Justice

Rentrée judiciaire : ” l’année écoulée a été marquée par des abus dans la prise de décisions du gouvernement ”, SAMAB

A l’occasion de la rentrée judiciaire 2021-2022 le syndicat autonome des magistrats du Burkina Faso a livré un message. Le thème de cette année est : ” La contribution du pouvoir judiciaire à la lutte contre le terrorisme ”. Selon le syndicat, l’année écoulée a été marquée par des perturbations liées aux excès et abus dans la prise de certaines décisions du ministère de la justice en particulier et du Gouvernement en général.

Les juridictions du Burkina Faso reprennent du service à plein régime dans un contexte difficile où le peuple burkinabè est fortement éprouvé par le terrorisme. Nous nous inclinons devant la mémoire de toutes les victimes et prions que leurs âmes reposent en paix et que Dieu les reçoive au paradis ! Nous témoignons toute notre compassion et notre solidarité aux familles endeuillées ou diversement éprouvées et réaffirmons notre engagement aux côtés des forces de défense et de sécurité ainsi que des populations pour lutter contre cette hérésie criminelle et inhumaine.

C’est dans ce contexte que la rentrée judiciaire 2021-2022 a été actée par la cérémonie organisée cette année par le Conseil d’Etat sous le thème choisi à juste titre : « La contribution du pouvoir judiciaire à la lutte contre le terrorisme ». Le SAMAB espère que ce n’est pas une simple cérémonie de plus.

En rappel, l’histoire de la cérémonie de rentrée judiciaire nous enseigne, selon l’héritage reçu du système judiciaire français, qu’elle tire ses origines des rentrées du Parlement de Paris au XIVème siècle. Comme il a été affirmé dans un article extrait de la revue Recherches contemporaines, n°2, 1994, elle est « étroitement liée à la puissance des Parlements et témoigne bien d’une justice sacralisée ».

Au Burkina Faso ce cérémonial ressemble malheureusement à ce que Antoine GARAPON a qualifié de “folklore” et de rituel judiciaire dans son ouvrage intitulé « L’âne portant des reliques » (essai sur le rituel judiciaire, Paris, Le Centurion, 1985) parce que la plus-value est peu ou pas perçue par les acteurs eux-mêmes.

Cette année, tant la mercuriale de rentrée judiciaire sur le thème, prononcée par la Commissaire du Gouvernement adjointe du Conseil d’Etat, que la plaidoirie du nouveau Bâtonnier de l’Ordre des avocats prenant la parole pour la première fois à une cérémonie de cette nature, ont mis en exergue le grave dénuement des juridictions, la situation de magistrats qui squattent ou déambulent sans bureau et la démotivation qui prend de l’ampleur, poussant beaucoup de magistrats à des ambitions hors prétoires.

Les propos de Son Excellence Monsieur le Président du Faso, Garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire, après la cérémonie, qui dit avoir noté toutes les préoccupations et s’engage à faire en sorte que l’Etat puisse satisfaire à ces conditions, permettent de fonder l’espoir que ces promesses ne soient pas simplement démagogiques.

Sans tomber dans une autosatisfaction, l’on peut féliciter tous les acteurs de la justice, magistrats, personnels du corps des greffiers, gardes de sécurité pénitentiaire, interprètes, avocats, huissiers de justice, notaires, officiers de police judiciaire et tout personnel d’appui pour le travail abattu au cours de l’année judiciaire 2020-2021 qui, il faut le rappeler, a été marquée par des perturbations liées aux excès et abus dans la prise de certaines décisions du Ministère de la justice en particulier et du Gouvernement en général.

C’est le lieu également de saluer les avancées significatives dans le renforcement des capacités du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) avec notamment l’adoption de la Résolution n°001-2021 CSM du 31 mars 2021 portant règlement intérieur de la commission d’admission des requêtes et du Guide de procédure disciplinaire. Ces instruments contribueront à rendre opérationnel le conseil de discipline des magistrats et à ouvrir la voie à des procédures offrant de meilleures garanties d’objectivité et de droits de la défense aux magistrats appelés à comparaître devant l’instance disciplinaire.

A l’égard du ministère et partant de la conviction que le traitement des questions relevant des attributions gouvernementales du département de la justice dépend en grande partie de la compétence et de la vision du Ministre en charge de la justice, le SAMAB espère que le changement opéré à la tête du ministère ouvrira une nouvelle ère dans la gestion administrative du département et dans les rapports de l’administration avec les partenaires sociaux. Au regard de la place du département de la justice dans le fonctionnement de l’administration judiciaire, le SAMAB observe et reste attaché au traitement équitable de tous les agents sans aucune discrimination dans les choix opérés pour animer les services du ministère.

Le SAMAB exhorte la Ministre de la justice, de façon générale, à une prise en charge conséquente et appropriée des nombreux passifs dont elle a hérité et qui ont trait aussi bien au fonctionnement des juridictions qu’à la carrière et aux conditions de vie et de travail des acteurs.

De façon particulière, il rappelle que, d’abord, au regard de l’insécurité grandissante, il est urgent que le ministère de la justice mette en œuvre les conclusions des travaux du comité technique pluridisciplinaire chargé de réfléchir sur la définition d’une stratégie de sécurisation des palais de justice, des maisons d’arrêt et de correction et des acteurs judiciaires qui ont eu lieu à Koudougou du 21 au 26 août 2017. Ensuite, il est urgent qu’une suite soit donnée aux travaux du comité qui s’est penché sur la relecture des lois organiques n°049-2015 et n°050-2015/CNT du 25 août 2015 relatives respectivement au CSM et au statut de la magistrature pour les mettre en conformité avec la constitution révisée par la loi constitutionnelle n°072-2015/CNT du 05 novembre 2015. Cette relecture permettra au Conseil supérieur de la Magistrature d’avoir un cadre juridique harmonieux et objectif dans son fonctionnement. Enfin, il faut déplorer le fait que trois années durant, le concours de la magistrature n’est pas organisé en raison de velléités manifestes d’une dévalorisation du corps de la magistrature, non seulement en violation de la loi, mais aussi en déphasage avec le bon sens et les aspirations du peuple burkinabè à l’excellence de ses agents. Pourtant, le besoin en personnels magistrats est criard, comme le révèle l’annuaire statistique 2020 de la justice, édité en juillet 2021. Le rapport de synthèse lu à la cérémonie solennelle de rentrée judiciaire 2021-2022 en a également fait écho. Les milliers de candidats qui ont pourtant sacrifié tant de temps et d’énergie pour préparer le concours sont toujours dans l’attente mais le Gouvernement semble indifférent.

Tout en souhaitant une bonne rentrée judiciaire, sous la bienveillante miséricorde divine, à tous les acteurs de la justice, le SAMAB réitère sa solidarité et son engagement avec les organisations syndicales sœurs dans la lutte pour de meilleures conditions de vie et de travail.

Que Dieu veille sur notre Patrie, le Burkina Faso.

Le Bureau exécutif du SAMAB

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