Musique : quand Smarty n’a « Rien à prouver » mais crée le buzz
Il voulait par un clip, annoncer l’«Odyssée », son prochain album. Finalement, Smarty a créé le buzz avec « Rien à prouver (R.A.P.)”, ce single à travers lequel l’artiste livre une part de son intimité, les difficultés liées à sa carrière mais aussi les moments de joie et de bonheur partagés durant tout son parcours. Du buzz car des artistes et pas des moindres se sont vite sentis indexés par le rappeur comme étant dans les bonnes grâces de la présidence de la république. Nathanaël Minoungou et Don Sharp de Batoro se sont-ils sentis morveux ? Sans doute, car les deux slameurs sont vite sortis du silence, enflammant du même coup la toile.
Dans un sombre couloir, marche un homme à l’accoutrement d’un religieux à qui l’on prête une voix des plus rauques et qui s’adresse à un prisonnier en ces termes : « Mon fils, le monde est contrôlé par le bien et le mal. Quel a été ton choix ? As-tu fais le choix de la prison humaine ou la liberté du monde des esprits ? Le retour n’est plus possible, le passé est déjà loin. Pardonne, tolères-toi. Fais le bilan. Mais vas vers la lumière. Bois avec l’ennemi. Ries avec le traître. Tu n’as qu’une seule issue. Faire la paix avec toi-même. Maintenant qu’as-tu à dire au monde qu’il ne sait déjà.»
Ce n’est pas le prologue d’un film biopic mais c’est tout comme dans ‘’Rien à prouver’’, ce clip précurseur d’un prochain album de Louis Salif Kiekieta alias Smarty. La suite du texte en dit long. Et le moins que le puisse dire, pour paraphraser une animatrice télé de renom, le rappeur ne tire pas à blanc. En clair, il ne parle pas que de lui. Il n’affirme pas seulement son militantisme dans ses écrits pour un monde plus équitable. Il n’affiche pas seulement sa volonté, par son art, de soigner le mal être, de recoudre les cœurs, d’apaiser les plaies.
Dans son ‘’Rien à prouver’’, l’artiste parle aussi, avec respect et sans colère dit-il, de ses rapports avec son monde. Un monde dans lequel il s’est fait des ennemis, un monde fait de trahison entre frères, un monde bâtit sur l’hypocrisie, bref un monde qu’il aurait visiblement souhaité voir autrement. Morceaux choisis:
« Mon nom dans les cauris, les fétiches et les prières
Contre le sang de vos cabris, il n y a que Dieu qui m’a couvert. »
« Quand je marche dans la vallée de l’ombre de mes remords
Je m’habitue aux préjugés et j’assume aussi mes torts »
« J’ai du respect pour Mandowe mais pas son entourage
Certains amis et conseillers sont nos plus grands dommages.”
Si seulement le transfuge du groupe Yeleen s’était gardé d’insérer dans son R.A.P. ces vers : « Je suis un homme de l’intérieur qui fais de la résistance
Je n’ai pas la plume des slameurs des couloirs de la Présidence »!
En effet, ces propos sont visiblement les bouts de phrase de trop dans le chef-d’œuvre, tant ils ont vite embrasé la toile. Mais il faut le dire, cet embrasement n’aurait pas été aussi important si des artistes qui se sont sentis visés n’étaient sortis du bois. Il s’agit principalement du parolier, Don Sharp de Batoro et du slameur, Nathanaël Minoungou, alias Melerd Naël. Quand ce n’est pas l’un, Don Sharp, qui lance des piques depuis sa page Facebook, c’est l’autre, Melerd, qui entre en studio pour en ressortir avec une chanson-réplique qu’il intitule d’ailleurs « le couloir de la Présidence : hommage à Smarty ».
De R.A.P. à l’affaire des couloirs
A la hauteur d’une voiture stationnée, on voit un Melerd s’adresser au président en ces termes : « Il y a des rumeurs qui courent dans la ville. Il parait que je suis le slameur des couloirs de la présidence. Il parait que vous m’avez offert une maison… ». Si le slameur n’entend pas donner de leçon à son aîné du showbizz, il laisse croire par contre que les paroles de R.A.P. ne l’ont pas laissé indifférent et que des faits doivent être rétablis. « Je ne suis pas allé dans les couloirs de la Présidence par plaisir, moi j’ai aimé le Faso, je voulais que le combat perdure… », clame-t-il. « Ce que les gens ne savent pas, poursuit l’artiste, « c’est qu’à la présidence il y a le respect. Je me lève devant le président, parfois je l’acclame. Le président aussi se lève quand c’est Naël qui slame… » ; « j’ai slamé pour le pouvoir et je suis fier de l’avoir fait. Je voulais slamer pour l’opposition quand elle m’a appelé. Seulement quand elle m’a appelé elle n’avait pas mon cachet… »
Don Sharp enfonce le clou sur l’œuvre de Smarty en ces termes : « J’attendais un RAP (Respect, Amitié, Paix) mais tu m’as servi un RAP (Rancune, Animosité, Provoque). Pourtant tu as eu tout le temps de faire ton deuil. Mal-être ou Être mal? Sors le ver de ta pomme frère. »
Pour tout dire, R.A.P., dont le clip a été visionné près de 150 000 fois sur YouTube en l’espace de trois jours, a vite tourné à ce qu’il convient d’appeler l’affaire des couloirs de la présidence. Tant et bien qu’en attendant l’«Odyssée », album qu’annonce le single, la « bagarre » a été rachetée par les internautes aux avis controversés sur le sujet, mais toujours dans le ton d’humour ou d’ironie, comme on le leur connait.
Bernard Kaboré