Damiss à Mariam Sankara : « Et si vous partiez à Abidjan prendre le thé avec Blaise Compaoré ? »
Dans la tribune ci-dessous que nous vous proposons, le journalistes Adama Ouédraogo dit Damiss, soutient qu’après le verdict sur le procès des assassins de Thomas Sankara et de ses compagnons, l’heure est au pardon. Il invite donc la veuve du père de la révolution burkinabè à aller vers l’ancien président Blaise Compaoré pour ce fait.
Nelson Mandala a commencé sa lutte contre l’apartheid en prenant les armes. Il dirigeait alors l’aile militaire du Congrès national africain (ANC), sa formation politique. Son combat contre les lois raciales par la violence a fait de lui l’ennemi public numéro 1 du régime d’apartheid en place. Arrêté avec d’autres camarades de lutte, il a été jugé et condamné à la perpétuité. Jeté dans une cellule de moins de deux mètres carrés à la prison de Robben Island, il est devenu le prisonnier le plus célèbre de la planète. Mais ce qui aura le plus marqué le monde entier, c’est le pardon et la réconciliation que Nelson Mandela a prônés à sa sortie de prison le 11 février 1990. Devenu président de la Nation Arc-en-ciel, « Madiba », dans son discours d’investiture le 10 mai 1994, s’est engagé à construire une société sud-africaine dans laquelle « les Noirs et les Blancs pourront marcher ensemble la tête haute sans aucune crainte au fond de leur cœur » Il joint aussitôt l’acte à la parole. Durant sa présidence l’ancien bagnard a multiplié les gestes de pardon, de tolérance et de réconciliation pour donner l’exemple à la communauté noire victime des pires injustices.
Mandela rend visite à l’ancien président Pieter Willem Botha, rencontre Betsie Verwoerd, la veuve de l’architecte de l’apartheid Hendrik Verwoerd, celui-là même qui a interdit son parti, l’ANC, en 1960. Et ce n’est pas tout, l’ancien geôlier du régime ségrégationniste organise un banquet pour le départ à la retraite du patron des services de renseignements du régime de l’apartheid, Niels Barnard et déjeune avec Percy Yutar le procureur du procès qui a fait des réquisitions très sévères pour sa détention à vie. Pourtant, Mandela était le Président de l’Afrique du Sud. Il avait les pleins pouvoirs, il connaissait tous les rouages et détenait les clefs pour se venger de ses adversaires qui ont détruit une grande partie de sa vie pour un combat juste et noble qu’il a mené. Il a choisi de tendre la main à la minorité blanche pour qu’ensemble ils bâtissent une grande nation.
Mariam Sankara n’est pas Nelson Mandela certes. Le Burkina Faso n’est pas l’Afrique du Sud certes. Toutefois, l’épouse du leader de la Révolution burkinabè peut poser un acte qui marquera l’histoire du Burkina Faso et de l’Afrique : prendre son avion, aller à Abidjan et rencontrer le président Blaise Compaoré pour prendre le thé avec lui, voire déjeuner, diner et passer une nuit au domicile du couple Compaoré. Après tout, Thomas et Blaise étaient de grands amis. Lorsque le jeune Thomas Sankara faisait la cour à Mariam à Dapoya où elle habitait chez son grand-frère, il était toujours accompagné par son complice Blaise Compaoré. Thomas racontait tout à Blaise sur ses relations avec Mariam. Ils étaient si liés que l’un ne faisait rien sans l’autre.
A la faveur de la gestion des affaires de l’Etat qui est très complexe, leur amitié a pris du plomb dans l’aile et la belle aventure s’est terminée par une tragédie. Pendant 35 ans, la veuve de l’icône de la Révolution burkinabè a été courageuse et résiliente. Elle s’est battue pour la vérité et la justice. L’affaire a été jugée, des peines lourdes ont été prononcées et Madame Sankara s’est dit satisfaite du verdict.
L’heure a maintenant sonné pour le pardon et la réconciliation. Nous pensons humblement que le pardon et la réconciliation ne doivent pas être l’affaire des seules autorités politiques mais aussi des victimes.
