Dossier Thomas Sankara : après le verdict, des funérailles nationales en perspective ?
Tout juste après l’annonce du verdict du procès sur l’assassinat de Thomas Sankara et de ses douze compagnons d’infortune, des dizaines d’inconditionnels du Père de la révolution burkinabè ont convergé, à partir de la salle du jugement, vers le siège du siège Comité international du mémorial Thomas Sankara (CIMTS), l’ex-Conseil de l’Entente, ce haut lieu de la Révolution qui a vu tomber les 13 victimes du 15 octobre 1987. Là-bas, il y a eu une procession, un dépôt de gerbe devant un poster géant de Sankara. Puis deux discours, dont celui du président du CIMTS, Pierre Ouédraogo qui a évoqué la réhabilitation de la mémoire de Thomas Sankara et des funérailles nationales à venir.
Organiser une procession, peu importe les peines qui seront prononcées à l’encontre des différents accusés : c’est ce que semblait faire comprendre le Comité international du mémorial Thomas Sankara quelques jours avant le verdict de ce procès sur l’assassinat du Père de la Révolution burkinabè et de ses douze compagnons d’infortune. Et quand les juges ont décidé de la prison à vie pour les trois principaux accusés, à savoir Blaise Compaoré, Hyacinthe Kafando et Gilbert Diendéré, il y eu de quoi donner davantage de tonus aux manifestants. Car ce verdict rencontre l’assentiment de la plupart d’entre eux.
Peu après le prononcé des peines, ce fut d’abord un rassemblement spontané devant le Centre international de conférences de Ouaga 2000. Sur les visages, on pouvait lire à la fois de la satisfaction et du soulagement. La satisfaction d’une justice rendue 35 ans après les évènements, le soulagement de savoir enfin qui a fait quoi.
Puis le cortège s’est mis en branle. Les uns à bord d’un minibus d’une trentaine de places, les autres dans des véhicules personnels ou sur des motos. Suivant l’itinéraire initialement prévu, les manifestants ont rallié le siège du CIMTS via l’avenue Pascal Zagré et les boulevards Muhamar Khadafi, des Tensoba et Charles de Gaulle. A mesure que le cortège avance, la file s’allonge. Les klaxons d’engins se confondent aux slogans révolutionnaires scandés à tue-tête, pendant qu’un dispositif de sonorisation distille des extraits de mémorables discours de Thomas Sankara, comme celui prononcé à la tribune de l’ONU le 4 octobre 1984.
Au siège du mémorial, c’est l’ambiance de fête. Avant une procession jusqu’à l’auvent du bâtiment où le président Sankara et ses compagnons ont trouvé la mort, on a dansé au rythme des chants révolutionnaires. On a célébré une « victoire d’étape », pour reprendre les mots du secrétaire général du CIMTS, Luc Damiba.
Des posters géants des treize victimes en avant, on a marché dans un silence de…mort, jusqu’à la devanture de la villa Burkina, la scène du crime. Là, une gerbe a été déposée, en hommage aux infortunés du jeudi 15 octobre 1987. Devant une forêt de journalistes, d’anciens camarades du leader de la Révolution mais aussi des jeunes qui n’ont pas connu Thomas Sankara, deux discours ont été ensuite prononcés : celui de Sampawendé Sawadogo, porte-parole d’un groupe d’associations de jeunes se présentant comme les « héritiers de l’idéal de Thomas Sankara » et le président du CIMTS, le colonel à la retraite Pierre Ouédraogo, anciennement secrétaire général des Comités de défense de la révolution.
Le premier, Sampawendé Sawadogo, a évoqué « un jour historique », une première victoire dans « l’élan de manifestation de la vérité, et de la justice pour nos héros ». Et d’ajouter qu’à l’issue de ce procès « nous savons maintenant donner des noms et des visages sur ceux qui ont commandité, planifié, exécuté le coup d’Etat du 15 octobre 1987 ou en ont bénéficié ». En dehors des 13 « héros tombés au Conseil de l’Entente » il y en seize autres qui ont perdu ailleurs la vie dans les mêmes circonstances et dont les familles attendent toujours que justice leur soit rendue. Sampawendé Sawdogo a cité entre autres, le commandant de la Force d’intervention du ministère de l’Administration et de la sécurité d’alors, le lieutenant Vincent Sigué, le directeur de l’Escadron de transport et d’intervention rapide (ETIR), Michel Koama. Non sans saluer au passage la famille Sankara et ses avocats ainsi que tous ceux qui ont permis la tenue du procès, le représentant des « jeunes héritiers », a dit souhaiter, au nom de ses camarades, que des funérailles nationales soient organisés en hommage à ces héros.
Pour sa part, le président du CIMTS a salué une fois de plus la tenue du procès, « après de nombreuses années de patience ». Pour cet ancien cadre de la révolution, ce procès se veut pédagogique, afin que des tragédies comme celle du 15 octobre 1987 ne se reproduisent plus.
Bernard Kaboré