les peines d’amendes cumulées prononcées au profit du trésor public, s’élèvent à environ sept milliards (7 000 000 000) de francs CFA, sans préjudice des dommages et intérêts accordés à l’État.
Au nombre des dossiers jugés, celui dit de l’affaire ministère public contre TIEGNAN Amidou et trois autres retient particulièrement l’attention. En effet, pour la première fois, notre juridiction a autorisé une retransmission d’un procès en direct de la télévision nationale. Au-delà du respect du principe de la publicité de l’audience correctionnelle, cette retransmission visait à permettre au peuple burkinabè d’être témoin des débats judiciaires et d’être interpellé sur la nécessité pour tous de veiller au respect des biens publics surtout en ces moments difficiles d’insécurité et de rareté de ressources.
Relativement audit dossier, il convient de préciser qu’au regard des éléments de l’enquête et de la nécessité d’allier les impératifs de célérité et d’exhaustivité, les poursuites ont été scindées en deux. C’est donc la première partie qui a été jugée suivant la procédure de flagrant délit et qui a abouti à la décision de condamnation du sieur TIEGNAN et à trois autres à des peines qui ont été rendues publiques. La deuxième partie des poursuites a été déférée par un réquisitoire introductif en date du 21 novembre 2024 au cabinet du doyen des juges d’instruction du pôle ECOFI du TGI Ouaga I et concerne l’ensemble des faits qui n’ont pas été pris en compte dans le dossier de flagrant délit. Ainsi, le sieur YE Yaké Camille et toutes les autres personnes impliquées dans l’affaire, citées ou non au cours du procès, sont également visées par cette procédure déjà pendante devant le juge d’instruction.
Mon parquet est en outre activement mobilisé dans le dénouement d’autres affaires d’importance nationale telles l’affaire dite « Stade du 4 août ».
En effet, s’agissant de l’affaire dite « stade du 4 août », il faut noter que par Soit-Transmis en date du 23 mars 2022, le parquet instruisait le Groupement de Gendarmerie Départementale de Ouagadougou, d’ouvrir une enquête pénale sur des suspicions de surfacturation, de conflit d’intérêt et toutes autres infractions dans le cadre de l’attribution et de l’exécution du marché de réhabilitation du stade du 4 août de Ouagadougou.
Pour mener à bien l’enquête, une équipe a été constituée et le concours d’experts et de certaines structures a été demandé telle que l’Autorité Supérieure de Contrôle d’État et de Lutte contre la Corruption (ASCE-LC). Les investigations ont établi des irrégularités dans la passation du marché relatif à la réhabilitation du Stade du 4 Août au profit du groupement SIFA SA, AL MOUNIA et TRUVA INSAAT.
Au regard des résultats des investigations, une information a été ouverte et l’instruction est en cours au cabinet du doyen des juges d’instruction du pôle ECOFI du TGI Ouaga I. Quatre personnes physiques à savoir OUEDRAOGO Abdoul Ajusso, Directeur des Marchés Publics (DMP) du ministère des sports de la jeunesse et de l’emploi au moment des faits, TRAORE Gni Maimouna, gérante de la société AL-MOUNIA SARL, KAGAMBEGA Éric et NANA Dominique Marie André et deux personnes morales ont été formellement mises en examen pour des faits de fraude à la commande publique, surfacturation, faux en écriture. Elles attendent d’être interrogées au fond et au regard des déclarations déjà faites, d’autres personnes pourraient être impliquées judiciairement.
Mon parquet a également saisi par réquisitoire introductif en date du 08 décembre 2023, le cabinet d’instruction n°01, aux fins d’instruire sur des faits de détournement de deniers publics, d’octroi d’avantages injustifiés, et de blanchiment de capitaux contre l’ancien président de l’Assemblée nationale, Alassane BALA SAKANDE et cinq (5) autres personnes.
