Société

Marche pour la démission de Roch Kaboré: un petit air d’insurrection

A l’appel du mouvement “Sauvons le Burkina Faso“, des centaines, voire des milliers de manifestants sont descendus dans la rue de plusieurs villes du Burkina au matin de ce 27 novembre 2021 pour demander la démission du chef de l’Etat, Roch Kaboré, jugé incompétent dans la gestion de la crise sécuritaire. A Ouagadougou, ce qui devait être une marche pacifique ne l’a pas du tout été. En effet, la tension est montée entre les manifestants qui n’ont pas eu accès au point de rassemblement initial, la Place de la Nation, et les forces de sécurité qui ont fait usage de gaz lacrymogène. Sur différentes voies, des barricades ont été érigées, des pneus brûlés, des scènes qui renvoient certains à leurs souvenirs de l’insurrection populaire d’octobre 2014.

La police a fait usage de gaz lacrymogène pour disperser les manifestants

Pour nombre d’observateurs de la situation nationale, la marche de protestation de ce 27 novembre était incertaine à Ouagadougou. On se rappelle en effet qu’après qu’elle a été annoncé le 12 novembre par le mouvement Sauvons le Burkina Faso, le maire de la commune de Ouagadougou, dans une correspondance datée du 24 novembre et adressée aux services de sécurité,  a indiqué “qu’aucune déclaration préalable susceptible d’organisation de manifestations légales ne lui a été soumise.

Par conséquent, le bourgmestre de la capitale avait invité les forces de sécurité à prendre toutes les dispositions utiles pour qu’aucune manifestation illégale ne puisse se dérouler sur le territoire communal. Voilà qui avait fait réagir les organisateurs de la manif qui ont maintenu leur mot d’ordre, expliquant notamment que le refus des autorités municipales de recevoir leur demande d’autorisation a été constaté par un huissier.

Une foule brandissant une pancarte à l’effigie du général Diendéré

Ce matin, ils étaient donc nombreux à vouloir rallier la Place de la Nation de Ouagadougou. De là, les mécontents devaient s’ébranler vers le rondpoint des Nations-Unies, puis la Cathédrale avant de revenir au point de départ. Sauf qu’à la Place de la Nation, l’aire de la manif a été interdite d’accès par des éléments de la gendarmerie. Des négociations sont engagées par des organisateurs avec les pandores. « C’est pour vous aussi Force de défense et de sécurité que nous menons ce combat ; vous devriez même être de notre côté », ont expliqué les organisateurs aux gendarmes derrière leurs boucliers. Finalement, ces négociations n’ont débouché sur rien.

Le général Diendéré pour mettre fin à la honte

La tension est alors montée d’un cran . Des mécontents, à défaut de la Place de la Nation, se sont agglutinés autour du rondpoint des cinéastes. Les coups de sifflets se sont accentués. Sur des pancartes, brandies le plus haut possible, on pouvait lire différents messages comme  « Pour la patrie, nous-nous engageons » ; « Sauvons le Burkina Faso ». On a même vu écrit sous une effigie de Gilbert Diendéré :« Plus de honte avec le général Diendéré ».

Les journalistes n’ont pas été épargnés par la pluie de lacry, s’asperger le visage d’eau était une petite solution

Entre temps, 9heures passées d’une poignée de minutes, une forte détonation en provenance de la mairie centrale, se fait entendre. Puis s’en sont suivis des jets de gaz lacrymogènes par des éléments de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) qui venaient d’entrer en scène, créant ainsi la débandade. Dispersés, les manifestants se sont retranchés à plusieurs endroits du centre ville : les uns à proximité de la Bourse du travail, certains non loin de la BCEAO, d’autres à la Place de Grand Lion, d’autres encore au côté ouest du marché central, Rood-woko, et d’autres manifestants, à la Place du 2-Octobre.

Visiblement les manifestants ne s’avouent pas vaincus. De leurs retranchements respectifs, ils tentent de revenir sur leurs pas, érigent des barricades. La colère sur les visages, ils ne se privent pas de commentaires : « c’est ceux qui ne vont pas au front qui s’en prennent à nous » ; « gaz lacrymogène qu’ils utilisent là même n’est pas fort, c’est périmé »,  On ne compte plus les va et vient des véhicules de la police qui contre les jets de lacrys reçoivent en retour des jets de pierres.

Opération barricades et pneus au feu

Acculés dans leurs points de ralliement spontané, les manifestants sont passés à autre chose dans l’expression de leur mécontentement. Ils se sont mis à brûler sur les voies des pneus et d’autres objets à leur portée, rendant laborieuse la mobilité des véhicules des policiers. Les foyers d’incendie se sont multipliés tant et si bien que la fumée avait fini par assombrir le ciel du centre ville de Ouagadougou.

Soudain, devant la Bourse du travail, la foule est en liesse, pousse des cris de victoire. De fil en aiguille, on y apprend que cette joie est suscitée par un saccage du siège du parti au pouvoir, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Autre édifice mis en sac, la direction de la population et de l’état civil de la mairie centrale, toujours au centre-ville de Ouagadougou.

Lire aussi: Marche du 27 novembre : « Roch Kaboré doit partir et il partira », Marcel Tankoano

Outre le centre-ville, d’autres parties de la capitale, comme la Patte-d’oie, ont été pris d’assaut par les manifestants. D’autres villes du pays, dont Kaya, Bobo-Dioulasso, Koudogou et Dori ont également connu des manifestations. Partout, le même mot d’ordre a prévalu : la démission du président du Faso jugé incompétent face à la crise sécuritaire qui secoue le pays depuis maintenant six ans. « Quand on a chassé Blaise Compaoré du pouvoir, on a cru qu’on aurait une vie meilleure. Aujourd’hui, nous vivons le pire. Il n’y a pas de honte à reconnaitre qu’on n’est incapable de gérer un pays », nous a lancé un  manifestant rencontré à la Place du Grand Lion à Ouagadougou.

Bernard Kaboré

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