Justice

Jugement dossier Dabo Boukary : l’UGEB va se constituer partie civile

A deux semaines du début de la session de jugement qui verra l’inscription au rôle du dossier Dabo Boukary, l’Union générale des étudiants du Burkina (UGEB) a tenu une conférence de presse le mardi 6 septembre 2022 à Ouagadougou. Pour que justice soit rendue à celui qui a été assassiné en mai 1990 suite à une manifestation estudiantine, l’UGEB prévoit de se constituer partie civile, ont annoncé les conférenciers.

Des étudiants membres de l’UGEB tenant un portrait de Dabo Boukary lors de la conférence de presse à Ouagadougou (Ph. Bernard Kaboré)

Que s’est-il réellement passé en mai 1990 suite à un mouvement de contestation des étudiants burkinabè? Dans quelles circonstances l’étudiant en 7e année de médecine a-t-il alors trouvé la mort ? 32 ans après, le flou demeure et la programmation du jugement de ce dossier (19 au 30 septembre) suscite de grands espoirs, particulièrement pour la famille du défunt étudiant et l’Union générale des étudiants du Burkina (UGEB) qui a jugé nécessaire de rappeler les faits à travers la conférence de presse animée par quatre de ses responsables dont son président, Ousséni Sourabié.

Cette année-là, l’unique section nationale de l’UGEB, à savoir l’Association nationale des étudiants du Burkina (ANEB), était en lutte pour « l’amélioration des conditions de vie et d’études sur le campus de Zogona », a rappelé Ousséni Sourabié. « Au lieu d’accorder une oreille attentive aux préoccupations des étudiants afin d’apporter des solutions, les autorités de l’époque, celles du Front populaire notamment, abattront une répression féroce jamais égalée sur les étudiants. Cette barbarie conduira à l’enlèvement de notre camarade qui sera torturé à mort au Conseil de l’entente », a poursuivi le conférencier.

En attendant que le jugement mette des noms sur les visages des auteurs de cet assassinat, l’UGEB pointe d’ores et déjà le doigt accusateur sur des personnalités à l’époque, dont feu Salifou Diallo alors secrétaire adjoint aux affaires politiques de l’ODP/M (parti devenu l’actuel CDP), les militaires du CNEC (devenu plus tard le Régiment de sécurité présidentielle) avec à sa tête le général Gilbert Diendéré. A ces noms s’ajoutent ceux de membres de Comité révolutionnaire d’alors dont le médecin militaire Mamadou Bamba, Chantal Marie Bani, Yirkou Hien et Charlemagne Ouédraogo (ministre de la Santé du dernier gouvernement de Roch Kaboré) qui ont joué le rôle de « mouchard et d’indics des militaires » selon les conférenciers.

Au-delà des circonstances dans lesquelles Dabo Boukary a trouvé la mort, l’UGEB attend que le procès à venir lève le voile sur le lieu de sépulture du défunt étudiant. A ce propos, Ousséni Sourabié retient qu’après l’assassinat de Dabo Boukary, les autorités « ont d’abord menti en disant qu’il s’était évadé du Conseil de l’Entente » avant de reconnaitre la mort de l’étudiant à partir de1997 avaient, par la voix du médiateur du Faso, indiqué que « la voie judiciaire pourra être suivie par la famille et les ayants droits ». Puis, en février 2017, « une présumée tombe » a été indiquée dans les encablures de Pô, dans le sud du pays.

Que du chemin parcouru pour ceux qui ont toujours réclamé justice pour l’étudiant en médecine. Entre les années 99 et 2000, l’affaire Dabo Boukary est d’abord portée par le collectif des organisations démocratiques de masses et des partis politiques (CODMPP). Puis une plainte sera déposée par la famille avec le soutien du Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP) qui est rejoint plus tard par la Coalition contre la vie chère (CCVC). Février 2017 avait marqué également l’inculpation de plusieurs personnes dont Gilbert Diendéré, Mamadou Bamba et Magloire Yougbaré.

L’audience de mise en accusation a eu lieu le 11 juin 2020, délibérée le 16 juillet de la même année, renvoyant alors le dossier en instruction. « Ces inculpations ne nous paraissent pas surprenantes car notre union dans une lettre ouverte le 5 février 1991 au président Blaise Compaoré indiquait déjà comme responsables de la barbarie de mai 1990, feu Nindaoua Sawadogo, feu le sergent Maïga, l’adjudant Hyacinthe Kafando, feu Lieutenant Gaspard Somé, feu Salifou Diallo et le bureau du CR de l’université de Ouagadougou. Force est de constater que certains d’entre eux sont décédés sans avoir répondu de leur acte devant la justice », a déploré Ousséni Sourabié.

Pour l’UGEB, la programmation du procès de leur camarade constitue « une victoire d’étape dans la lutte de notre peuple contre l’impunité  et pour les libertés  et celle du mouvement étudiant en particulier ». A l’occasion de ce procès, l’UGEB entend se constituer partie civile aux côtés de la famille du défunt qui est assistée par les avocats Me Prosper Farama et Bénéwendé Stanislas Sankara. « Si nous nous sommes constitués partie civile, c’est parce que nous croyons que le droit sera dit »,  a déclaré Ousséni Sourabié. A l’endroit des étudiants burkinabè, l’UGEB sonne la mobilisation durant ce qu’elle considère comme un « procès historique ». Et cela, « pour devoir de mémoire et pour montrer que plus que jamais leur détermination à se battre pour la vérité et la justice  pour Dabo Boukary. Et que plus jamais de tels actes ne soient commis dans nos universités, voire au sein de la jeunesse et de façon générale dans notre pays ».

Bernard Kaboré &

Stéphanie Barro

(Stagiaire)

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