Lutte contre les violences basées sur le genre : l’engagement des femmes guéries de la fistule

C’est un combat qui dure depuis 15 ans et dont les victoires se sont traduites par la guérison de plusieurs milliers de femmes atteintes de fistule obstétricale. Afin d’impliquer ces dernières dans la lutte contre les violences basées sur le genre, un atelier a réuni, du 10 au 11 août 2021 à Ouagadougou, une cinquantaine de femmes venues des 13 régions du Burkina, à l’initiative de la fondation Rama  et de son vieux partenaire de lutte, l’UNFPA.

Quand elle raconte son histoire, Mariama a la voix enrouée. C’est à peine si elle ne finit pas en sanglots. Jeune, elle  s’est mariée à un homme avec qui elle a eu un enfant. Suite à l’accouchement de ce premier enfant, elle a contracté la fistule. Cette maladie dite de la honte, qui survient après très souvent après une grossesse précoce ou un long travail d’accouchement et qui se manifeste par une incontinence de l’urine et des selles.

On peut le dire, la maladie a eu raison de l’harmonie du couple. En effet, Mariama a été répudiée par son homme, lequel ne cachait plus son incapacité à supporter une épouse qui ne s’empêche pas de faire ses besoins au lit ou en public. En se séparant de son époux, la jeune dame a été privée de la garde de son enfant. Mariama s’est remariée. Et l’histoire s’est répétée : le divorce et un autre enfant confisqué. Mariama est rejétée par ses propres parents qui l’accusent d’une frivolité dont elle maintenant victime.

Le summum du chagrin de la jeune femme viendra de son troisième mariage avec un homme qui disait comprendre son mal et qui promettait de ne jamais l’abandonner, dans le meilleur comme dans le pire.  Avec ce dernier, elle a eu deux autres enfants. Le couple vit une harmonie relative pendant que la jeune dame cherche le remède de son mal de plus en plus gênant selon son conjoint. Elle sera finalement reçue à la Fondation Rama qui l’interne, avec ses deux rejetons qu’elle ne savait à qui confier, en attendant une intervention chirurgicale. Et le jour où elle devait se faire opérer, son homme est venu l’hôpital, lui a enlevé ses deux compagnons.

Aujourd’hui, la jeune dame est guérie de la fistule. Mais lorsque ses pensées l’emmènent près des enfants qui lui ont été confisqués, elle a du mal à contenir ses larmes. En attendant une réinsertion sociale, elle passe ses journées au sein de la fondation qui lui a redonné l’espoir d’une vie normale et où elle apprend à tisser des pagnes.

Victimes de violences basées sur le genre (VBG), des centaines, voire des milliers d’autres femmes guéries de la maladie de la honte, comme Mariama, ont des histoires singulières à vous faire écraser une larme d’émotion. Maintenant,  elles veulent s’impliquer dans la lutte contre ces violences qui sont exacerbées par un contexte de crise sécuritaire. En témoigne l’atelier de Ouagadougou qui a réuni un échantillon d’une cinquantaine de femmes venues des 13 régions du Burkina et même de la côte d’Ivoire.

Cette rencontre est initiée par la Fondation Rama, structure aux côtés des femmes victimes de fistule obstétricale depuis 2006, avec l’accompagnement de son vieux partenaire, le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA). Les participantes, essentiellement d’anciennes pensionnaires de la fondation, ont davantage appris sur les VBG : leurs différentes formes, les moyens de prévention et de lutte, etc. A travers des communications suivi d’échanges, il s ‘est agi notamment de: faire l’état des lieux de la situation sécuritaire, les conséquences pour les femmes des zone à risque, dérouler une cartographie des réponses humanitaires apportés à la crise et les moyens de prise en charge des victimes de VBG, de décortiquer les textes et lois qui interdisent toutes formes de violences envers l’autre moitié du ciel ainsi que les mécanismes de dénonciation, tel que le numéro vert (80 00 12 87), mis en place par les autorités pour signaler les cas de violence.

Désormais, les participantes savent, par exemple, qu’en cas de viol, la victime doit immédiatement se rendre dans un centre de santé, non seulement pour des soins mais aussi pour se donner plus de chance pour retrouver le bourreau à travers des prélèvements, tout en portant plainte auprès des autorités compétentes.

Bernard Kaboré