Il leur est essentiellement reproché, d’avoir, par des manœuvres, procédé à la conclusion de marchés publics par entente directe, sans respect de la mercuriale des prix, à des fins déguisées de détournements de deniers publics et d’enrichissement illicite. Il est également reproché à l’ancien président de l’Assemblée Nationale, des faits de distribution injustifiée d’argent à des tiers sur les fonds alloués à l’institution.
Le principal mis en cause, Alassane BALA SAKANDA étant actuellement hors du territoire national pour des raisons prétendues de soins médicaux, les dispositions nécessaires sont entrain d’être prises pour qu’il soit présenté au juge pour la suite de l’instruction. Mais d’ores et déjà, par commission rogatoire, une enquête de patrimoine est actuellement en cours, laquelle a permis l’identification et la saisie d’importants biens à Ouagadougou, Bobo Dioulasso, Yako, Ouahigouya, Manga, Banfora et Koudougou.
C’est le lieu pour moi de réaffirmer que le pôle judiciaire ECOFI est activement engagé dans la lutte contre la délinquance économique et financière et entend, avec les moyens dont il dispose, intensifier la répression dans le strict respect des textes.
Le mardi 07 janvier 2025, mon parquet, comme beaucoup de nos compatriotes a appris par voie de presse en ligne “Libreinfo”, des faits de viol commis dans l’enceinte de CHU Yalgado. Le même jour, la Brigade Territoriale de gendarmerie de Ouagadougou a été instruite de vérifier les faits et diligenter une enquête. Dans ses vérifications, il est ressorti que la victime avait déjà saisi la Brigade Ville de Nongremassoum, des faits survenus dans la matinée du dimanche 05/01/2025 vers 10 heures au Bloc des urgences de l’hôpital. La victime assistait son époux hospitalisé qui a malheureusement succombé de sa maladie le même jour. Une réquisition à personne qualifiée faite par cette unité lui a permis d’être prise en charge par un gynécologue. Le mis en cause a été déjà identifié et s’agirait d’un infirmier en service à l’Unité des Urgences Médicales du CHU Yalgado OUEDRAOGO. L’enquête est en cours et à l’issue, il sera déféré pour qu’il réponde de ses faits.
Près de 2000 dossiers de Citation directe ou de Flagrant délit attendent d’être jugés. Pour diverses raisons ces dossiers ne sont pas jugés. Certains de ces dossiers datent de plus de 10 ans. En raison de ce nombre important de dossiers, les juges montent aux audiences avec en moyenne 60 dossiers.
Pour pallier ce problème, les acteurs judiciaires en concertation avec le ministère en charge de la justice, organisent une opération spéciale dénommée casiers vides pour évacuer l’ensemble de ce passif. Ainsi, des audiences délocalisées se tiendront du 20 au 30 janvier 2025. Elles se dérouleront à juge unique dans diverses salles des mairies d’arrondissement de notre ressort, au CES, ou dans des salles d’audience de certaines juridictions sœurs. Les populations (ceux qui ont des dossiers) sont donc invitées à consulter les listes qui seront affichées dans les différents arrondissements, au palais de justice, ou ministère en charge de la justice ou sur le site du ministère.
Cette pratique se poursuivra par la suite pour épuiser le stock de dossiers en attente. La délocalisation a essentiellement pour but de rapprocher la justice du justiciable et de remplir sa fonction pédagogique.
Nous disons merci au ministre en charge de la Justice, aux différents présidents des délégations spéciales et autres partenaires du ministère qui ont pris sur eux de nous accompagner dans cette dynamique.
Je saisis cette occasion pour renouveler mes remerciements à tous les acteurs de la chaine pénale qui, malgré la modicité des moyens, essaient de se donner au maximum pour atteindre les objectifs d’une justice efficace, de célérité, juste et proche du peuple.
Merci encore pour votre présence au sein de notre Tribunal ce matin.
Que Dieu bénisse le Burkina.
Fait au Parquet de Ouaga I, le 10 janvier 2025
Le Procureur du Faso
Blaise B. Bazié