Société

Livraison de repas : La tendance du moment

Vous êtes au bureau ou dans votre échoppe. Il est midi et vous avez un petit creux mais vous n’avez pas le temps d’aller vous restaurer. Pas de panique : « Si la montagne ne va pas à Mahomet, Mahomet ira à la montagne ». Un petit coup de fil et vous êtes servis. Telle est la tendance du moment. Des restauratrices comme Mamounata Sinaré l’ont très bien compris et en profitent pour faire de bonnes affaires.

Si certains travailleurs préfèrent prendre leurs habitudes dans les kiosques et autres gargotes du coin, d’autres, quant à eux, sont plus exigeants. Le moins que l’on puisse dire c’est que la patronne du restaurant « Maman 2000 », que nous avons rencontrée le jeudi 5 novembre 2020, en est consciente.

Fière de tout ce qu’elle a pu accomplir jusque-là, cette mère de famille doit, selon elle, sa réussite à une seule chose : le fait d’être permanemment à l’écoute de sa clientèle. « C’est de cette manière que je suis arrivée à diversifier mon activité », clame-t-elle.

Mamounata Sinaré, surnommée affectueusement Ouaga 2000 paaga, parle de son restaurant

Installée depuis près de quatre ans non loin du siège de la LONAB, à quelques encablures du grand marché de Ouagadougou, dans un local exigu et caché au fin fond d’une cour, dame Sinaré se contentait de servir les clients qui se déplaçaient dans sa « taverne ». A l’époque, cette femme au caractère bien trempé n’avait que quatre employées. Mais compte tenu de leurs contraintes, des commerçants lui ont soufflé l’idée d’employer plus de personnes pour livrer des plats conditionnés dans des kits. « En y réfléchissant, j’ai réalisé que certains sont seuls dans leur boutique et le fait de fermer un moment pour aller déjeuner ne les enchantait guère », nous a expliqué celle que l’on appelle affectueusement Maman Ouaga 2000. Ainsi, ce qui n’était qu’une simple suggestion a fini par prendre forme. Mamounata Sinaré a effectivement augmenté ses effectifs, si bien qu’elle compte aujourd’hui presqu’une quinzaine d’employées : quatre femmes qui font la cuisine et neuf filles pour la livraison.

Par jour, le restaurant utilise trois paquets de kits à raison de 100 kits par paquet

Désormais, son établissement sert le repas deux fois par jour. « Nous sommes ici dès les premières lueurs du jour. On commence par préparer le riz au soumbala et la soupe. A partir de 8h c’est prêt et on peut recevoir les premiers clients », nous a-t-elle expliqué. Si certains préfèrent manger sur place, d’autres attendent sagement le passage des livreuses.

Au même moment, les cheffes cuisinières remettent la marmite au feu et c’est reparti pour un tour !

Dans cette petite communauté de femmes et de jeunes filles, l’ambiance est bon enfant. En même temps que les unes et les autres s’attèlent à la tâche, les discussions vont bon train. On note quelques fois des prises de bec, on se crie dessus mais jamais rien de bien méchant. Ces petites incartades peuvent être mises sur le dos de la pression.

En effet, à partir de 11h, tout le monde doit filer droit. Dans le cas contraire, il faut compter sur la patronne pour remettre chacun dans le droit chemin. Du peu que nous avons pu voir, elle sait, avec une voix imposante, ramener à l’ordre ceux ou celles qui sont tentés de dépasser les bornes. Si elle agit ainsi, c’est pour éviter de décevoir la clientèle. « C’est grâce à eux si je suis à ce niveau aujourd’hui », lance-t-elle avec un air de reconnaissance.

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Pendant que certaines sont toujours en cuisine, d’autres conditionnent les différentes sauces et la maîtresse des lieux elle-même sert le riz dans les kits. Celles qui sont chargées de la livraison s’occupent de bien attacher les kits et de prendre le nombre de plats dont elles ont besoin. « Par jour, nous utilisons trois paquets de kits à raison de 100 kits par paquet. On prépare chaque midi trois marmites N°30 », déclare celle qu’employés et clients ont surnommé également Ouaga 2000 paaga (la femme de Ouaga 2000).

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En apercevant les kits, une cliente demande immédiatement si elle peut désormais être livrée : « Je travaille dans une entreprise non loin d’ici. Est-ce possible ? » Très rapidement, dame Sinaré lui donne sa carte en disant : « Quel est le nom de la société ? N’hésitez pas à nous appeler et on vous fera venir le repas ».

Edouard Tapsoba, commerçant à rood-woko, nous dit pourquoi il préfère les repas en kit

Lobs numérique · Edouard Tapsoba

Pendant ce temps, Salif Birba et Abdoul-Aziz Sana attendaient de se faire servir. Interrogés, les deux jeunes qui gèrent un magasin de pièces détachées diront : « Nous on mange ici matin, midi, soir ». Pressés de regagner leur boutique, ils n’en diront pas plus. Et avant même que les filles n’aillent chacune de son côté pour la livraison, le restaurant était noir de monde, si bien qu’on avait l’impression que c’est tout rood-woko (le grand marché) qui mange à la table de Mamounata Sinaré, cette mère de deux enfants (un garçon de 21 ans et une fille de 11 ans) que rien ne prédestinait à ce métier car, son mari, commerçant de profession, était opposé au fait qu’elle mène une quelconque activité. « Le matin, dès qu’il vaquait à ses occupations, je sortais à mon tour. A l’époque, je travaillais avec mon frère. Voyant ma détermination, mon zak-soaba (mari) m’a trouvé ce local », dixit celle qui a toujours le sens de la repartie.

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Harouna Pascal Donéssouné, un des fidèles clients de dame Sinaré

Aujourd’hui, le restaurant fait office de service traiteur. Toujours à la demande des clients, il prépare des menus pour des évènements comme les baptêmes, mariages, etc. En plus aussi de rood-woko et ses environs, Maman 2000 livre des plats jusqu’au marché de Sankaryaaré et au 10 yaar. Ce qui constitue une aubaine pour ceux qui sont dans l’incapacité de rentrer chez eux à midi, soit par manque de temps, soit à cause du coût du carburant ou tout simplement parce que la tâche peut s’avérer exténuante, comme l’a indiqué Harouna Pascal Donéssouné.

Quant à Edouard Tapsoba, commerçant à rood-woko depuis juin 1982, ce concept lui rend la tâche plus facile. « Quand j’ai commencé à travailler ici, je ne rentrais pas expressément à midi pour le déjeuner mais j’avais un planning qui me permettait de finir tôt. Mais après 91 mon programme a été chamboulé. J’ai repris les études universitaires, si bien que je n’étais plus libre avant la tombée de la nuit », nous a expliqué le cinquantenaire, ajoutant qu’à l’époque il n’y avait pas beaucoup de kiosques dans les parages. « Par souci d’hygiène, j’avais un plat au service et quand il était midi, on allait acheter le repas pour venir manger. On a toujours peur que les assiettes des vendeuses ne soient pas aussi propres qu’on le voudrait », a souligné notre interlocuteur, convaincu qu’avec les kits, ce problème est résolu.

Zalissa Soré

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