Culture

FESPACO 2021 : à la découverte d’ « Ogossagou », une enquête sur le conflit intercommunautaire au Mali

Nombreux sont les spectateurs qui ont félicité le réalisateur pour cette belle œuvre cinématographique

Dans la matinée de ce mercredi 20 octobre 2021, plus précisément aux environs de 11h, nous sommes allé à la découverte d’ « Ogossagou », un film documentaire du jeune journaliste et réalisateur malien, Ayouba Sow. Cette enquête de 80 minutes, projetée  au chapiteau Etalon au siège du FESPACO (Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou), tente de faire la lumière sur les causes du conflit intercommunautaire au Mali.

« Je suis originaire de Mopti. Depuis le début de l’année, les nouvelles que nous traitons sur cette région me terrifient de plus en plus. Ma région s’enflamme. Des innocents sont froidement tués pour leur appartenance ethnique. Le djihad cède la place aux conflits intercommunautaires et aux règlements de compte. Le gouvernement malien réfute le caractère ethnique de ce conflit qui a déjà coûté la vie à des milliers d’innocents. Pendant que Peuls et Dogons s’accusent mutuellement, certains de mes contacts évoquent la présence de miliciens étrangers qui attaqueraient consécutivement des villages dogons et peuls pour semer le chaos. A qui profiteraient ces crimes ? (…) Certains accusent la France de vouloir déstabiliser le Mali, voire tout le Sahel afin de justifier sa présence et imposer des coopérations politiques et militaires. (….) Tous les cortèges (de combattants armés) de kalachnikov que j’ai pu identifier sont des Maliens. Ils parlent les langues locales dans leurs vidéos et habitent dans la région. Leurs victimes sont la plupart du temps leurs voisins… »

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« Les accusateurs de la France ont commencé à m’accuser de traitre », dixit Ayouba Sow

C’est par ces propos saisissants que le réalisateur, Ayouba Sow, attaque son film documentaire sur l’insécurité qui règne au Centre du Mali. Basé en France où il prépare une thèse de doctorat sur la réception de l’information radiophonique en Afrique de l’Ouest, il s’est beaucoup interrogé sur cette situation. Pourquoi Peuls et Dogons s’accusent mutuellement ? Comment des peuples voisins ont pu en arriver à ce niveau extrême de haine ? Qui tire les ficelles de ce tribalisme ? Voilà, entre autres, les questions que le jeune chercheur s’est posé. Et dans le but de trouver des réponses, il décide, en 2019, d’effectuer un retour au bercail, surtout qu’en tant que Peul, il n’avait pas droit au chapitre lorsqu’il évoquait ce sujet avec ses amis sur les réseaux sociaux. « Pour eux, les djihadistes sont mes parents », nous a-t-il expliqué, d’un air chagriné.

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Dans le cadre de cette enquête, Ayouba Sow rencontre les responsables des milices dozos auxquels ils n’osent pas donner son véritable nom, craignant pour sa vie ou de ne pas être reçu par ceux qui, dans le documentaire, estiment, eux aussi, que les terroristes sont des Peuls. Le réalisateur rencontre aussi des victimes qui ont fui leur localité, des responsables d’associations culturelles peules et dogons et des chercheurs.

Un tournage difficile pour le journaliste car il fallait rencontrer des hommes armés…

Et après avoir échangé avec toutes ces personnes qui se rejetent mutuellement la faute, le réalisateur d’Ogossagou en arrive à cette conclusion : « Avant le début de la crise en 2012, il y avait des problèmes au Centre du Mali. Ils étaient dus surtout à l’occupation de la terre, notamment les conflits entre éleveurs et cultivateurs. L’avènement du djihad n’a fait qu’aggraver les choses parce que les populations rurales se sont retrouvées avec des armes de guerre. A cela s’est ajouté le problème des miliciens qui accusaient les Peuls d’être complices des djihadistes s’ils ne sont pas eux-mêmes djihadistes. Dans certaines localités, on a chassé tous les Peuls et dans d’autres tous les Dogons… A mon avis, il y a des problèmes de terre mais aussi une forte manipulation politique ».

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Son souhait, c’est que le gouvernement malien, et même burkinabè, communique sur le fait que la crise n’est pas ethnique. Pour lui, Tous les Peuls ne sont pas des djihadistes et tous les djihadistes ne sont pas des Peuls. Le journaliste espère que son film sera projeté dans son pays pour contribuer à sensibiliser les populations.

Mais c’est au moment du montage qu’il a véritablement commencé à avoir peur car le film charge toutes les parties

Selon la fiche technique du film, Ogossagou est le village malien où le quartier peul a été attaqué le 23 mars 2019 par des hommes armés. 157 personnes ont été tuées. « Le 14 février 2020, les assaillants sont revenus tuer 35 autres personnes dans le même village. Les victimes sont accusées de terrorisme par les assaillants qui restent toujours en liberté », peut-on lire sur la même fiche technique.

Zalissa Soré

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