Société

72h du lait local : A cœur ouvert avec des producteurs du kossam*

S’il y a un évènement qui a réussi à entrer dans les annales de la promotion des produits locaux, c’est bien les 72h du lait local, une initiative de l’UMPL/B (Union nationale des mini laiteries et producteurs de lait local au Burkina). La 6e édition qui a pris fin le samedi 24 octobre 2020 nous a permis de mieux connaître le travail des producteurs et les difficultés qu’ils vivent au quotidien. Cette foire a eu lieu au Centre d’évaluation et de formation professionnelle de Ouagadougou (CEFPO). Elle a réuni les 70 mini laiteries membres de l’Union.

LIRE AUSSI Valorisation des produits de l’UEMOA : C’est parti pour le « Mois du consommer local »

A ces journées du lait local, la parenté à plaisanterie s’est invitée sur l’aire d’exposition des produits laitiers. En effet, cette pratique sociale caractérisée par des taquineries par le biais d’affrontements verbaux a permis à une Yarga, votre modeste reporter, de décrisper l’atmosphère dans les stands d’exposition et de mettre en confiance ces exposants, en grande majorité des Peuls, venus des quatre coins du Burkina Faso pour faire connaître le lait local et ses dérivés. L’astuce ainsi trouvé, c’est avec plaisir que certains producteurs de la communauté peule nous ont embarqués dans leur univers pour nous conter les merveilles du kossam, lait en fulfuldé.

Kadidjatou Diallo intervient dans la collecte de lait

Originaire de Banfora, la famille de Kadidjatou Diallo intervient à trois niveaux dans la promotion des produits laitiers : la collecte, la transformation et la commercialisation. Ce ménage dispose d’un troupeau de quarante bœufs dont 15 vaches laitières. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la maisonnée est au petit soin pour ces mammifères qui ont mis bas et produisent suffisamment de lait pour la commercialisation. « Elles sont nourries de manière particulière et elles ne vont pas au champ », nous a expliqués la mamie de la famille Diallo, dans un mooré approximatif. Nous avons néanmoins pu comprendre les difficultés que cette famille rencontre dans son activité d’élevage. Il s’agit de la non disponibilité des aliments à bétail, du manque d’enclos adéquats et de la rareté des lieux de pâturage. Sans manquer de nous taquiner au détour d’une phrase, la  vieille  Diallo nous a fait savoir qu’après avoir trait le lait, les unités de collecte le livrent aux différentes laiteries qui se chargent alors de la transformation.  

Abdoul Aziz Maïga parle de son expérience en matière de vaches laitières

Et comme l’a déclaré le président de la Fédération des éleveurs du Burkina, Boureima Diallo, le kossam offre plusieurs possibilités. En effet, on y tire le beurre, le lait caillé, la crème, le yaourt, pour ne citer que ces produits-là. « Avant de procéder à la transformation, nous testons d’abord le lait. S’il n’est pas de bonne qualité, on le restitue à la structure de collecte car c’est un produit très sensible », a indiqué Abdoul Aziz Maïga, représentant la structure Kossam Barkindam, une laiterie basée à Djibo. De ce que nous avons compris, la transformation du lait en yaourt suit plusieurs étapes qui sont : la pasteurisation, le refroidissement, l’ensemencement et la fermentation qui peut durer sept heures. Viennent  enfin le conditionnement et le stockage du produit fini. « Notre principale difficulté concerne l’écoulement. Parfois, l’offre dépasse la demande », a souligné notre interlocuteur qui aurait également voulu travailler avec le lait des vaches de races importées.  Le goût de leur lait est meilleur, selon lui. Malheureusement, ces espèces coûtent extrêmement cher. « Pour avoir une bonne vache qui peut fournir entre 10 à 20 litres de lait, ce n’est pas moins de deux millions qu’il faut débourser, sans compter son alimentation. Les espèces locales produisent 3 à 4 litres par trait, deux fois par jour », dixit Abdoul Aziz Maïga.

Quand le terrorisme met son grain de sable dans la machine de production du lait local !

Le beurre tiré du lait permet également de fabriquer du savon. C’est la spécialité d’Aïssata Diallo. Membre de l’Association pour la promotion de l’élevage au Sahel et en Savane, cette native de Ouahigouya arrive difficilement à se procurer la matière première depuis la récurrence des attaques terroristes au Burkina. « Avant, il n’y avait pas de problème. Mais depuis l’avènement du terrorisme, il faut qu’on aille vers les laiteries de Banfora pour en trouver et c’est extrêmement cher », a expliqué celle qui n’a pas pu vendre la moitié de son stock en 72 heures d’exposition-vente au Centre d’évaluation et de formation professionnelle de Ouagadougou (CEFPO).

Hazara Toé est la promotrice de Café Rio, une laiterie basée à Bobo Dioulasso

Cette indisponibilité de la matière première a poussé Hazara Toé, la promotrice de Café Rio, une laiterie basée à Bobo-Dioulasso, à installer une unité de collecte dans celle-ci. A l’en croire, cette situation pousse certaines structures qui ne veulent pas fermer boutique à avoir recours au lait importé. « Pendant la période chaude de l’année, c’est très difficile d’avoir le lait local. Et même si on en trouve, c’est très cher… sinon nous savons très bien que le lait local est le meilleur  ». Quant à savoir si le lait importé est soit pourri ou d’origine végétale, le président de la Fédération des éleveurs du Burkina, Boureima Diallo, n’est pas entré dans les détails. Néanmoins, il a été catégorique : « Depuis la nuit des temps, nous, éleveurs et transformateurs burkinabè, avons toujours dit que le lait qui vient de l’Europe est de mauvaise qualité. Comparé au lait local, il n’y a pas match ».

Zalissa Soré

*Kossam: lait, en fulfuldé, la langue peule

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page