Marche de l’opposition : « Aujourd’hui, les FDS ont trouvé un avocat à leur revendications »
A l’appel de l’opposition politique, c’est une foule immense qui a battu le pavé ce 3 juillet 2021 à Ouagadougou pour protester contre la dégradation de la situation sécuritaire et marquer un soutien aux forces de défense et de sécurité. Celles-ci, au vu de la mobilisation, ont trouvé aujourd’hui un avocat à leurs revendications, a déclaré le chef de file de l’opposition, Eddie Komboïgo pour qui cet avocat est le peuple.
Le rendez-vous à la Place de nation, point de rassemblement, était calé pour 8h, selon une annonce faite la veille par le comité d’organisation. Quelques minutes avant, une poignée de personnes, essentiellement des membres du comité, sont déjà sur les lieux, derniers réglages obligent.
Les uns déchargent des chaises qu’ils disposent sous une tente géante. Des membres de la commission sécurité qui se reconnaissent par leurs gilets orange, veillent au grain, suppléant ainsi aux nombreux agents de sécurité qui ont pratiquement quadrillé toute la Place de la nation. Pendant ce temps, le dispositif de sonorisation crache en boucle « Burkina Soldats » de l’artiste Nourat, comme pour rappeler que cette manif est avant tout l’expression d’un soutien aux Forces de défense et de sécurité.
La manif en quelques clichés
A 8 heures, pas grand-chose à se mettre sous la dent pour de nombreux journalistes qui ont apprêté leur matériel de travail. Les « marcheurs » arrivent au compte-goutte. D’une voix à transpercer le tympan, et aidée d’un micro, un harangueur de foule, du haut d’un camion remorque (podium), tient en haleine les premiers venus. Il rappelait le contexte dans lequel se tient la marche. Une situation, dit-il, marquée par une insécurité sans précédent avec son corollaire : « Nos devanciers, nos ancêtres nous ont légué un pays où il faisait bon vivre. Mais depuis l’arrivée au pouvoir de Roch Kaboré, tout est allé de mal en pis. Chaque jour, nos populations sont endeuillées par des massacres. Des millions de personnes sont déplacées. A cela s’ajoute la cherté de la vie. Le sac de riz est passé de moins de 20 000 à 25 000 F CFA, … ».
A mesure que passe le temps, la foule grossit. Par moments, des membres de l’organisation distribuent des rubans noirs aux manifestants qui les portent au bras ou sur la tête. Selon le commentaire d’un organisateur, ces morceaux de tissus expriment le deuil, un hommage aux victimes du terrorisme. Outre le ruban, le cache-nez est aussi offert à chaque marcheur afin que le rassemblement n’ouvre pas une porte de contamination à la covid 19.
Peu après 9 heures, c’est le début des ‘’choses sérieuses’’. Les officiels sont annoncés. A bord d’un minibus, des responsables du comité d’organisation arrivent la Place de la nation. Ils sont vite rejoints par le chef de file de l’opposition, Eddie Komboïgo.
Un bain de foule, puis le groupe monte sur le porte-char, jusque-là occupé par le harangueur et des chasseurs d’images. L’opposant en chef, avant l’entame d’un discours, fait mention spéciale aux partis politiques et organisations de la société civile qui prennent part à « ce rendez-vous avec l’histoire », pour reprendre des propos d’un membre du comité d’organisation. Et de citer l’ADF-RDA de Gilbert Noël Ouédraogo, Vision Burkina de Do Pascal Sessouma, le MCR de Tahirou Barry, et une dizaine d’autres partis.
Dans sa déclaration, le chef de file de l’opposition a décrit une situation « catastrophique » que traverse la nation burkinabè. « Plus de cinq ans de tâtonnements, d’hésitations et d’échecs. Plus de cinq ans de patience, trop c’est trop », a-t-il martelé. « Pendant le premier mandat du président Kaboré, l’on a dénombré officiellement 1300 morts et 1 200 000 déplacés internes. Il est à craindre que le second mandat ne soit pire, car depuis le début de cette année, nous sommes à 300 morts », a déploré le président du CDP, sous les cris de son auditoire. Tout de même, fait-il savoir, l’opposition réitère sa disponibilité pour discuter de toutes les questions relatives à la sécurité de notre pays. Mais l’urgence, estime Eddie Komboïgo, commande, entre autres, la dotation conséquente des FDS en matériels adéquats, la mise en place d’un dispositif de réponse rapide aux appels à l’aide des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), la tenue d’assises nationales sur la sécurité.
Mais en attendant, les FDS ont trouvé un avocat à leurs revendications et cet avocat, c’est le peuple, a déclaré le patron de l’opposition.
Passé le discours, place à la marche qui, voulue silencieuse, ne l’a véritablement été que de nom. En effet, partis de la place de la Nation, pour y retourner en passant par la Cathédrale de Ouagaougou, l’avenue Kwamé N’Krumah et le rond-point des Nations-Unies, les manifestants ne se sont pas privés de coups de sifflets et de cris. Et pas que, l’hymne national a parfois été entonné, sur fond de messages de protestation à l’endroit des autorités : « Libérez le général Diendéré », « Roch, dégage », vociféraient certains. D’autres préféraient plutôt laisser parler des pancartes qu’ils brandissaient et sur lesquelles on pouvait par exemple lire : « Solhan hier, demain à qui le tour ? » ; « Papa Roch, vous êtes responsables de tous les Burkinabè ; Comme vous avez pris la Défense, donnez des balles aux attaquants ».
Contrairement à ce que le comité d’organisation avait annoncé la veille, il n’y a pas eu au rond-point des Nations-Unies la remise d’une lettre au chef du gouvernement. De retour à la place de la Nation, ce fut un message de gratitude à tous les participants que le chef de l’opposition a livré, appelant les uns et les autres à rester plus que jamais mobilisés et vigilants.
Bernard Kaboré
& W. Harold Alex Kaboré