Thomas Sankara : la restitution de ses biens et la rectification de son certificat de décès refusées
Ce 10 mai 2022, la chambre de première instance du tribunal militaire de Ouagadougou a rendu son verdict sur les réclamations civiles liées au dossier sur l’assassinat de Thomas Sankara et de 12 autres personnes en octobre 1987. A chacun des ayants droits des victimes, exceptée la famille de Sankara qui n’a réclamé que le franc symbolique, les personnes condamnées au pénal sont à nouveau condamnées à payer des amendes allant de 2 à 50 millions de F CFA. Quant à la réclamation d’objets appartenant à Thomas Sankara ainsi que l’établissement d’un certificat de décès « conforme aux faits », sa famille a été déboutée, la requête jugée mal fondée.
Pour ce qui relève du ressort de la chambre de première instance du tribunal militaire de Ouagadougou, le verdict sur les réclamations civiles marque le clou d’une procédure qui aura duré presque pile poil sept mois, puisque débutée le 11 octobre 2021. Cette ultime audience n’a pas drainé du monde, contrairement à ce qui était devenu une habitude dans l’emblématique Salle des banquets de Ouaga 2000 qui tient lieu, depuis, de prétoire. Il faut dire que c’est aussi l’une des plus expéditives audiences qu’ait tenu la chambre de première instance. En tout, pas plus de 30 minutes ont suffi pour rendre le jugement.
Dans sa décision, la chambre s’est d’abord prononcée sur les requêtes de constitution de parties civiles. Ainsi, elle a rejeté comme « mal fondées les exceptions d’irrecevabilité relatives aux constitutions de partie civile fondée sur l’effet suspensif de l’appel, la forclusion et la transaction », des arguments qu’avaient brandi des avocats de la défense. Autre requête rejetée par les juges, « l’exception d’irrecevabilité relative aux demandes tendant à la mise en cause de l’Etat comme civilement responsable », vue comme mal fondée. La Chambre a plutôt estimé que sont fondées et recevables les demandes aux fins de citation de l’Etat comme civilement responsable des évènements de mi-octobre 87. Mais dans le fond, la chambre n’a pas établi cette responsabilité de l’Etat qui est seulement appelé en garantie des condamnations pécuniaires prononcées contre les accusés. Du reste, même si sa constitution de partie civile a été jugée recevable par la chambre, l’Etat burkinabè a été débouté de ses demandes aux fins de dédommagement.
Des points de non satisfaction
Suivant ce que la famille de Thomas Sankara avait réclamé, les accusés, Blaise Compaoré, Hyacinthe Kafando, Gilbert Dienderé et sept autres sont condamnés, solidairement, au paiement d’un franc symbolique, à titre de dommages et intérêts. Les avocats de la famille Sankara qui ont réclamé et obtenu le paiement du même montant avaient fait savoir, par la voix de me Benéwendé Sankara, que l’intérêt de la famille était principalement la tenue du procès et la manifestation de la vérité. Mais aux familles des autres victimes, les condamnés devaient payer bien plus. Les montants qu’ils devraient, solidairement, verser à chacun des dizaines d’ayants droit vont de 2 à 50 millions de F CFA. Quant aux avocats venus de barreaux étrangers, les dix accusés devraient payer le montant de 42,5 millions de F CFA au titre de frais engagés. En tout, avocats et ayants droits des victimes des évènements du 15 octobre 1987 doivent recevoir des condamnés la cagnotte d’environ 520 millions de F CFA. Mais ce n’est pas tout, les condamnés devront aussi s’acquitter des frais de procédure, puisque condamnés aux dépens de l’instance.
Une réclamation qui n’a rien de pécuniaire, la famille de Thomas Sankara avait souhaité que le tribunal condamne solidairement l’Etat et les coupables à la restitution d’objets appartenant au défunt président, Thomas Sankara, ainsi que la délivrance d’un certificat de décès conforme aux causes de sa mère. Mais la chambre de jugement n’a pas accédé à ces deux requêtes qu’elle a trouvées mal fondées.
Un jugement en appel en perspective
Au sortir de l’audience, les premières réactions de certaines parties au procès sont empreintes d’insatisfaction et laissent aisément deviner que ce volet intérêts civiles, à l’instar de l’aspect pénal, est loin d’être clos. « Nous déplorons la décision de la chambre de ne pas accéder à la demande de restitution des objets et de rectification du certificat de décès. C’est un préjudice qui est réel, qui était objectif, Mais avec la famille nous allons certainement aviser », a déclaré l’avocat de la famille de Thomas Sankara, Me Benéwendé Stanislas Sankara. L’agent judiciaire de l’Etat n’a pas écarté la possibilité d’interjeter appel : « Nous allons analyser la décision de fond en comble pour voir les aspects qui vont dans le sens ou qui contrarient nos demandes et nous allons aviser. Nous estimions par exemple que nous avions droit à une indemnisation qui ne nous a pas été accordé », a indiqué Karfa Gnanou.
Bernard Kaboré