Crise au CDP : « Eddie Komboïgo est un président complètement esseulé », Topan Mohamed Sané
Des militants se réclamant de l’aile historique du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) ont animé une conférence de presse ce 10 décembre 2021 à Ouagadougou. Une sortie médiatique dont l’objet n’était autre que la crise interne qui secoue le parti de l’épi et de la daba, avec comme grosse pomme de discorde la tenue du 8e congrès ordinaire. Selon Topan Mohamed Sané, le président du parti, Eddie Komboïgo, est esseulé, n’ayant plus notamment aucun des vice-présidents de son côté.
C’est une conférence de presse du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) à l’allure d’un meeting. En effet, dans la même salle où les journalistes ont été conviés, on pouvait compter des dizaines de militants qui, par moments, ont interrompu la déclaration liminaire par des youyous et des applaudissements.
Cette déclaration a été lue par le 5e vice-président du parti, Topan Mohamed Sané. A ses côtés, avaient pris place d’autres caciques du parti, dont le vice-président responsable des élus nationaux, Yaya Zoungrana, la vice-présidente chargée de la promotion du genre, Blandine Sawadogo et le secrétaire général, Blaise Sawadogo.
Après une minute de silence en mémoire des victimes des attaques terroristes, une précision sur le pourquoi de cette sortie médiatique a semblé importante pour le porte-parole des conférenciers. Ainsi, selon Mohamed Sané, le but de « l’initiative des membres de la direction politique et des militants de base du CDP » est de « livrer une information saine et véridique sur la longue crise interne que traverse le parti ainsi que sur la suspension du 8e congrès ordinaire après une saisine de la justice.”
Pressé de briguer la magistrature suprême
Pour ce qui est de la crise interne, Mohamed Sané est revenu sur ce qu’il conviendrait d’appeler sa genèse. Il a ainsi rappelé que c’est au sortir du 7e congrès, en 2015, qui a vu l’élection d’Eddie Komboïgo comme président, que le parti a pu reprendre sa marche vers la reconquête du pouvoir. « En Eddie, nous avions cru. Mais très vite des doutes ont émergé sur notre camarade, notamment sa capacité à assurer le rassemblement indispensable pour un parti qui venait de perdre le pouvoir après 27 ans. Notre président se montrait impatient, pressé de briguer la magistrature suprême et en un temps record, il a transformé le CDP en un marchepied pour accéder au pouvoir d’Etat ».
A croire le porte-parole des conférenciers, « c’est sous cette ambition fièrement affirmée qu’a commencé le massacre de tous les contradicteurs du président du parti ». Et Mohamed Sané d’égrener une série de couacs : « une guerre ouverte » entre Eddie Komboïgo et Léonce Koné de 2015 jusqu’à la démission de ce dernier en 2019 ; la crise de la candidature à la présidentielle de 2020 née de la rivalité entre le président du parti avec l’ex-militant, Kadré désiré Ouédraogo ; un bras de fer entre le chef du parti et Mahamadi Kouanda, la démission de Boureima Badini et de Luc Adolphe Tiao, etc.
Une défiance au président d’honneur
En outre, le président du parti de l’épi et de la daba est indexé par les conférenciers comme ayant été derrière « des sanctions abusives et intempestives » dont des militants comme Adama Tiendrébeogo et Abdoul Karim Baguian auraient été victimes. Eddie Komboïgo aurait également conçu avec minutie, une défiance au président d’honneur du CDP, Blaise Compaoré. Les conférenciers en veulent pour preuve, un discrédit jeté sur l’authenticité de lettres signées par le fondateur du parti qui réside à Abidjan, en Côte d’Ivoire.
Concernant la saisine de la justice qui a abouti à la suspension du 8e congrès ordinaire, lequel devait se tenir les 4 et 5 décembre dernier, Mohamed Sané a fait savoir que cette démarche s’est imposée. Explications : après un report compte tenu de l’indisponibilité de documents, le Bureau exécutif du parti (Ben) s’est réuni le 24 novembre dernier.
A cette réunion, deux préalables se sont imposés : le premier avait trait à une lettre de Blaise Compaoré en date du 4 novembre demandant au président Eddie Komboïgo de lui transmettre en toute urgence le projet de budget du congrès, une correspondance restée sans suite et sans accusé de réception.
Discrédit sur les lettres de Blaise Compaoré
Le deuxième préalable était la lecture au BEN d’une autre lettre du président d’honneur qui précisait que « les évènements tragiques d’Inata commandent de rester pour quelques temps au moins en partage d’union de peine avec les nombreuses familles endeuillées », tout en suggérant le report du congrès. Après lecture de ces lettres, les vice-présidents de la direction auraient exigé une suspension des préparatifs du congrès et invité Eddie Komboïgo à se rendre à Abidjan aux fins de convenir avec le président d’honneur des suites à donner aux préparatifs et à la tenue du congrès. Mais, « le président du parti n’a accordé aucune considération à ces préalables », a fait savoir le conférencier. Or, précise-t-il, les textes du parti reconnaissent le président d’honneur comme dernier recours.
Si la voie judiciaire a finalement été la dernière option, c’est parce que, selon Mohamed Sané, d’autres actes, dont une correspondance de la commission contrôle et vérification qui avaient pour objet la suspension du congrès sont restés sans effet. C’est ainsi donc que des membres de la direction politique et signataires d’une correspondance adressée à Eddie Komboïgo ont traduit le CDP en justice par un référé. Au terme du procès tenu le 3 décembre dernier, le juge dans son ordonnance a suspendu le 8e congrès des 4 et 5 décembre. Au recours en appel déposé le 6 décembre, un autre juge a ordonné que le congrès soit convoqué dans le respect des textes fondamentaux du parti, a révélé le conférencier. Pour Mohamed Sané, à l’analyse des deux procès, c’est le parti qui a gagné et l’objectif des membres de la direction est atteint. Car il s’agissait d’obtenir le report ou la suspension du congrès d’une part et faire convoquer ledit congrès dans le respect des textes fondamentaux, d’autre part. Ainsi donc, Eddie Komboïgo est un président esseulé, car les huit vice-présidents qui sont actifs, sont signataires ou approuvent la démarche judiciaire », s’est félicité le 5e vice-président du CDP.
Bernard Kaboré