Personne ne peut et ne doit soutenir des crimes de sang. Mais après tant d’années de débats passionnés qui divisent les Burkinabè, il faut savoir tourner la page surtout que l’assassinat de Thomas Sankara s’est déroulé dans un contexte particulier où les hommes au pouvoir avaient la gâchette facile : on réglait les contradictions par les armes. C’est triste mais c’est notre histoire. Et les victimes des pages sombres de l’histoire de notre pays sont nombreuses. Nous devons assumer notre histoire. Même dans des familles biologiques, il y a des drames entre frères et sœurs qui ont le même sang qui coule dans les veines. Il y a des couples avec des enfants et de petits enfants où l’homme a tué la femme et vice-versa pour parfois des banalités. Que dire alors des situations plus complexes qu’est la gestion des affaires de l’Etat où des forces sociales s’affrontent dans des courants politiques et idéologiques ?
Le combat de Mariam Sankara et de tous les Sankaristes à travers le monde a fini par payer. Les accusés se sont exprimés. Des témoins sont passés à la barre. Certains d’entre eux ont raconté des salades pour plaire à l’opinion alors qu’ils font partie de ceux-là qui ont manipulé pour créer des tensions entre Thomas et Blaise ; d’autres ont fait allégeance après le 15 octobre 1987 et ont jouit des privilèges du pouvoir de Compaoré. Ils ont gravi les échelons politique et social sur le sang de Sankara. Ils ont traité le président du CNR de fou et de renégat. Ils ont écrit des tracts contre lui et contre vous, Mariam. On considère malgré tout que chacun a dit sa part de vérité. Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando n’étaient pas présents si bien que ce procès a un goût d’inachevé pour certains. Mais peu importe car la vérité du prétoire n’est pas forcément la Vérité. La vérité du juge ou du tribunal n’est pas forcément la Vérité. Seul Dieu connait la Vérité et la vraie justice est immanente.
De tout ce qui précède, nous pensons que Mariam Sankara peut pardonner, aller vers Blaise Compaoré même si elle voit en lui le présumé bourreau ou le commanditaire de l’assassinat de son époux et même si Blaise Compaoré lui-même ne se sent pas coupable eu égard à « sa vérité ». Elle peut se comporter comme Nelson Mandela et elle rentrera dans le Panthéon des Hommes qui auront marqué l’histoire par un geste, un comportement.
Madame Sankara, vous avez, à notre sens, une prédisposition pour cela. Nous en voulons pour preuve, la visite que Dr Ablassé Ouédraogo vous a rendue après le procès. Pourtant, l’ancien ministre des Affaires étrangères de Blaise Compaoré s’est prononcé publiquement sur le verdict du procès Thomas Sankara en le jugeant très sévère et défavorable à un climat apaisé et à la réconciliation nationale. Vous l’avez malgré tout reçu. Quelqu’un d’autre aurait refusé de le recevoir parce qu’il a critiqué un procès qui rend justice à votre défunt époux et vous soulage. C’est dire que vous êtes une dame qui respecte les opinions des autres. Votre objectif était la vérité et la justice, il est à présent atteint. Vous devez prendre votre bâton de pèlerin pour être un artisan du pardon et de la réconciliation au Burkina Faso.
On ne peut pas être plus royaliste que le roi. En le faisant, vous coupez l’herbe sous les pieds à tous ceux qui refusent le pardon après le procès. Ils seront obligés d’enterrer la hache de guerre si vous donnez ce signal fort aux Burkinabè.
Imaginez un instant, vous, Chantal et Blaise Compaoré en train de trinquer devant les caméras du monde entier. Certainement que Thomas Sankara lui-même qui a tant aimé Blaise et le Burkina Faso dormira définitivement en paix.
En conclusion, nous vous invitons à méditer sur ces deux citations : « le pardon couronne la grandeur » et le « pardon est la plus belle fleur de la victoire ». Et vous êtes, Mariam Sankara, une grande dame, une patriote qui aime son pays. Cette démarche est donc à votre portée.
Adama Ouédraogo dit Damiss
Journaliste et écrivain.
Vous n’aviez pas tort mais si blaise lui même était allé voir la famille de ses victimes du 15 octobre cela se présenterai mieux sinon après un jugement que me criminel par peur n’a pas dit un seul mot il faut être Nelson mandela pour pouvoir pardonner le bourreau le plus criminel de l’histoire du Burkina. Vive le pardon vive le comportement de compassion des bourreaux.