Restauration en temps de carême : « Nous visons les non-musulmans et les personnes exemptées du jeûne »
Aujourd’hui, lundi 19 avril 2021, Mamounata Sinaré, alias maman Ouaga 2000, ne semble pas avoir sa prestance habituelle. C’est avec une mine un peu grise qu’elle nous a accueillis dans son restaurant.
Cela est certainement dû au poids du jeûne qui a lieu en cette période de forte chaleur. Mais contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, dès qu’on l’aborde, on se rend compte que sa bonne humeur demeure sans égale, elle qui a toujours la réplique parfaite pour ambiancer sa clientèle actuellement en chute libre.
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En effet, en temps normal, à partir de 11h, ce restaurant, même s’il est un peu exigu, grouille déjà de monde. Mais avec le jeûne, quatrième pilier de l’islam, les clients peuvent être comptés sur les doigts d’une main. A peine trois personnes sont effectivement occupées à se restaurer. Ce qui est tout à fait logique compte-tenu de la localisation de ce restau situé non loin du siège de la LONAB, à une encablure du grand marché de Ouagadougou. Autrement dit une zone où grouillent de très nombreux mahometans.
Mamounata Sinaré, alias maman Ouaga 2000
Mais contrairement à plusieurs autres établissements qui essaient de s’adapter, préférant changer et le menu et l’heure du service, Mamounata Sinaré, elle, a opté pour une autre méthode : « Chaque année, en période de jeûne, on réduit le nombre de plats. Habituellement, on prépare deux grosses marmites de 30 kg, plus une autre de 15 kg et un peu de riz gras. Actuellement on fait une seule marmite de 30 kg ».
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A l’heure actuelle, son commerce vise une certaine catégorie de clients : il s’agit des personnes dispensées du jeûne, notamment les vieux et celles qui sont malades, entre autres. « Il y aussi les non musulmans qui travaillent dans les services environnants. Nous prenons leurs commandes et nous préparons les kits pour leur livrer le repas », a-t-elle expliqué.
A la question de savoir pourquoi elle ne cuisine pas pour la rupture, dame Sinaré a indiqué qu’elle préfère rentrer tôt pour s’occuper de sa famille. A son avis, il y a plus de mérite à cuisiner pour la rupture des gens de sa maison plutôt qu’à travailler jusqu’à la tombée de la nuit. « Nous avons plus besoin des bénédictions de nos époux », a-t-elle estimé.
Parmi les rares clients présents figure Mahamadi Ouédraogo. Arrivé fraîchement de Ouahigouya, il affirme respecter scrupuleusement ce quatrième pilier de l’islam. Mais compte tenu du déplacement qu’il doit effectuer, il a décidé de s’en abstenir, surtout que la loi musulmane permet à ceux qui doivent parcourir une longue distance de ne pas jeûner. Commerçant de pièces détachées, il doit en effet reprendre le bus ce jour même pour regagner sa terre natale située à près de 200 kilomètres (soit environ 3 heures de route) de la première ville du pays.
Habituellement, il vient une fois par semaine, le lundi de préférence, dans la capitale pour s’approvisionner en marchandises. Mais depuis le début du jeûne, le marché n’étant pas, selon lui, très florissant, il fait désormais le déplacement tous les quatorze jours. Et même s’il ne réside pas à Ouaga, Mahamadi Ouédraogo a pris ses habitudes dans ce restaurant et il est bien content qu’il soit toujours ouvert en ce mois de Ramadan où il est souvent difficile de dénicher un coin pour déjeuner. « Dès que j’arrive chez moi, je vais me remettre au jeûne », a-t-il indiqué, précisant que ces jours de voyage seront comptabilisés comme des crédits qu’il devra payer après ce mois béni.
Souffrant d’ulcères d’estomac, Aboubacar Kaboré s’est lui aussi abstenu de jeûner aujourd’hui. Tenant un magasin de marchandises diverses, il s’est également réjoui de constater que le restaurant de maman Ouaga 2000 est toujours ouvert à l’heure du déjeuner. « La plupart des kiosques sont fermés à midi. Ce n’est pas toujours facile », a-t-il déclaré tout en dévorant avec appétit son plat de riz sauce arachide, l’une des spécialités de la maison.
Zalissa Soré